Marocgate les liaisons dangereuses entre l’UE et le Makhzen (I)

Bien que tout ait commencé avec une enquête de corruption liée au Qatar qui a permis à la police belge de saisir plus de 1,5 million d’euros dans une vingtaine de résidences et bureaux, les enquêteurs se sont aperçus que ce qu’on a appelé le Qatargate n’était que le sommet d’un gigantesque iceberg.
Le Parquet se focalise à présent sur la partie immergée, c’est-à-dire l’influence tentaculaire du Maroc au sein du Parlement européen. Et de fait, le Marocgate n’en finit pas de faire des vagues au niveau mondial et chaque jour apporte son lot de révélations. C’est un véritable séisme qui secoue les fondements des institutions européennes et l’on comprend que cette affaire de corruption pour laquelle la vice-présidente du Parlement européen, Eva Kaili, ainsi que son compagnon, l’assistant parlementaire Francesco Giorgi, l’ex-eurodéputé Pier Antonio Panzeri, et le lobbyiste Niccolo Figa-Talamanca, sont incarcérés, est bien plus vaste que ce que l’on imaginait.
On peut effectivement considérer cette affaire comme le scandale du siècle, car le degré d’implication du régime marocain dans cette affaire de corruption au Parlement européen et à la Commission est bien plus important et bien plus dangereux que ne l’imaginaient les enquêteurs belges qui s’aperçoivent que l’influence marocaine sur des politiciens et fonctionnaires européens remonte à plusieurs années. Nous sommes donc aujourd’hui devant une enquête portant sur des délits de «corruption», «blanchiment d’argent» et «appartenance à une organisation criminelle». Rien de moins ! Et il s’avère que plus on fouille, plus on découvre des cas d’espionnage et de corruption où sont impliqués d’innombrables acteurs dont des personnalités politiques de haut rang. Nous sommes littéralement face à une nébuleuse aux nombreuses ramifications et les institutions européennes, déjà bien fragilisées par les décisions arbitraires d’Ursula von der Leyen dont nous avons déjà évoqué dans un précédent article les nombreux conflits d’intérêt et faits de corruption qui entachent sa carrière, risquent de ne pas s’en remettre. La fonction de politicien en Europe est désormais marquée du sceau de la honte.
Face à cette énorme affaire de corruption qui touche tous les pays européens, plusieurs parquets d’Europe sont en train d’enquêter à leur tour. Et donc, des soirées rouges et des rendez-vous coquins de Marrakech où ils se livraient aux délices voluptueux de l’exotisme, tous ces délinquants en col blanc ont désormais rendez-vous avec des juges, et, certes, pas pour des rendez-vous galants. Quant à ceux qui ne sont pas encore dans le viseur de la justice mais qui savent bien que celle-ci ne tardera pas à leur demander des comptes, nous imaginons aisément que les fêtes de cette fin d’année n’ont pas été aussi joyeuses qu’ils l’auraient souhaité. Nous soulignons le fait que cette oligarchie composée de corrompus n’a jamais cessé d’attaquer l’Algérie et son armée, comme on l’a vu récemment avec la lettre adressée par des eurodéputés à Von der Leyen et Borrell et qui a fait l’objet d’un article.
