Parmi les arts traditionnels et authentiquement algériens

La broderie

Si la dorure est un art qui s’est pratiqué essentiellement dans les villes comme Alger et Constantine, la broderie a une longue histoire partout en Algérie, y compris dans les villages reculés.
Les arts ont chez nous une longue histoire. La céramique, la peinture murale, la broderie sur foulard traditionnel pour ne citer que ceux-là ne sont pas venus d’ailleurs. Les artistes sont formés sur le tas et n’ont pas suivi de formation. Les artistes auraient été méconnus s’il n’y avait pas eu de marchés traditionnels en plein air, pour l’exposition d’objets d’arts tels les selles dorées des chevaux comme les reliures en cuir avec des motifs argentés ou dorés, burnous brodés avec de la soie, foulards pour femme. Et n’oublions pas la poterie ! Nombre de familles jamais influentes ont su garder de leurs aînés quelques pièces comme les beaux étriers en fer forgé, des pantalons bouffants brodés.

L’art de la dorure
Il consiste à imprimer sur un tissu spécial ou du cuir bien tanné des caractères d’écritures, sinon des dessins à valeur symbolique. Pour cela, on verse de l’or liquide appliqué au calame sur la face à imprimer qui doit être visible pour celui qui regarde passer un sac doré sous le bras d’un illustre homme ou sur la selle du cheval. C’est le nom et le prénom du cavalier ou un message à décrypter. N’avez-vous jamais vu un sac de femme ou une sacoche sur lesquels des artisans ont imprimé des noms et prénoms, des pensées en or 18 ou 20 caras.
Ces artisans traditionnalistes ont développé leur art en le diversifiant. En fait, ils ont associé l’art du cuir et celui de la dorure dans tout le Maghreb et cela remonte à des siècles en arrière. Plus tard, la dorure s’est faite avec le cuivre, cela a donné le même aspect, mais les connaisseurs ont fini par découvrir un travail de moindre qualité. Le cuivre ayant été à une certaine époque abondant et sous-utilisé dans l’industrie artisanale, les consommateurs de ces temps anciens ont eu tendance à acheter ce qui n’était pas cher dans les objets dorés, mais c’était le cuivre fondu qui avait été coulé, peu importe si les objets devaient être couverts de vert de gris, par la suite.
On raconte aussi qu’aux siècles passés avec la dégradation des valeurs, l’arrivée des étrangers, l’artisanat s’est dévalorisé, on copie les modèles anciens et on en vend. C’est à peu près comme ce qui se passe aujourd’hui dans l’artisanat du bijou en argent. On fait des mélanges argent+ laiton + aluminium, pour réaliser des bijoux qui se vendent quand même. Pour remplacer des émaux de l’ancien temps, le corail, on opte pour des produits qui donnent les mêmes couleurs. L’argent pur, les vrais émaux, le corail cueilli du fond des mers sont devenus excessivement chers, parce qu’ils sont exportés.

La broderie dans tous ses états
On commence par les broderies avec des fils d’argent et d’or purs, chez les artisans sérieux qui n’admettent pas la tromperie. Ils brodent des robes, vestes et toutes sortes de vêtements devant être portés pour exhiber les motifs brodés. Le prix dépend de la quantité de ces métaux précieux utilisés. Certains de ces habits habilement brodés sont excessivement chers et ne se portent qu’en de rares occasions. Il y a aussi la broderie avec des fils de soie. Des hommes et des femmes doués pour ce métier de brodeur se sont adonnés avec goût à cette activité d’un rapport appréciable. Dans certaines régions d’Algérie, ils n’arrivaient pas à répondre à une clientèle de plus en plus abondante et exigeante. Les hommes brodaient : burnous, gandoura, pantalon bouffant, gilets.
Du temps où la broderie était appréciée, les artisans s’installaient dans toutes les régions, sur la place du marché. Ils étaient visibles et l’on venait à eux en grand nombre. Aussi, ils brodaient ce qu’ils pouvaient, mais le travail était abondant, on lui laissait la chose à broder et il vous donnait rendez-vous pour le marché de la semaine suivante. Pour les femmes, on allait chez elles lorsqu’on avait un travail à leur confier : broder des foulards, des mouchoirs, des robes, des couvertures en laine. Elles étaient submergées et se faisaient aider, surtout quand il s’agissait d’une couverture à broder sur les bords. C’est un travail de longue haleine, fait entièrement à la main. On imagine bien la patience, la concentration que cela nécessitait pour avoir une parfaite similitude dans les motifs. Le métier de brodeur se pratiquait en position assise et beaucoup terminaient leur carrière avec des maux dans le bassin. Pendant vingt, trente, quarante, cinquante ans, ils travaillaient en alternant les couleurs et en respectant à la lettre toutes les demandes des clients.
Aujourd’hui, le métier du brodeur pour le burnous, la gandoura et celui de brodeuse pour les vêtements féminins a disparu. Il y a en résurrection chez les jeunes, hommes et femmes qui font des travaux chèrement payés et pas à la portée de toutes les bourses. C’est devenu un luxe.
Abed Boumediene