La musique a sept notes, l’écriture a, selon la langue, un peu plus de vingt-cinq lettres

La musique et l’écriture

La musique ne dispose que de sept signes pour jouer d’un instrument, suivre une chanson au moyen de sons musicaux, c’est-à-dire produire la musique d’une chanson ou inventer une musique à partir des sept notes, compte tenu du fait que la musique est un langage comme la langue qui, elle, dispose de plus de vingt-cinq signes, consonnes plus voyelles, pour construire un message écrit ou oral.

Les musiciens lisent les textes portant les notes sur les portées musicales d’une chanson qu’un chanteur exécute et sous la direction d’un chef d’orchestre. Un ensemble d’instruments jouent la même musique d’une manière harmonieuse. Comme le langage articulé, ce qui est écrit en musique ne se perd pas, le musicien est capable d’interpréter une chanson si elle est écrite en notes musicales. Quant à la langue, elle sauvegarde tout ce qui est transcrit comme texte de valeur qui mérite d’être pérennisé pour les générations futures, pensée écrite mais mémorisée par tous ceux qui la jugent utile, récit appelé «l’aventure d’une écriture» et qui peut être un roman ou une histoire plus ou moins courte. Et que de mots on peut former avec ces lettres qui par leur magie peuvent faire un nombre incalculable de pages pour différents textes. Comme la langue musicale qui se présente sous des millions de formes, la langue articulée est bâtie dans le strict respect des règles de syntaxe, d’orthographe et de conjugaison qu’on doit connaître parfaitement si on veut arriver à construire des textes valables pouvant véhiculer des messages compréhensifs.
Dans la langue musicale, c’est pareil avec cette différence majeure que les messages ne sont pas accessibles à tout le monde. Regardez, par exemple, un orchestre dont les composants sont divers instruments jouant dans une parfaite harmonie, des morceaux de musique qui pour les musiciens ont un sens parce qu’ils suivent les notes inscrites sur le texte que chacun a devant lui, et l’ensemble des instruments joue sous la baguette du chef d’orchestre sensé être le meneur de jeu mais au sens mélioratif du mot, et que chaque musicien suit avec beaucoup de concentration dans tous ses gestes.

La musique n’a que sept notes, pourtant que de chefs d’œuvres elle a réalisés
Il faut ajouter que par lettres, il faut entendre les 7 notes musicales auxquelles on doit ajouter 5 notes supplémentaires qui servent à affiner les sons musicaux qui forment une partition pouvant donner des informations utiles sur la musique comme les silences ou moments d’interruption du son, les nuances qui donnent des informations sur l’intensité à laquelle doivent être joués les différents sons. La signature rythmique donne des informations sur la structure rythmique du morceau. La tonalité donne des informations sur le son à jouer, sa durée dans le temps et sa hauteur. La musique étant un art, il faut, pour le pratiquant, de la patience et beaucoup de talent pour la maîtrise des sons et leur adaptation à la musique que l’on veut. Il y a une infinité de styles musicaux, il y en a des simples celles qu’on joue pour les chansons, pour Dahmane El Harrachi, un instrument suffit, celui du chanteur qui accorde une plus grande importance aux paroles qui en disent long d’ailleurs, surtout avec sa voix caverneuse mais qui ne manque pas de charme. Il en est de même pour Ait Menguellet qui chante avec son instrument accompagné d’une flûte, ce qu’il y a de plus traditionnel et de plus simple, des paroles sur des thèmes courants qu’il a lui-même composées et sur des sujets courants qu’on a parfois du mal à comprendre, il chante à la manière d’un meddah éclairé : ses paroles peuvent d’ailleurs se chanter sans accompagnement musical, parce que ce sont de belles paroles qui peuvent être mises en valeur par une belle voix. Il y a eu des chanteurs qui eux-mêmes sont des chefs d’orchestre, un orchestre qui l’accompagne partout où il va, c’est le cas atypique de Chérif Khedam qui est devenu grand musicien sans passer par les grandes écoles, il était doué et aimait la musique, surtout la musique moderne. Il était à la fois auteur de ses paroles pour toutes ses chansons et de leur musique et il s’était constitué un orchestre dont il s’est fait le chef. A La radio kabyle, des années soixante et soixante dix, à l’émission «les chanteurs de demain» il a formé Idir le chanteur et tous les jeunes de sa génération devenus des chanteurs connus, à la musique moderne. Chérif khedam, mort en janvier 2012, est le pionnier de la musique moderne en Algérie. El Anka, El Ammari, Driassa, Chaou et d’autres ont chanté accompagné d’orchestres assez bien constitués, alors que d’autres se contentent d’une musique très sobre, un tambour et une flûte qui ont leur charme. Et chacun sa musique traditionnelle ou moderne, sans compter que chaque chanteur du monde a sa propre musique obtenue sur la base du même nombre de notes. C’est en travaillant avec ces notes, que Mohamed Iguerbouchen est devenu un monument de la musique. Né en 1907 au village Ait Ouchen, probablement dans la région d’Azzefoun, Mohamed Iguerbouchen a passé son enfance dans son village natal jusqu’à l’âge de 12 ans, il avait appris à jouer de la flûte tout seul, preuve de sa prédestination à la musique. Mais son maître d’école l’avait initié à la musique comme tous ses camarades de classe, et ce maître avait constitué une fanfare à l’école qui s’est produite à Paris. Ses parents avaient déménagé pour venir s’installer à la Casbah d’Alger. Et en venant à Alger, ses parents l’ont inscrit à l’école de la rue de Toulon. Il continuait de jouer de la flûte si bien qu’il a attiré l’attention d’un Comte anglais appelé Fraser Roth, son voisin avec qui la famille s’est liée d’amitié, et qui proposa à son père d’emmener en Angleterre le jeune Mohamed doué pour la musique pour lui faire suivre des cours de musique de haut niveau.
La vie citadine lui convenait très bien, ça lui permettait d’aller trois fois par semaine pour assister à un concert qui se donnait au square Port Saïd, cela lui avait permis d’apprendre à jouer du piano et le solfège. Le père donna son accord et le fils prodige fut emmené à Londres où le jeune garçon fut inscrit au Norton collège, ensuite à l’Académy Royal of Music. Il poursuit son cursus en se spécialisant dans l’apprentissage de la théorie musicale. EN 1925, il fit étalage de son immense talent en jouant son premier concert puis les œuvres de son propre répertoire comme Rapsodies arabic et kabilia. Iguerbouchene a produit des musiques pour un grand nombre de films. Sa belle carrière a été interrompue par la mort en août 1966. Amel Brahim Djelloul est une autre spécialiste des notes de musique diplômée de l’université de Paris, elle est connue chez nous pour ses opérettes et ses concerts ici et à l’étranger, elle a une voix splendide.

