Les enjeux du sommet Etats-Unis d’Amérique/Afrique

Nouveau contexte géostratégique mondial

Cette présente contribution est une synthèse de mon intervention à la télévision internationale algérienne ALG24, le 17 décembre 2022, de 19h3 à 20h sur les enjeux du sommet USA/Afrique où est intervenu également l’expert financier Alexandre Kateb de Paris

La majorité des pays d’Afrique dont l’Algérie ont adopté une position de neutralité dans les conflits mondiaux, préconisant le dialogue et le respect du droit international, l’Algérie entretenant des relations dans le cadre du respect mutuel avec les USA, la Chine et la Russie, pour ne citer que ces qui pays qui la considèrent comme un acteur de premier plan comme facteur de stabilisation de la région méditerranéenne et africaine.

1.-Problématique
Le sommet USA/Afrique est à situer dans le nouveau contexte géostratégique mondial, avec des tensions à plusieurs niveaux interdépendants à la fois militaire politique et socio-économique ne devant pas oublier un facteur déterminant du XXIème siècle le facteur culturel qui influe à terme sur les décisions politiques et les échanges économiques. Elle fait suite à l’importante réunion des travaux de la 9ème Conférence de haut niveau sur la paix et la sécurité en Afrique à Oran-Algérie le 07 décembre 2022, celle de la Chine/ Monde arabe, en Arabie Saoudite 8/9 décembre 2022 a lieu au moment de fortes tensions géostratégiques dans le monde, préfigurant une nouvelle reconfiguration mondiale à la fois économique, sociale, culturelle et militaire entre 2023/2030.

2.-Quels sont les acteurs en présence
Dans le classement des pays par PIB, le top 10 des pays les plus riches au monde en 2022 à la première position du classement nous retrouvons les États-Unis dont le PIB s’élève à 24 796 milliards de dollars pour une population de 332 millions en 2022, la Chine 2ème position avec un PIB de 19 900 milliards de dollars mais pour 1,41 milliard d’habitants. Mais l’Europe, plus les USA pour moins d’un milliard de la population mondiale estimée à 8 milliards d’habitants en 2022, pèsent en termes de PIB courant , en 2022, plus de 40% de la richesse mondiale. Pour la Russie qui a un PIB de 1776 milliards de dollars en 2021 proche de celui de l’Espagne pour une population de 146 millions possédant d’importantes ressources naturelles première réservoir mondial de gaz 45.000 milliards de mètres cubes gazeux, 80 milliards de barils de pétrole et produisant plus de 10 millions de barils/jour est avant tout une puissance militaire mais non économique. Quant au continent Afrique ce serait une erreur politique de la considérer comme un ensemble homogène existant pas une Afrique mais des Afriques avec des spécificités économiques et culturelles inter et intra régionales du fait du poids de l’histoire, expliquant certains conflits ethniques et des frontières souvent tracées par les anciennes puissances coloniales. Nous avons l’Afrique du Nord ; l’Afrique subsaharienne où près de 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 2 USD par jour, l’Afrique de l’Ouest ; l’Afrique de l’Est ET l’Afrique australe. L’Afrique totalise 1,4 milliard en 2022 soit 18 % de la population mondiale. Mais avec des disparités Nigeria près de 212 millions, l’Egypte 102 millions, l’Afrique du Sud 61 millions, Ethiopie 99,7 millions, Algérie 45 millions, Maroc 36,3 millions, le Mali 21 millions et la Libye seulement 6 millions. Concernant les prévisions continentales de la Banque mondiale, le PIB de l’Afrique devrait passer de 2 980,11 milliards de dollars en 2022 soit 12/13% pour 55 pays comparé à un seul pays les USA , à 4 288,08 milliards de dollars en 2027, soit une hausse de 43,89% et l’Algérie devrait voir son PIB passer de 187,15 milliards de dollars en 2022 à 224,04 milliards en 2027 . Ces projections de croissance du FMI pour l’Afrique dépendent d’une série d’hypothèses qui peuvent se réaliser ou pas bonne gouvernance dont la lutte contre la corruption, réformes, sous intégrations régionales, et stabilité politique et d’autres facteurs internes et externes.

