Un génocide en différé

Essais nucléaires français en Algérie

C’est à Reggane, dans le Sahara algérien, alors sous domination coloniale, que le premier essai atomique français, «Gerboise bleue», a été effectué le 13 février 1960. Il a été suivi d’une série d’autres destinés à donner à la France le statut de puissance nucléaire, qu’importe aux yeux de l’occupant colonial, le sort des populations algériennes et de l’environnement dans les régions du Sud algérien où se déroulaient ces essais atomiques.En 1985, la Télévision algérienne avait diffusé un film documentaire, «Algérie, combien je vous aime», réalisé par Azzedine Meddour (décédé le 16 mai 2000) et commenté par Abdelkader Alloula (assassiné le 10 mars 1994), qui a révélé au grand public, sur la base de témoignages directs, que des prisonniers de guerre algériens ont été utilisés comme cobayes durant des expériences nucléaires françaises au Sahara sous domination coloniale. Les effets de ces essais sur la population et sur l’environnement sont toujours visibles.
Les Algériens ont, à plusieurs reprises, demandé à la France la réparation de ces séquelles mais les autorités françaises refusent d’ouvrir les archives se rapportant à ces expérimentations. Des voix françaises d’experts se sont élevées pour appeler le gouvernement français à collaborer avec les autorités algériennes afin que soient retrouvées les matières radioactives enfouies dans le Sud algérien en conséquence des essais nucléaires effectués par la France coloniale.
Ils demandent que la France fournisse à l’Algérie «l’aide technique» et «l’apport d’informations sur les zones où elle a enterré les
déchets», pour mettre un terme à un problème humanitaire. Mais la France garde toujours secrètes les cartes des endroits où les déchets nucléaires sont ensevelis. Les Algériens ne cessent également d’exiger de la France qu’elle reconnaisse les dégâts causés par ses expériences nucléaires et qu’elle accorde aux régions et aux populations touchées réparations et indemnisations. La loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, admet que des personnes (populations civiles, ouvriers, militaires, scientifiques…), présentes lors de ces essais dans le Sud algérien, avaient été atteintes par des maladies radio-induites. Cette loi n’a pas été appliquée aux Algériens.
Tout récemment, dans un entretien accordé au quotidien français Le Figaro, le Président Abdelmadjid Tebboune a demandé que «la France nettoie les sites de ces essais, vers Reggane et Tamanrasset, où la pollution est énorme», et a fait part de son «souhait qu’elle prenne en charge les soins médicaux dont ont besoin les personnes sur place». Le président de l’Association nationale des victimes des explosions nucléaires françaises dans le Sud algérien, Pr Amar Mansouri, dans une déclaration à l’APS, a qualifié ce fait de «génocide en différé» qui continue à «faire des victimes parmi la population du Sud algérien». Il estime que les explosions nucléaires françaises dans le Sud algérien «sont un crime d’Etat prémédité contre un peuple sans défense et contre l’humanité, car orchestré au plus haut niveau de l’ex-puissance coloniale». Ces explosions ont été menées par la France «en parfaite connaissance des dangers de cette arme». Tout en relevant «la responsabilité entièrement engagée» de la France pour cela, il a rappelé que le Général de Gaulle avait mis en exécution le plan nucléaire français en 1945, en dépit de l’onde de choc des explosions de Hiroshima au Japon.
«En voulant entrer par la grande porte au club nucléaire mondial, la France a abusé du sol algérien au mépris de la population locale, mais aussi de la résolution onusienne et du moratoire des puissances nucléaires interdisant les essais nucléaires aériens, en raison de leurs effets polluants sur le globe terrestre», a-t-il commenté. «Lorsque la France avait prévu des dosimètres pour évaluer les doses de rayons reçues par les habitants du Sahara, ce n’était nullement par souci pour leur santé, mais pour les besoins des études scientifiques.
Et même lorsque la France a promulgué la loi Morin, le terme de reconnaissance qui y est stipulé est destiné aux soldats français et non aux Algériens», a-t-il déploré. Le nombre de victimes de ces explosions serait de l’ordre de 42.000, selon les données de l’Organisation nationale des Moudjahidine (ONM), mais ce chiffre «est en-deçà de la réalité, car depuis 1962, le nombre de personnes décédées des suites de ces essais ne cessait d’augmenter».
Lakhdar A.