Marocgate : Les liaisons dangereuses entre l’UE et le Makhzen (IV)

L’eurodéputée espagnole Inès Ayala Sender, membre du PSOE et coprésidente de la Commission parlementaire mixte (CPM) Union européenne-Maroc, est aussi une grande amie du Maroc. Au cours d’un déplacement à Rabat en février 2018 pour entériner les accords de pêche et agricole entre l’UE et le Maroc, elle a déclaré que «le royaume jouit d’un statut de pionnier en matière de promotion de l’islam du juste milieu et ce, aussi bien dans le monde arabe que chez les communautés musulmanes en Europe».C’est sa proximité avec l’ancien président de la banque du Vatican, Ettore Gotti Tedeschi, qui serait à l’origine de sa nomination. Quand on sait que Tedeschi a été mêlé à des intrigues sulfureuses dans l’histoire récente du Vatican, où les intérêts de la Cosa Nostra, la mafia sicilienne, croisaient ceux de la loge maçonnique italienne P2 et d’une série d’affairistes corrompus, et qu’il a été au cœur de l’un des plus gros scandales financiers de l’histoire du Vatican, on ne sera pas surpris d’apprendre que Francesca Chaouqui a fini sa carrière de conseillère papale… devant un juge d’instruction pour vol de documents confidentiels avec son complice, le prélat espagnol Angel Vallejo Balda proche de l’Opus Dei. Et l’ombre de Giulio Andreotti, l’ancien président du Conseil qui l’avait introduite dans l’un des plus importants cabinets d’avocats romains, a sans doute encore pesé dans la clémence de sa condamnation à 10 mois de prison avec sursis en 2016 pour «délit de divulgation de nouvelles et de documents confidentiels «concernant le Vatican, ce que l’on a appelé le Vatileaks 2.» Le prélat inculpé a déclaré qu’il avait subi des pressions et un chantage de la «belle» qui l’auraient fait craquer pour qu’il donne les mots de passe permettant de voler les documents confidentiels.
Karima Moual, journaliste marocaine originaire de Casablanca, est l’épouse depuis 2013 du député et ancien secrétaire d’Etat italien aux Affaires européennes Vincenzo Amendola, membre éminent du Parti démocrate. Elle est éditorialiste à La Stampa et à La Republica, des journaux italiens connus, et présente des émissions politiques à la télévision italienne. Elle a réussi à infiltrer le monde de la presse italienne et celui de la politique grâce à son mariage avec Amendola. Moual est une journaliste formée aux Etats-Unis par le programme Edward R. Murrow pour les journalistes, financé par le département d’Etat américain (US Department of State’s Edward R. Murrow Program for Journalists). Dans les années 2010, elle a collaboré avec l’ambassade américaine et avec le département d’Etat américain, et est depuis 2014 ouvertement à la solde de la monarchie de Bousbir en gérant le portail d’information en italien pour le très controversé Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, ou CCME. Ce CCME est une institution directement gérée par le Makhzen pour superviser la communauté marocaine à l’étranger. Sa mission est d’émettre des avis en vue de veiller à la défense des intérêts de la diaspora marocaine et de renforcer leur contribution au développement du pays. Cet organisme a créé la polémique en Belgique, en France et aux Pays-Bas en raison de la présence parmi ses membres de parlementaires ou de membres de gouvernements accusés de «double allégeance». Parmi ceux-ci, citons Yamila Idrissi, députée belge flamande PS, Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre française sous François Hollande et actuellement élue locale PS, et Khadija Arib, députée du Parti travailliste néerlandais. Vincenzo Amendola a occupé d’importantes fonctions au sein de l’Etat italien, notamment son poste au ministère des Affaires étrangères. Le fait qu’il gérait des dossiers d’immigration et de terrorisme, sans parler de ses relations avec les Nations unies et l’Union européenne, ainsi que sa proximité avec des questions sensibles de sécurité en faisaient une cible de choix pour les services marocains. Au cours de son mandat, il a souvent accompagné le président de la République, Sergio Mattarella, lors de visites d’Etat internationales. Il fait partie du conseil d’administration de l’Istituto Affari Internazionali (IAI : Institut des affaires internationales), un think tank italien classé parmi les 20 meilleurs think tanks mondiaux dans les catégories «Politique étrangère et relations internationales», «Défense et sécurité nationales» et «Europe de l’Ouest». Le hic, c’est qu’Amendola est très proche de Pier Antonio Panzeri. Le Policy Center for the New South est un groupe de réflexion marocain fondé en 2014 par le groupe OCP (anciennement Office chérifien des phosphates) appartenant à la famille royale marocaine, visant à «contribuer à l’amélioration des politiques publiques économiques et sociales qui interpellent le Maroc et le reste de l’Afrique en tant que parties intégrantes du Sud global». Le PCNS réunit des chercheurs, publie leurs travaux et compte tout un réseau de partenaires de renom, issus de différentes régions du monde. Le PCNS accueille tout au long de l’année une série de rassemblements, dont les plus importants sont les conférences internationales annuelles «The Atlantic Dialogues» et «African Peace and Security Annual Conference» (APSACO). Le think tank entretient aussi une communauté de jeunes leaders à travers le programme Atlantic Dialogues Emerging Leaders (ADEL). Diverses personnalités politiques sont invitées à des conférences organisées dans le lieu de prédilection du Makhzen, l’hôtel Mamounia à Marrakech. Cette tactique bien connue est appelée «la diplomatie de la Mamounia». Ainsi, on y a vu, entre autres, Madeleine Albright, l’ancien ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine, mais aussi la ministre portugaise de la Défense, Helena Carreiras, et Vincenzo Amendola, cité ci-dessus et époux de Karima Moual.
