Le pro-américanisme de l’Occident

La conjoncture mondiale liée à la guerre en Ukraine exige qu’on s’interroge sur le rôle des États-Unis, non seulement dans celle-ci, mais sur leur impérialisme renaissant. Celui-ci a été constant depuis plus d’un siècle, abrité derrière des proclamations démocratiques qu’ils n’ont cessé de bafouer dans des guerres meurtrières et que seule la montée en puissance de la Chine peut limiter.

Dans la conjoncture mondiale qui date au moins de la guerre en Ukraine, il est malheureusement instructif de consulter les médias écrits ou audio-visuels pour prendre conscience de l’incroyable faveur idéologique et politique dont bénéficient les États-Unis, hormis dans le champ de la presse communiste ou liée à La France Insoumise. Plusieurs points sont marquants, et je commencerai par le plus grave car il implique tout le reste.

D’abord la guerre en Ukraine. Il ne s’agit pas de justifier les atrocités de cette guerre dont Poutine a pris l’initiative, mais de rappeler d’abord qu’elle est issue du démantèlement de la Russie dont les frontières coïncidaient avec celles de l’ex-URSS, elle-même abolie sur une base libérale hostile à tout socialisme (malgré la résistance ultime de Gorbatchev), ce qui a permis à ses ex-dirigeants de s’enrichir impunément et, surtout, de conférer une indépendance juridique artificielle à des « régions » ou « nations » (comme on voudra) qui lui appartenaient. De cela personne ne s’est offusqué ! C’est ce que l’on peut appeler un souci de la démocratie à sens unique.
Derrière ce processus politique il y avait bien entendu l’intention américaine d’intégrer ce nouveau pays à l’OTAN qui est le bras juridique d’abord, armé ensuite de la présence des américains dans cette zone du monde, avec toutes les victimes, de part et d’autres, que cela a entraîné : bravo le christianisme « moral » dont ils prétendent se réclamer, Biden en tête ces temps-ci. Le Christ doit se retourner dans sa tombe, si je puis me permettre ce propos impertinent et iconoclaste ! Mais ce processus a un sens plus large et essentiel : il traduit la remontée de l’ambition impérialiste des États-Unis à l’échelle du monde sur laquelle les analystes politique, dans leur grande majorité, font silence, qu’ils ne veulent ou ne peuvent pas voir, étant donnée leur culture intellectuelle… mais que Biden, encore lui, vient d’avouer en clamant : « L’Amérique est de retour ! » Cette volonté hégémonique mondiale ne date pas d’aujourd’hui. Elle remonte, on ne le dit pas souvent, à la période qui a suivi la 2ème guerre mondiale (donc dès 1949) quand il a été question de créer en Europe une zone de libre-échange, dont le Club de Rome a été l’incarnation. Le sait-on ? Il s’agissait tout simplement d’encadrer les pays européens où les partis communistes étaient forts (France, Italie, Espagne) et d’empêcher leur extension face à une URSS qui offrait une image positive aux peuples – qu’elle ait été fondée ou pas. Et l’on sait, pour faire un bond en avant, que l’Europe d’aujourd’hui, après la chute du Mur de Berlin, est une Europe profondément libérale et pro-américaine.dans ses traités.
À l’échelle du monde ai-je dit. Oui car une nouvelle donne est apparue depuis la fin du siècle dernier : la montée en puissance de la Chine sur le plan économique ainsi que sur celui de son attractivité politique en termes humains. Une remarquable analyste de note époque en général et de la Chine en particulier, vient de le démontrer et de m’en convaincre pleinement, à savoir celle ce Bruno Guigue dans son livre « Communisme » (Delga) et sa participation au livre collectif « La Chine sans œillères » (Delga à nouveau). Or, par-delà les mérites de ce régime et même si certains les contestent, il est à l’origine d’un nouvelle division du monde en deux blocs antagonistes (je laisse la Russie de côté) qui mécontente les USA et déclenche même leur colère tans ils veulent dominer la planète à leur profit. En plus, cette domination, qui s’érode et veut se redresser via la guerre en Ukraine, a existé depuis longtemps, à travers de multiples guerres terriblement meurtrières et que l’Occident européen, semble oublier : la guerre en Corée, celle du Vietnam, toutes celle qui ont suivi au Moyen-Orient avec l’intervention en Afghanistan sans le moindre effet émancipateur vis-à-vis de l’islamisme anti-féminin, celle en Irak avec ses milliers de morts ou leur longue intervention, aux motifs compliqués, en Syrie, sans compter l’exploitation de pays sous-développés dans le Tiers-Monde. À quoi il faut ajouter – alors qu’ils se réclament de la démocratie, leur soutien aux pires régimes dictatoriaux du siècle précédent, comme ceux d’Espagne, du Portugal ou de Pinochet – et j’en passe comme leurs liens avec la Hongrie autoritaire actuelle ou la Pologne réactionnaire à plusieurs points de vue… mais catholique !
Sans compter, enfin, leur absence de réaction face aux régimes musulmans où les droits humains démocratiques et ceux des femmes en particulier sont littéralement bafoués, ou encore face à ce qui se passe en Israël, tant sur le plan intérieur d’un régime absolument autoritaire à la démocratie illusoire et sur celui d’un déni des droit nationaux des Palestiniens qu’ils veulent absorber.
Comment alors ne pas donner raison au journal Le Monde pour une fois(qui n’est pas un journal spécialement révolutionnaire) quand ils affirme à propos des « alliés occidentaux » de l’État hébreu : « Qu’ils ne s’étonnent donc pas de susciter l’indifférence d’une partie du monde lorsqu’ils appellent ailleurs au respect des droits des peuples » (édition de ce week-end). Simplement, je serai plus sévère : l’attitude de l’Occident, comme je l’ai suggéré dans ce billet, ne m’indiffère pas : elle me scandalise tant elle accepte l’hégémonie idéologique et pseudo démocratique des américains, dont les valeurs officielles sont le masque d’un impérialisme général, menaçant aussi Taïwan (province chinoise en droit),… auquel seule la Chine va pouvoir opposer un système de valeurs et de pratiques dignes de respect, même si certains n’en sont pas convaincus !
Par Yvon Quiniou