3.-Qu’en est-il des échanges économiques ?
Les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et l’Afrique sont passés de 142 milliards de dollars US en 2008 à 64 milliards en 2021. Comme le reconnaisse les responsables US eux-mêmes, le cadre de la guerre d’influence qui se joue entre les deux plus importantes économies de la planète, la Chine a largement distancé les Etats-Unis en Afrique sur le terrain économique où les échanges commerciaux entre le continent et les USA durant ces dernières années n’ont cessé de se réduire comme peau de chagrin. la Chine qui selon l’agence chinoise des douanes ont augmenté de 35,3% au cours de l’année 2021, atteignant un montant record de 254,3 milliards de dollars, en n’oubliant pas les échanges avec le monde arabe en 2021 de 330 milliards de dollars, extrapolé entre 2023/2025 à 500 milliards de dollars. Des pays font une percée en Afrique comme la Turquie où le volume des échanges devrait atteindre 45 milliards de dollars en 2022 et le poids encore important mais déclinant de l’Europe selon les données du 01 janvier 2019 (avant l’épidémie du coronavirus) atteignait 151 milliards d’euros d’exportations et 152 milliards d’importations.

4.-Les décisions du sommet USA/Afrique
Afin de contrer la Chine et la Russie sur le plan économique, lors de cette conférence, les USA ont annoncé une première enveloppe de 55 milliards de dollars à étalé sur trois ans pour l’Afrique dans un grand nombre de secteurs, donnant la priorité à quelques industries spécifiques sur la base de certains critères tels que l’avantage comparatif du secteur privé américain dans des domaines comme l’industrie pharmaceutique, la santé, l’éducation, l’agriculture, les technologies numériques et l’enseignement supérieur, dans des minéraux essentiels pour l’énergie propre comme le raffinage et le traitement du lithium, du cobalt et du nickel tout en renforçant les garanties sociales et environnementales, et en impliquant la diaspora africaine aux Etats-Unis et les pays africains. En préconisant l’adhésion de l’Afrique au G20, ainsi que dans d’autres institutions internationales, rentre dans la stratégie de contrecarrer la stratégie de la route de la soie initiée par la Chine ainsi et que celle des BRICS dont la Chine entend être le leader, voulant attirer certains pays africains et arabes. Récemment lors de la rencontre en Arabie Saoudite le ministre chinois des Affaires étrangères, ayant récemment annoncé l’idée des « BRICS Plus », un cadre qui résume cette intention d’ouvrir l’organisation à de nouveaux membres. Actuellement les BRICS avec la dominance de la Chine représentent en 2022, environ 25% du PIB mondial et plus de 45% de la population mondiale, sur 8 milliards dont des pays qui possèdent l’arme nucléaire la Russie, la Chine, l’Inde et le Pakistan. Si cette évolution se confirme avec l’entrée de bon nombre d’autres pays, cela devrait modifier fondamentalement les relations internationales, nous orientant vers un monde multipolaire.

5.-Quelles perspectives pour l’Afrique ?
Le commerce mondial a augmenté de 25% en rythme annuel en 2021 pour atteindre un record de 28.500 milliards de dollars et même si les exportations africaines de biens et services ont enregistré une croissance particulièrement rapide au cours des dix dernières années, elles représentent à peine 3 % du commerce mondial, loin de ses importantes potentialités. L’Afrique est caractérisée par la faiblesse de son intégration qui est de l’ordre de 11/12 % alors que le flux des échanges entre pays européens est de plus de 60 %. Il est utopique pour l’instant de parler d’intégration de tout le continent Afrique, mais de sous intégrations régionales, l’important est de dynamiser des effets économiques la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf afin de stimuler la croissance, de réduire la pauvreté et d’élargir l’inclusion économique dans les pays concernés. Selon des simulations reposant sur l’amélioration de l’efficacité des marchés des produits et du travail, de dégrèvements tarifaires progressifs, supposant des entreprises concurrentielles en termes de coût /qualités s’alignant sur les normes internationales, la mise en œuvre de la zone de libre échange permettrait selon un rapport de l’OUA : de sortir 30 millions d’Africains de l’extrême pauvreté, d’augmenter les revenus de près de 68 millions d’autres personnes qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour ; d’augmenter les revenus de l’Afrique de 450 milliards de dollars d’ici à 2035 (soit une progression de 7 %), mais sous réserve du renforcement des mesures de facilitation des échanges de lever les freins bureaucratiques et simplifier les procédures douanières ce qui permettrait d’accroître de 560 milliards de dollars les exportations africaines.