La langue a un nombre de lettres variable selon la langue
Avec ce nombre limité de lettres, que de mots ont été constitués : des verbes, des substantifs, des conjonctions, locutions conjonctives – prépositives –adverbiales, qualifiants, ces mots sont nécessaires pour construire des phrases dans le respect des règles grammaticales et sémantiques variables selon les langues. Avec les mêmes lettres on a bâti des chefs d’œuvre scientifiques, littéraires, philosophiques et de bien d’autres disciplines. Mis à part la grammaire et l’orthographe qui restent à peu près constants, les autres mots : verbes, noms, qualifiants connaissent des enrichissements par néologie ou par emprunts à d’autres langues.
Une langue d’il y a un siècle ou plus n’est pas la même avec celle d’aujourd’hui, elle s’est enrichie par la création de nouvelles ou domaines de recherche avec leur nouvelle terminologie qui enrichit la langue. Prenons l’exemple de la communication qui a existé depuis la nuit des temps, elle n’est pas la même il y a de cela soixante ans et aujourd’hui. On n’a qu’à comparer les moyens de communication, de locomotion et de travail du temps de nos parents et d’aujourd’hui. Ce qui nous permet d’ajouter que le vocabulaire d’une langue évolue en fonction de ses utilisateurs et de leurs avancements scientifiques, technologiques, littéraires et autres domaines de recherche. Ajoutons les œuvres personnalisées qui ont apporté, au fil des générations un plus considérable au patrimoine commun par l’écriture de romans, de recueils de poésies ou de nouvelles, d’œuvres scientifiques qui font profiter les nouvelles générations d’étudiants. Ce qui est important, c’est les nouvelles créations dans tous les domaines, surtout pour ceux qui lisent beaucoup, les anciens et les modernes et qui en tirent profit pour eux et pour les autres. Il n’y a pas de cloisons étanches entre les disciplines littéraires et les disciplines scientifiques. On a remarqué depuis quelque temps que de grands scientifiques se sont mis à écrire des romans, parmi eux des docteurs en mathématique ou en physique devenus de grands romanciers ou poètes, sinon de grands peintres. Pour eux, ayant appris tout en ce qui concerne leur domaine scientifique et ne trouvant de lectures pouvant les recycler, ils se convertissent en romanciers avec un style différent des littéraires purs par leur style scientifique incomparable avec le style littéraire. Lorsqu’on a la maîtrise des phrases, on peut inventer toute forme d’écriture pourvu que ça plaise à une catégorie de lecteurs.

Entre musiciens et hommes de plume, il n’y a pas de frontière
Il arrive qu’un grand musicien soit aussi un grand homme d’écriture, pour dire qu’il n’y a pas de frontière étanche entre les arts. Généralement, même si l’artiste se limite à son domaine spécifique pour évoluer et se perfectionner, il a des liens d’amitié ou des relations de travail avec des artistes en peinture ou de tout autre domaine. Le musicien a beaucoup de choses à raconter sur sa manière de travailler, ses rapports avec les grands musiciens, ses projets. L’homme de plume qui peut être aussi musicien, lui, fait part de ses ambitions, de ses problèmes relationnels avec les autres hommes d’écriture.
Le spécialiste de langue reste admiratif devant les réalisations des grands musiciens qui avec un nombre limité de notes, ont pu réaliser des chefs d’œuvre sous la forme de concertos, sonates, symphonies, des musiques de films, génériques pour de grandes émissions, à l’exemple de Iguerbouchene qui a accompli des œuvres musicales de haut niveau en si peu de temps : musiques de ballets, symphonies pour orchestres, rapsodies, concerto pour alto, quatuors, sonates d’une puissance d’expression incomparable.
Boumediene Abed