Pour un retour aux sources

Traditions culinaires algériennes

Nous en constatons le mouvement d’expansion au fil des jours et ce, malgré le progrès technique envahissant. Tradition et modernité continuent de se côtoyer, non pas dans une relation d’exclusion mais de complémentarité.

A l’ère de l’internet, du l’ordinateur et du portable sophistiqués qui ont élu domicile dans tous les foyers, on n’a pas empêché le retour de la tradition dans toute sa diversité. On se moquait, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, des vieilles qui soignaient avec des recettes à base d’huile, de miel, d’oignons et on considérait comme une forme d’arriération le fait de choisir un objet de fabrication traditionnelle ayant des équivalents en porcelaine, en métal émaillé comme les brocs, cuillers, assiettes.

La cuisine de grand-mère en pleine renaissance
Après être longtemps devenus de grands citadins nourris au lait en poudre, au pain du boulanger ainsi qu’à divers plats malsains, les gens ont fini par se rendre compte qu’ils se sont trompés et gravement, que les gâteaux à la crème, dolma, bourek, viande en sauce qui ont occasionné non pas seulement des dépenses ruineuses, mais ainsi des maladies, ont provoqué une prise de conscience pour un retour à une cuisine qui garantisse la santé. Tout le monde, aujourd’hui adhère à l’idée de la nécessité d’un retour aux recettes anciennes. Les plus vieux savent ce que peut apporter à l’organisme une soupe aux plantes sauvages comme l’ortie, la mélisse, le poireau, l’ail sauvage, les champignons comestibles, les épinards et blettes sauvages, et bien d’autres plantes naturelles qui ont permis aux vieilles et vieux de la génération de nos grands- parents de rester intacts physiquement et moralement.
On dit que les vieux qui voyaient, entendaient et parlaient impeccablement, mouraient de vieillesse en atteignant un âge avancé. On assiste ainsi à un engouement pour les galettes, beignets, m’ssemene, crêpes. On ne sait par quel miracle des femmes de tous âges, méticuleuses et soucieuses de faire carrière dans les traditions qu’elles ont su faire renaître pour la bonne santé de tous, ont ouvert des locaux commerciaux pour concurrencer les pâtissiers, boulangers, par des produits de qualité. Et l’engouement est tel qu’une industrie nouvelle, artisanale cette fois, s’est créée depuis une décennie à peine, dans les centres ruraux ou urbains pour la production et la consommation des denrées traditionnelles, y compris le couscous roulé différemment avec toutes les variétés de semoule. Et pour avoir sa part, il faut commander. Les productrices traditionnelles de beignets, crêpres, m’semene, couscous n’arrivent pas à satisfaire la demande. C’est la ruée vers elles. Il s’agit là d’une activité exclusivement féminine et qui a presque résorbé le chômage des femmes qui, ainsi, se sont libérées elles-mêmes de la dépendance en recréant des produits de grand-mère, sains et d’un coût abordable calculé en fonction des prix des ingrédients : farine, semoule, levure etc. Avec elles, on commence à tourner le dos au pain et aux gâteaux.

Des ustensiles en terre
pour remplacer la porcelaine et le métal
Mis à part les ustensiles d’usage quotidien comme les marmites, couscoussiers, casseroles et autres, pour lesquels on préfère encore l’aluminium, la fonte ou autres dérivés, on assiste à une renaissance de la poterie pour les services de table, à café, à eau, objets pour la décoration. Le long des routes, on les expose à qui mieux pour tenter les voyageurs ou les clients des places de marchés. Depuis longtemps, on n’a pas vu de brocs, soupières, cruches portant des motifs décoratifs de jadis.
Aujourd’hui, ils sont tentants pour les petites bourses, la porcelaine ayant atteint des prix exorbitants. C’est solide et c’est beau. Et, quoi qu’on dise, la tradition est de retour pour venir au secours d’une société qui n’a pas cessé de s’appauvrir. Les producteurs savent aussi que le gros de leur clientèle est la classe déshéritée. De véritables pièces de musée prennent place dans le décor social et familial.

Des recettes aux multiples vertus curatives
Aussi drôle que cela puisse paraître, on retrouve dans les journaux et des sites internet, des recettes anciennes comme les cataplasmes à bas d’oignons ou d’ail sauvage qu’on recommandait pour les maux de tête, vertige, tensions artérielles. Les anciens comme nos, grands-mères surtout, connaissaient les vertus curatives des plantes médicinales, celles de l’origan (ou zaâter), des variétés de menthes sauvages, de l’ortie, de la centaurée, de la chicorée, du cresson, et la liste est trop longue pour être donnée ici. Nos vieilles avaient appris par transmission orale à soigner des maladies de toutes sortes. On nous a cité des familles qui avaient le don de soigner les morsures de serpents ou de scorpions. D’une génération à l’autre, les membres d’une même famille se sont transmis le don de pratiquer la chirurgie externe avec un matériel rudimentaire : un tisonnier chauffé à blanc et une pommade pour arrêter le sang et cicatriser. Et que d’anecdotes on a pu recueillir à ce sujet !

Abed Boumediene