Quel rôle pour l’Algérie ?

Les facteurs économiques et sécuritaires des acteurs USA/Chine, Europe/Russie au niveau de l’Afrique via le Sahel

Cette contribution est une synthèse que j’ai transmise pour donner une conférence, suite à l’invitation de la Konrad Adenauer Stiftung qui organise à Nouakchott, du 19 au 22 février 2023, un débat qui portera sur le rôle économique des acteurs externes dans l’espace Maghreb-Sahel, en particulier la Chine, la Russie, la Turquie et les Emirats arabes unis.

La lutte contre le terrorisme implique de mettre fin à cette inégalité tant planétaire qu’au sein des États, où une minorité accapare une fraction croissante du revenu national, enfantant la misère et donc le terrorisme, renvoyant à la moralité de ceux qui dirigent la cité. Car le tout-sécuritaire pour le sécuritaire a des limites. Cela implique de s’attaquer à l’essence (un co-développement) et non aux apparences. Le fossé entre les riches et les pauvres se creuse davantage, tandis que l’écart des revenus renforce les inégalités en matière de richesse, l’éducation, la santé et la mobilité sociale sont menacées avec des conséquences pernicieuses du chômage. En ce mois de janvier 2023 étant à l’orée d’une période d’incertitude croissante, aux racines ancrées dans la polarisation des sociétés, avec l’ampleur de la récession mondiale et des gouvernances mitigées, nous assistons à des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse totalement désorientée surtout en Afrique.

4.-Le Sahel via l’Afrique, enjeux économiques des grandes puissances
Dans une note du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest de l’OCDE , il est mis en relief que l’arc sahélien, sans compter le reste du continent , est riche en ressources, sel, or, pétrole, gaz, fer, phosphate, cuivre, étain et uranium autant de richesses nourrissant les convoitises de puissances. Ce qui explique les sommets réguliers, USA/Afrique, Chine/ Afrique, Europe/Afrique, Japon/Afrique, Turquie/Afrique ? Selon les prévisions continentales de la Banque mondiale, le PIB de l’Afrique devrait passer de 2.980 milliards de dollars en 2022 à 4.288 en 2027, soit une hausse de 43,89%, ces projections de croissance du FMI pour l’Afrique dépendent d’une série d’hypothèses qui peuvent se réaliser ou pas, bonne gouvernance dont la lutte contre la corruption, réformes, sous intégrations régionales, et stabilité politique. C’est une croissance modeste car le commerce mondial a augmenté de 25% en rythme annuel en 2021 pour atteindre un record de 28.500 milliards de dollars et même si les exportations africaines de biens et services ont enregistré une croissance particulièrement rapide au cours des dix dernières années, elles représentent à peine 3% du commerce mondial, loin de ses importantes potentialités, l’Afrique étant caractérisée par la faiblesse de son intégration qui est de l’ordre de 11/12% alors que le flux des échanges entre pays européens est de plus de 60%. Il est utopique pour l’instant de parler d’intégration de tout le continent Afrique, mais de sous intégrations régionales, l’important étant de dynamiser la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf afin de stimuler la croissance, de réduire la pauvreté et d’élargir l’inclusion économique dans les pays concernés.
La mise en œuvre de la zone de libre échange permettrait selon un rapport de l’OUA de sortir 30 millions d’Africains de l’extrême pauvreté, d’augmenter les revenus de près de 68 millions d’autres personnes qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour et d’augmenter les revenus de l’Afrique de 450 milliards de dollars d’ici à 2035. Et c’est dans ce cadre que rentre les rivalités entre grandes puissances Usa, Chine, Europe, certains pays émergents sans oublier le rôle de la Russie à travers Wagner concernant surtout l’aspect militaire, où les échanges entre les USA et l’Afriques ont passées de 142 milliards de dollars en 2008 à seulement 64 en 2021 largement distancé par la Chine qui selon l’agence chinoise des douanes ont augmenté de 35,3% au cours de l’année 2021, atteignant un montant record de 254,3 milliards de dollars, en n’oubliant pas les échanges avec le monde arabe en 2021 de 330 milliards de dollars, extrapolé entre 2023/205 à 500 milliards de dollars. Des pays font une percée en Afrique comme la Turquie où le volume des échanges devrait atteindre 45 milliards de dollars en 2022. Malgré le poids déclinant, l’Europe selon les données du 1 janvier 2019 (avant l’épidémie du coronavirus), atteignait 151 milliards d’euros d’exportations et 152 milliards d’importations. Afin de contrer la Chine et la Russie sur le plan économique, lors de la dernière conférence, les USA ont annoncé une première enveloppe de 55 milliards de dollars à étalé sur trois ans pour l’Afrique dans un grand nombre de secteurs. La priorité est donnée aux industries spécifiques sur la base de certains critères tels que l’avantage comparatif du secteur privé américain dans des domaines comme l’industrie pharmaceutique, la santé, l’éducation, l’agriculture, les technologies numériques et l’enseignement supérieur, dans des minéraux essentiels pour l’énergie propre comme le raffinage et le traitement du lithium, du cobalt et du nickel, tout en renforçant les garanties sociales et environnementales et en impliquant la diaspora africaine aux Etats-Unis et les pays africains. En préconisant l’adhésion de l’Afrique au G20, ainsi que dans d’autres institutions internationales, la récente réunion USA/Afrique rentre dans la stratégie de contrecarrer la stratégie de la route de la soie initiée par la Chine où au sein des BRICS la Chine entend être le leader, voulant attirer certains pays africains et arabes. Récemment lors de la rencontre en Arabie Saoudite le ministre chinois des Affaires étrangères, a annoncé l’idée des « BRICS Plus », un cadre qui résume cette intention d’ouvrir l’organisation à de nouveaux membres pour un monde multipolaire. Actuellement, les BRICS avec la dominance de la Chine représentent en 2022, environ 25% du PIB mondial et plus de 45% de la population mondiale, sur 8 milliards d’habitants au 1 janvier 2023, dont des pays qui possèdent l’arme nucléaire la Russie, la Chine, l’Inde et le Pakistan. La crise actuelle pourrait ralentir le poids des BRICS et notamment, pour la Chine remettre en cause à la fois le projet de la route de la Soie et sa croissance, expliquant l’inquiétude des dirigeants chinois et indiens vis-à-vis du conflit en Ukraine qui pourrait être de longue durée, devant modifier fondamentalement les relations internationales.
En conclusion, il en ressort que l’Algérie est une puissance militaire régionale et un pays incontournable dans la problématique de la sécurité au Sahel et, de manière générale, un acteur important dans le contexte de la sécurité internationale en raison de son emplacement stratégique comme point de transit de l’Afrique du Nord vers l’Europe. Espérons qu’au lieu des conflits, la promotion de l’esprit de paix et de tolérance, nécessitant, en ce XXIe siècle, la promotion de la culture, fondement du dialogue des civilisations, source d’enrichissement mutuel, où chaque nation devra concilier la modernité et ses traditions.
Face à un monde en perpétuel mouvement, avec le danger du réchauffement climatique qui menace l’humanité, s’impose une gouvernance rénovée locale et une coordination mondiale tant en matière de politique étrangère, économique que sécuritaire, le terrorisme étant une menace planétaire, actions liées, afin d’agir sur les événements majeurs et faire du Bassin méditerranéen et de l’Afrique un lac de paix et de prospérité partagée.
(Suite et fin)
Pr des Universités Expert international
Dr d’Etat Abderrahmane Mebtoul