Des séances lyriques exutoires

Chant féminin « Urar Lkhalath »

Le chant populaire féminin « Urar Lkhalath » pratiqué notamment dans le monde rural et toujours vivant dans les villages de la wilaya de Tizi-Ouzou, représente des « séances lyriques exutoires », a indiqué à l’APS, le musicologue et neurochirurgien, Dr. Mouloud Ounnoughene.Auteur de plusieurs ouvrages sur l’impact positif de la musique et du chant sur la santé du cerveau, Dr. Ounnoughene a indiqué à l’APS, à l’occasion du premier festival du chant « Urar Lkhalath » organisée par la direction de la culture et des arts de Tizi-Ouzou, que « quand l’harmonie enchanteresse de l’Achewiq (poème chanté lors des séances d’Urar Lkhalath) opère, c’est toute la machine humaine qui s’apaise ».
Selon lui, « cette mélodie incantatoire donne vie à l’âme », ajoutant que, « par ses joutes verbales rythmées, l’Urar « ennoblit les servitudes terrestres ».
Dr. Ounnoughene a relevé que « la dynamique synchrone du mouvement vocale de ces mélopées crée une énergie impulsive dont l’assonance entraîne un effet de soulagement ».
« Au cours de ces parties d’Urar, il y a comme une catharsis qui prend corps dans un cadre intimiste. Toutes les préoccupations que subit la femme sont énoncées dans ces séances lyriques exutoire amplement utiles, en plus de leurs schémas esthétiques », a-t-il relevé.
Dr. Ounnoughene, qui est aussi musicien et auteur d’un ouvrage « La Musique autrement, de la note à la thérapie », paru fin octobre dernier, a rappelé, à l’occasion, le rôle de la musique et du chant dans le traitement des pathologies neuronales.
Pour étayer ses propos, il a indiqué qu’un chant traditionnel berbère « Achwiq » qu’il a composé lui-même et utilisé pour traiter des malades atteints d’Alzheimer « a donné de très bons résultats ».
« La musique est un appoint intéressant qui accompagne, entre autres, l’orthophoniste dans la rééducation d’une dysarthrie post-AVC. Elle est aussi indiquée chez la personne atteinte d’Alzheimer et se révèle être d’une aide appréciable chez l’enfant autiste », a-t-il dit.
Le spécialiste a ajouté qu’écouter de la musique ou mieux encore, jouer régulièrement d’un instrument de musique ou pratiquer une activité impliquant le chant, « est fort intéressant pour notre santé mentale ».
Il a, à cet effet, souligné l’importance de la pratique instrumentale de la musique qui développe la psychomotricité chez l’enfant et sa dextérité avec des bénéfices pour l’audition et l’agilité des doigts. Les chorales, a-t-il observé, sont intéressantes dans le cadre de la socialisation des personnes.
Citant plusieurs études sur la musicothérapie, il a expliqué que ce type de traitement a aidé de nombreux patients atteints d’autisme, de dépression, d’Alzheimer, de Tics moteurs ou vocaux, de troubles du langage suite à un AVC, à améliorer leur état de santé mentale.
Cela est dû au fait que, la musique « améliore la plasticité du cortex cérébrale » a-t-il dit. Quand on joue d’un instrument ou on chante, à la longue il se produit une augmentation du cortex du cerveau et cela a été mis en évidence par une IRM fonctionnelle, a-t-il expliqué.
Il a cité, à ce propos que chez les musiciens qui pratiquent régulièrement et assidument la musique, la zone responsable de l’audition est augmentée à 130%.
La musique et le chant favorisent aussi la sécrétion de la dopamine qui est « l’hormone du bonheur », comme ils stimulent le système neurovégétatif et les fonctions cognitives du cerveau.
« Là où il y a le chaos et l’angoisse, la musique est un langage qui peut ramener l’ordre et le calme, son rôle étant le rétablissement du rythme biologique du corps », a-t-il insisté.
Le spécialiste a souligné qu’en novembre 2019 un rapport de l’OMS basé sur l’étude de 900 publications sur l’art-thérapie « reconnaît le bénéfice des activités artistique sur la santé de l’individu ».
R.C.