Quel rôle pour l’Algérie dans la stabilité régionale ?

Les facteurs économiques et sécuritaires des acteurs USA/Chine, Europe/ Russie au niveau de l’Afrique via le Sahel

Cette contribution est une synthèse que j’ai transmise , sur le thème « les facteurs économiques et sécuritaires des acteurs au niveau de l’Afrique via le Sahel : quel rôle pour l’Algérie dans la stabilité régionale et ce suite à l’invitation pour donner une conférence , de la Konrad Adenauer Stiftung qui organise à Nouakchott, du 19 au 22 Février 2023 un débat qui portera sur le rôle économique des acteurs externes dans l’espace Maghreb-Sahel, en particulier la Chine, la Russie, la Turquie et les Emirats arabes unis auxquels assisteront de nombreuses délégations et experts internationaux en économie et en défense/sécurité

1.-Le renforcement du dialogue méditerranéen en matière de défense et de sécurité
Qu’il s’agisse de crises régionales, de scissions d’États, de prolifération d’armes de destruction massive ou de conflits internes (ethniques, religieux, culturels ou autres), le monde est à l’aube d’une nouvelle reconfiguration des relations internationales. Concernant l’Europe, l’Otan est perçue par bon nombre de pays européens comme une organisation capable de les protéger face aux nouveaux types de menaces. Pour l’instant, le vieux rêve d’une Europe de la défense que caressent un certain nombre de pays du Vieux Continent est au point mort , bien que certaines pays européens se mettent à la recherche d’une alternative à l’Otan et à l’Union de l’Europe occidentale (UEO) laquelle, pour d’autres raisons, ne pouvait prétendre combler le vide de sécurité en question. Or, l’UEO est non seulement absente du théâtre européen mais aussi, elle connaît sa dépendance vis à vis de l’Otan qui rend difficile son autonomie. C’est dans ce cadre, que des tentatives sont faites pour redynamiser le dialogue euro-méditerranéen avec deux initiatives : d’une part, la politique européenne de voisinage ; d’autre part, le partenariat stratégique entre l’Union européenne d’un côté et la Méditerranée et le Moyen-Orient de l’autre. D’ailleurs la stratégie de l’Union pour la Méditerranée, avait le même objectif stratégique bien que se différenciant sur les tactiques de relance du partenariat méditerranéen, sous-tendant une prospérité partagée Europe-Afrique via la Méditerranée pour freiner l’émigration massive notamment de l’Afrique subsaharienne avec comme tampon pilier le Maghreb. Selon la Commission de Bruxelles et le Parlement européen entre l’Europe et la zone Méditerranée, il s’agit de faire bloc, de rapprocher les Européens et leurs voisins immédiats où en matière de défense et de sécurité, des consultations relatives à la mise en place d’un dialogue entre le Maghreb et l’Union européenne ont eu lieu sous forme de consultations informelles et de réunions formelles. Mais il serait souhaitable d’apporter des clarifications sur deux questions jugées fondamentales : d’une part, la valeur ajoutée de cette offre de dialogue par rapport au dialogue méditerranéen de l’Otan, d’autre part, la coopération en matière de lutte contre le terrorisme entre le Maghreb et l’UE dans le cadre de la PESD.