Nadia Jalfi est l’épouse de Gustavo de Arístegui, homme politique espagnol du Parti populaire et diplomate. Il a dû démissionner de son poste d’ambassadeur en Inde pour corruption. Il a en outre aidé les services secrets marocains. Quelque 150 courriels ont été envoyés à la DGED entre 2008 et 2011 par l’épouse de Arístegui. Ces emails traitaient de sujets tels que l’image du conflit du Sahara dans la presse. Son contact était le chef de cabinet de la DGED, Mourad El Ghoul. Nadia Jalfi a travaillé pour l’agence Mena Media Consulting appartenant à Fouad Ali El Himma, ami intime et conseiller très influent de Mohammed VI. En collaboration avec Open Gate Italia, la société de consulting et lobbying a travaillé pour le Maroc. Une partie de l’activité professionnelle de Nadia Jalfi a été consacrée à essayer de faire connaître les aspects positifs du Maroc, en proposant, par exemple, aux radios espagnoles de diffuser leurs programmes vedettes en direct de Rabat.
En faisant des recherches sur tous les députés mêlés de près ou de loin à ce scandale, on constate que l’on a affaire à une véritable caste de gens qui ne servent strictement à rien, gonflés d’une importance qu’ils n’ont pas, imbus de leurs prérogatives et des avantages qu’ils y trouvent, arrogants vis-à-vis des nations qui ne suivent pas leurs diktat, prêts à tout pour s’enrichir et prolonger leur statut de privilégiés, et tout cela avec l’argent des contribuables européens que l’incompétence et la soumission de ces élus à un système moribond et à différents lobbies très puissants précipitent dans la ruine et la récession. Car ne nous y trompons pas, ce scandale qui fait trembler le Parlement européen est révélateur d’un pourrissement avancé annonciateur d’une mort imminente. Il faut les voir sur les photos qu’ils postent sur les réseaux sociaux, complètement catastrophés, hébétés, le visage décomposé et maculé par leur bulle de privilégiés qui leur a éclaté en pleine figure. Certains posent même dans leur berline de fonction luxueuse avec chauffeur, c’est dire s’ils sont déconnectés de la réalité. Eh oui, Mesdames et Messieurs les carriéristes opportunistes de la politique, le temps est venu de payer la facture de toutes vos malversations. Et comptez sur nous, nous ne vous lâcherons pas. La justice non plus. Pour terminer, nous donnons la parole à Vincent Van Quickenborne, ministre belge de la Justice, Open VLD (libéraux), pas par sympathie particulière mais parce qu’il résume bien la situation.
Menacé d’enlèvement, il déclare alors qu’il est sous haute protection policière avec sa famille pour avoir voulu s’attaquer aux narcotrafiquants de la Mocro mafia marocaine dont nous avons déjà parlé dans un précédent article : «Un Etat mafieux commence quand des parlementaires, des élus du peuple, sont corrompus contre de l’argent pour tenir un discours et adopter un comportement de vote déterminé.
C’est la fin de l’Etat de droit». Nous ajoutons qu’il serait grand temps que tous ces Etats mafieux cessent une bonne fois pour toutes de se poser en donneurs de leçons à la planète entière, et notamment à l’Algérie et à son armée, et balaient devant leur porte pour éliminer tous les parasites qui infestent leurs institutions.
(Suite et fin)
Mohsen Abdelmoumen