Selon les enquêteurs du Parquet fédéral belge, l’ingérence du Makhzen allait bien au-delà de son influence dans les décisions du Parlement européen concernant le Maroc, il pesait même dans les nominations des membres des commissions du Parlement qui traitaient de dossiers sensibles pour le royaume féodal du roi dépravé. Par exemple, on apprend que la commission créée pour enquêter sur l’utilisation du logiciel d’espionnage Pegasus, qui a piraté de nombreux téléphones portables, a été infiltrée. Les enquêteurs pensent également que l’élection d’Eva Kaili à la vice-présidence du Parlement européen a été soutenue par Panzeri et son équipe. Et donc, par l’intermédiaire des parlementaires mercenaires du Maroc, le Makhzen a pu peser sur le vote de nombreux textes de résolutions, mais aussi dans différentes déclarations de la délégation pour le Maghreb. Ainsi, le Makhzen serait intervenu pour la modification du rapport annuel du Parlement sur la politique étrangère et de sécurité commune, et même dans le choix des nominés pour le prix Sakharov pour la liberté d’expression. On constate en effet qu’en 2021, c’est Sultana Khaya, la militante sahraouie des droits humains et pour l’indépendance du Sahara Occidental, qui avait été proposée. Intolérable pour le Makhzen ! Selon certaines sources, tout a commencé en 2013 lorsqu’un plan d’action élaboré par le Makhzen pour influencer le Parlement européen voit le jour. C’est l’ambassadeur de l’époque, Menouar Alem, qui avait eu l’idée de mener une opération dont l’objectif était de promouvoir les intérêts du Maroc au sein du Parlement européen. Ce plan détaillé comprenait la collecte d’informations, la promotion et le lobbying en vue d’influencer les décisions du Parlement européen. Nous sommes en possession d’un document le prouvant daté de 2013, soit près de dix ans avant l’enquête du Parquet belge sur le Marocgate. Les négociations qui déboucheront par la suite sur les accords de libre-échange entre l’Union européenne et le Maroc débuteront à cette même période, accords permettant au Maroc d’empocher plus de 35 milliards d’euros par an. Figure centrale du scandale, l’ancien député européen italien Pier Antonio Panzeri est un socialiste qui aime le luxe comme la plupart des socialistes. Il était au Parlement européen depuis 2004 et a été nommé président de la Sous-Commission des droits de l’Homme du Parlement en 2017. En 2019, comme il n’avait pas été réélu et afin de poursuivre ses activités lucratives en faveur du Maroc et du Qatar, il a fondé à Bruxelles l’ONG Fight Impunity qui visait à «promouvoir la lutte contre l’impunité en cas de violations graves des droits de l’Homme et de crimes contre l’humanité». Son ONG collaborait régulièrement avec des membres du Parlement européen sur des questions liées aux droits de l’Homme en organisant des conférences et des colloques, ce qui est contraire aux règles en vigueur au parlement européen puisque depuis 2021, toute ONG invitée au sein du Parlement européen doit être inscrite au registre européen de transparence, une base de données qui répertorie les organisations qui font du lobby et dont l’objectif est d’influer sur les politiques de l’Union européenne. Ces organisations sont tenues de déclarer les intérêts qu’elles défendent, le nombre de personnes qui y travaillent et le montant de leur budget. Or, Fight Impunity n’avait jamais été inscrite dans le registre. On notera au passage que créer une ONG qui s’appelle «combattre l’impunité» quand on est un ripou, c’est assez culotté. Selon la Sûreté de l’Etat belge qui a ouvert l’enquête, l’activité de collaboration de Panzeri avec le Maroc remonte à au moins 2014, alors que ses manœuvres en faveur de Doha ont débuté en 2018. Mais selon nos sources, nous pouvons remonter cette collusion avec les services marocains en 2010 déjà.
Pensez-vous que Panzeri entendait défendre les droits du peuple sahraoui opprimé par le Maroc, ou prendre la défense des travailleurs morts dans la construction des stades de football au Qatar ? Non, bien sûr, cela n’entrait pas dans l’optique de son ONG. Et puis, on ne va pas tuer la poule aux œufs d’or, n’est-ce pas ? La composition du conseil d’administration de ce haut lieu de «défense des droits humains» vaut son pesant de cacahuètes. Rien que du beau monde, comme le Français Bernard Cazeneuve, successivement ministre de l’Intérieur et puis Premier ministre PS sous François Hollande, les Italiennes Emma Bonino, ex-commissaire européen et ancienne ministre, Parti radical, et Federica Mogherini, PD, ancienne haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, la Suédoise Cecilia Wikström, libérale, qui, tenez-vous bien, est très engagée dans les questions relatives à la liberté d’expression en Suède comme dans d’autres pays. Cette Cecilia Wikström a fait des études de théologie à l’Université d’Uppsala et a occupé divers postes au sein de l’Eglise de Suède, tels que pasteur paroissial, aumônier de prison et chanoine de la cathédrale d’Uppsala. Mais, malgré un tel parcours et son militantisme pour la liberté d’expression, elle n’a jamais levé le petit doigt pour sortir Julian Assange de prison ou même pour aller le visiter, et l’on sait le rôle de la Suède dans le harcèlement qu’a subi Julian Assange. Autre eurodéputée tout aussi «vertueuse», la Portugaise Isabel Santos, PS, présidente de la délégation pour les relations avec les pays du Machrek, membre de la sous-commission des droits de l’Homme et qui est accusée par les enquêteurs belges d’avoir approuvé le financement de Fight Impunity à l’aide de fonds européens alors que cette ONG n’était pas dans le registre de transparence de l’UE et n’a jamais publié ces comptes annuels, comme l’exige la loi belge sur les associations sans but lucratif (ASBL).
A Suivre…
Mohsen Abdelmoumen