2.- Les tensions au Sahel, facteur d’instabilité régionale
Les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent l’Europe qui doit être attentive aux stratégies des pays du Maghreb en direction de leur Sud et sur les relations de toutes natures entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne. Et notamment la pénétration de l’islamisme radical à ne pas confondre avec l’islam religion de tolérance à l’instar du judaïsme ou du christianisme avec des menaces réelles tant au Maghreb, qu’en Europe. Et sans oublier qu’existent des influences religieuses autour de la conception de l’Islam qui influence largement les dirigeants politiques au Sahel. Nous avons assisté dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen, avec des conséquences pour la région. De plus en plus nombreux, des migrants subsahariens s’installent désormais dans les pays du Maghreb avec l’intensification de la contrebande. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi le Sahel est l’un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Kadhafi disparu, des centaines de milliers d’armes, dont 15 000 missiles sol-air qui étaient dans les entrepôts de l’armée libyenne, ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée et dont une partie a été accaparée par différents groupes qui opèrent au Sahel. Dès lors, la sécurité de l’Algérie est posée à ses frontières. La frontière algéro-malienne est de 1 376 km, la frontière entre l’Algérie et la Libye est de 982 km, la frontière algéro-nigérienne est de 956 km, la frontière algéro-tunisienne est de 965 km soit au total 4 279 km à surveiller. Le problème est plus grave pour les frontières conjointes avec le Mali et la Libye, ne devant pas oublier que les terroristes étaient venus depuis cette région lors de l’attaque terroriste de Tiguentourine. Pour l’Algérie, selon Mme Amanda Dory, l’ex-secrétaire adjointe chargée des Affaires africaines auprès du département américain de la Défense, intervenant devant la sous-commission des affaires de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient qui a consacré une audition sur la situation politique, économique et sécuritaire en Afrique, je la cite : « de par sa situation géographique stratégique au Maghreb et sa longue histoire de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent sur son territoire, l’Algérie constitue un pilier pour, non seulement lutter contre Aqmi et ses groupes affiliés, mais aussi pour ramener la stabilité dans la région, l’Algérie étant un partenaire de sécurité crucial pour les États-Unis dans le cadre de la lutte contre les groupes terroristes dans la région » -fin de la citation. Face aux tensions géostratégiques dans le monde, chaque pays a des positions spécifiques – notamment sur le conflit en Ukraine, le Sahara occidental et les tensions au Mali et en Libye., dans plusieurs rapports entre 2018 et 2022, les autorités tant américaines que européennes, russes et chinoises, ont tenu à souligner qu’avec les tensions observées dans la région, l’Algérie contribue à la stabilisation de son voisinage immédiat, notamment au Sahel, et demeure un acteur clé au niveau de la région méditerranéenne et africaine. L’instabilité de la région a un effet négatif sur toute l’Europe et renvoie d’ailleurs à l’urgence d’une nouvelle architecture des relations internationales fondée sur le co-développement. C’est dans ce cadre qu’ont eu lieu lors de la visite du président français en Algérie, sous la présidence du président français, la rencontre entre les différents services de sécurité algériens et français ayant réuni, du côté algérien, le Chef d’état-major de l’armée (ANP), le directeur général de lutte contre la subversion, le directeur général de la sécurité intérieure (DGSI) et le directeur général de la documentation et de la sécurité extérieure (DGSE) et, du côté français, le ministre des Armées, le chef d’état-major des armées et le directeur général de la Sécurité extérieure, rencontre présidée par les deux chefs d’État, ainsi que la rencontre au ministère de la Défense nationale entre le chef d’état-major de l’ANP et le ministre français de la Défense, en présence de différents responsables, rencontres médiatisées dans la plus totale transparence. Selon l’agence de presse algérienne APS, reprenant une note du MDN, « cette visite a constitué une étape charnière du processus de compréhension mutuelle entre les deux parties, insufflée par la volonté politique des Présidents des deux pays ». L’Algérie ayant opté pour une neutralité dans les conflits récents où la France perd de plus en plus pied en Afrique, faisant suite à la réunion avec Thierry Burkhard, le 26 août dernier en présence des responsables des services de sécurité algériens et français à l’occasion de la visite d’Emmanuel Macron en août dernier en Algérie, et ayant reçu en audience, le 08 avril 2021, le Général d’Armée François Lecointre, en tenant à rappeler à son hôte, la réhabilitation des deux anciens sites d’essais nucléaires français, à Reggane et In-Ikker et la restitution des cartes topographiques permettant la localisation des zones d’enfouissement, non découvertes à ce jour, des déchets contaminés, radioactifs ou chimiques, devant certainement évoquer avec les responsables français la question de la sécurité en Méditerranée et la région du Sahel, que le chef d’état-Major de l’Armée nationale populaire (ANP), le Général d’Armée Saïd Chanegriha, à l’invitation du chef d’état-major des armées françaises, le général Thierry Burkhard, a effectué une visite de travail les 23/24 janvier en France ayant été reçu par les plus hautes autorités françaises dont le président Emmanuel Macron où cette visite s’inscrit dans le cadre du renforcement de la coopération entre l’ANP et les armées françaises( voir communiqué officiel du MDN) et dont les dossiers tant de la mémoire, de l’immigration, les volets et économiques seront abordés lors de la visite qu’effectuera le président de la République Abdelmadjid Tebboune en mai 2023 en France.

3.-La sécurité régionale implique une autre vision des relations internationales
La crise actuelle en Ukraine devrait conduire à de profondes reconfigurations socio-économiques, technologiques mais également sécuritaires. Il s’agit dorénavant de mettre l’accent sur l’obligation d’appliquer une stratégie interrégionale qui associe l’ensemble des pays de la zone en plus des partenaires européens et internationaux, du fait que la région est devenue un espace ouvert pour divers mouvements terroristes et autres groupes qui prospèrent via le trafic d’armes ou de drogue, menaçant la sécurité régionale surtout récemment avec la venue de terroristes d’Irak et de Syrie. D’où l’urgence d’une coopération internationale dans la lutte contre la criminalité transnationale, nécessitant une amélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme.
(A suivre)
Pr des universités, expert international
en management stratégique
Abderrahmane Mebtoul