Porter les nouvelles, rompre l’isolement

Du courrier, depuis les origines

Le courrier, c’est l’ensemble des lettres ou autres écrits, mandats et colis que des personnes éloignées les unes des autres se sont envoyés par des moyens d’acheminement divers.

Dans les pays avancés on a créé un service public chargé de l’envoi et de la distribution du courrier. Pour cela, il a fallu ouvrir d’abord des agences postales et désigner des agents chargés de trier par catégorie les envois et de remettre chaque lettre, colis, mandat aux destinataires. Ce service a existé en Algérie, durant la colonisation, mais dans les grands centres urbains ou les cités bénéficiant d’une organisation administrative sous les ordres d’un maire. Les villages reculés souffraient du manque de moyens de correspondance avec les villes ou les autres pays choisis par les leurs comme lieux d’émigration.

Que d’anecdotes
extravagantes !
Lorsqu’un membre d’un village ou d’une tout autre zone rurale est receveur ou chauffeur d’autobus de la campagne à la ville, il est sollicité très souvent pour le transfert du courrier – lettres et surtout colis. Chauffeur et receveur, enfants du pays, pour se rendre utiles aux leurs, acceptent d’expédier de la ville où ils se rendent toutes sortes de choses qu’on leur confie, mais dans la limite de l’acceptable. Un matin, un cultivateur voulait les charger de l’envoi d’une corbeille de figues fraîches qui venaient d’être cueillies, dans une ville distante de près de 200 km du lieu d’envoi et le destinataire était son fils. «Comment vais-je envoyer une grosse corbeille comme celle-ci par le service postal » lui dit le receveur ? A ces mots, le fellah rétorqua : « Je vais t’ajouter « dourou » (pièce ancienne qui avait quelque valeur) pour la peine que tu vas te donner en la faisant admettre au service postal ». Le receveur refusa net sans que l’autre acceptât de laisser tomber. Au fil du temps, les habitants d’un village eurent la drôle d’idée d’envoyer leurs lettres par quelqu’un qu’ils avaient cru sincère. Cet individu travaillait dans une petite ville distante d’une vingtaine de kilomètres du lieu de résidence. Il s’y rendait à dos d’âne chaque matin pour n’en revenir que tard le soir. Pour les concitoyens, c’était l’homme idéal pour l’envoi du courrier. Et chaque jour, des femmes, des vieillards, des enfants venaient lui remettre des lettres à envoyer. Mais, lui, étant espiègle de nature, jetait tout le courrier remis dans la rivière qu’il traversait à mi-chemin. Il éprouvait du plaisir à voir voguer sur l’eau des enveloppes. Et quand il y avait du courant, le courrier partout à grande vitesse. Le soir, il disait à tous ceux qui l’avaient chargé de la mission : « J’ai tout envoyé, les lettres marchent sans arrêt ». Pendant des mois, il répétait toujours de la même façon, mais jamais il n’y eut de réponse à leur lettre au point que tout de monde avait fini par comprendre.

Puis est venue l’ère du facteur
Les premiers facteurs ne se déplaçaient pas pour faire la distribution du courrier. Il fallait se rendre à l’agence postale où tout le monde se rassemblait pour entendre l’appel de ceux qui avaient reçu quelque chose. La particularité était là qu’on ne se rendait pas à la poste comme cela se fait aujourd’hui. Les boîtes à lettres n’existaient pas. Puis, avec l’évolution, le service postal décida que le facteur se déplacerait à des kilomètres à la ronde sur les places publiques choisies pour appeler par leur nom les gens qui avaient reçu un envoi sous la forme de lettre ou d’avis lui annonçant un mandat ou un colis à retirer du bureau régional. Le facteur s’y rendait à dos d’âne ou de mulet et les gens l’attendaient même s’ils n’avaient rien à prendre. Son arrivée était un prétexte à joyeux propos pour ceux qui n’avaient rien à faire. Les plus vieux ont entendu parler d’un claquoir dont se munissait le facteur pour appeler au rassemblement dans les localités où les habitants éparpillés à cause de leur travail ne se réunissaient que pour des prétextes majeurs. Dans les régions rurales, beaucoup de vieux attendaient un mandat, ou un colis envoyé par un fils installé au loin, soit en Europe, soit dans une ville du pays. Celui qui recevait quelque chose devenait un sujet de discussion, parce qu’on l’enviait ou qu’on savait le montant de la somme qu’il avait empochée. Rien ne se passait dans la discrétion. Ce dont se souviennent certains témoins de cette période des moyens rudimentaires, c’est des vieux autocars qui partaient le matin de bonne heure vers la capitale de la région et qui en revenaient le soir pour le transport des marchandises et sur lesquels était écrit : service postal pour signifier qu’il était chargé d’envoyer et de rapporter le courrier, mission importante pour les habitants.
Abed Boumediene