6.-Les relations économiques Algérie -Afrique/Europe /USA/Chine
Avec les nouvelles données internationales concernant l’envolée du prix des hydrocarbures, les réserves de change devraient clôturer à plus de 54,6 milliards de dollars selon le ministre des finances et la balance commerciale devrait connaître d’importantes mutations positives en 2022.
Pour 2023/2025, les équilibres macro financiers dépendent de l’évolution du cours des hydrocarbures qui avec les dérivés inclus dans la rubrique hors hydrocarbures pour 60/70% représentent 98% des ressources en devises du pays. Concernant les relations algéro- américaines, lors d’une visite de courtoisie qu’elle m’a rendue à mon domicile à Oran, pour éviter toutes mauvaises interprétations en tant qu’expert international indépendant, avec ses proches collaborateurs il y a de cela quelques mois l’ambassadrice des Etats-Unis d’Amérique a confirmé les bonnes relations entre l’Algérie et son pays, bon nombre d’entrepreneurs américains, sous réserves de la levée des entraves bureaucratiques, de l‘encouragement de l’initiative privée et de l’approfondissement des réformes sont prêts à investir en Algérie.
Cependant les relations économiques sont loin des potentialités comme l’a reconnu le Secrétaire d’État US Anthony Blinken lors de sa dernière étape en région MENA, qui l’a conduit en Algérie où le commerce bilatéral entre les États-Unis et l’Algérie était d’un montant de 1,2 milliard de dollars en 2020, et pour 2021, ce chiffre a plus que doublé pour atteindre 2,6 milliards de dollars, (le ministère du commerce donnant un montant de 3 milliards de dollars) espérant porter les échanges commerciaux à 6,1 milliards de dollars.
Pour la zone africaine, les échanges globales de l’Algérie, importations et exportations en 2020 n’ont pas dépassé les 5%, environ 3 milliards de dollars ayant enregistré une baisse de 13% en 2020, soit 460 millions de dollars, par rapport à 2019 selon les statistiques douanières officielles, reprises par l’APS.
Les échanges commerciaux entre l’Algérie et les pays arabes, depuis son adhésion à la Grande zone arabe de libre échange (GZALE) en 2009 jusqu’à 2021, a atteint un montant de 4,7 milliards de dollars/an. Une grande partie des échanges de l’Algérie sont orientées vers l’Europe en baisse au profit de la Chine, en 2020 pour un montant de 30,17 milliards de dollars contre 40,473 pour 2019, l’Europe étant son principal d’exportation d’hydrocarbures notamment du gaz.
La Chine était en 2020 le 1er fournisseur de l’Algérie, avec une part de marché de 17%, les exportations de la Chine entre 2020/2020 avoisinant 76 milliards de dollars, avec un important déséquilibre au profit de la Chine, contre seulement 200 millions de dollars en 2000, suivie par la France (10%) et l’Italie (7%).

En conclusion, le devenir de l’Afrique dont celle de l’Algérie, devant défendre ses intérêts propres, continent pivot du XXIème siècle, d’où les rivalités tant des grandes puissances que des nations émergentes, avec un monde instable devan
Abderrahmane Mebtoul
Pr des universités,
Docteur d’Etat en sciences économiques