Les causes réelles de l’inflation

Crise économique

Crise économique oblige, caractérisée par un ralentissement massif des échanges internationaux sur fond de tensions commerciales et conflits militaires, symbolisée surtout par l’inflation, nous tenterons, dans ce cadre restreint inhérent au format journal, d’apporter quelques éléments d’explication sur les causes de ce phénomène inflationniste qui rogne actuellement les revenus des ménages et ronge leur moral.

L’inflation est l’augmentation durable du niveau général des prix, induisant la baisse de la valeur de la monnaie et donc des salaires réels et des revenus, c’est-à-dire une baisse du pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages. De facto, l’inflation est une taxation sans législation.
On parle généralement d’inflation rampante en dessous de 10%, d’inflation galopante à partir de 10% et d’hyperinflation dans les cas de croissance extrême du taux d’inflation. L’inflation est calculée par des instituts économiques et statistiques. Pour prendre le cas de la France, l’inflation est calculée par l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) qui analyse l’évolution des prix d’un panier de biens et de services jugés représentatifs (denrées alimentaires, carburant, vêtements, ordinateurs, loyer, assurances, etc.).
Historiquement, modalité géopolitique occultée par les économistes bourgeois (et pour cause : leur mutisme s’explique par leur parti-pris d’exonérer les gouvernants de leur responsabilité dans le phénomène inflationniste pandémique), le passage de l’inflation rampante à l’inflation galopante correspond à une augmentation particulièrement forte des dépenses d’armement, comme par exemple en 1950-1951 (guerre de Corée) en 1956-1957 (crise de Suez), en 1956-1958 (guerre d’Algérie), 1973 (guerre du Kippour).
La guerre généralisée en cours (2022-2023) illustre parfaitement cette réalité. Et correspond également aux déficits budgétaires extraordinaires provoqués par la participation directe de l’État bourgeois à l’accumulation du capital et, surtout, par les subventions octroyées aux capitalistes pour renflouer leur trésorerie, en particulier en période d’exacerbation de la concurrence entre les diverses bourgeoisies nationales. Pour prendre l’exemple de la France, le gouvernement Macron aura démultiplié les dépenses publiques depuis son élection en 2017, comme il aura également creusé la dette de plus de 600 milliards depuis 2017, une dette qui s’apprête à dépasser le seuil de 3.000 milliards d’euros.
Les causes de l’inflation donnent lieu à des explications variées apportées par différents courants de la théorie économique. Schématiquement, on distingue l’interprétation de l’inflation par la monnaie.
L’inflation par la demande. L’inflation par les coûts. L’inflation par la « surchauffe » ou « poussées anticipatrices ». Et l’inflation par la hausse des salaires. Cependant, dans la pratique, ces causes peuvent se corréler, se superposer.
La première interprétation, monétariste, explique l’inflation par l’augmentation de l’émission de la monnaie. Selon cette théorie, l’émission excessive de signes monétaires, non corrélée à l’évolution du volume de la production, génère fatalement la hausse des prix. La monnaie perd alors de sa valeur. D’après cette école monétariste, il existe un lien de causalité entre le stock de monnaie en circulation et le taux d’inflation.
Selon elle, l’inflation par la monnaie est souvent due à la volonté des autorités gouvernementales en déficit d’augmenter ses liquidités, sources d’hyperinflation (donc, l’inflation est provoquée par l’intervention directe ou manipulation économique de l’État). Or, si la masse monétaire (billets, pièces, dépôts à vue, bons du Trésor, etc.) est augmentée de manière excessive, alors la monnaie créée excède la richesse réelle d’un pays. Aussi la monnaie perd-elle de la valeur et les prix augmentent pour compenser cette dépréciation. Selon les économistes, la multiplication de la monnaie adossée à rien (à aucune multiplication des produits et services échangeables) conduit inéluctablement à une hausse des prix, à l’inflation.
La seconde théorie postule que c’est l’excédent de la demande sur l’offre qui entraîne une hausse constante des prix. En effet, selon les économistes de l’école keynésienne, l’inflation s’explique par un déséquilibre entre offre et demande. C’est l’explication de l’inflation par la demande. Or, si cette thèse était fondée, il suffirait logiquement aux capitalistes, c’est-à-dire les entreprises, d’ajuster leur offre à cette demande excédentaire (ou déficitaire) pour juguler l’inflation, notamment par l’augmentation ou la diminution de la production.
Au vrai, le problème fondamental du capitalisme s’explique par le blocage d’élargissement des marchés (l’insuffisance de la demande solvable), et non par quelque obstacle technique d’agrandissement des bâtiments industriels, d’extension des unités de production, ou de démultiplication de l’innovation technologique. En résumé, d’obstacle à l’augmentation de la production.

Les théories inflationnistes souffrent d’inflation théorique
La société capitaliste contemporaine dispose en abondance de sciences, de technologies, d’infrastructures et de forces vives pour nourrir toute l’humanité. L’incapacité du capitalisme à concrétiser cette potentialité économique de satisfaction intégrale des besoins humains s’explique, d’une part par l’appropriation privée des moyens de production, les détenteurs de capitaux et, d’autre part, par la finalité financière de la production visant la valorisation du capital. En d’autres termes, le système capitaliste est régulé par la valorisation du capital qui implique la recherche constante du profit et aléatoirement la recherche de la satisfaction des besoins humains fondamentaux.
Ainsi, selon cette interprétation de l’inflation par la demande, la flambée actuelle des prix s’expliquerait par l’augmentation exceptionnelle de la demande sur l’ensemble des biens agricoles et des matières premières. Ces hausses impacteraient par effet mécanique les autres produits de consommation courante.
Question relative au transport international de marchandises, essentiellement maritime, secteur incriminé pour sa supposée responsabilité dans la flambée inflationniste. Comment des « goulots d’étranglement dans le transport maritime », actuellement rendus responsables de l’inflation par les médias et les gouvernants, peuvent-ils entraîner depuis deux ans une hausse de 700 à 1.000% du coût du fret alors que le secteur du transport maritime était accablé par une surcapacité massive en 2019, de surcroît dans une conjoncture actuelle marquée par la réduction des échanges commerciaux du fait de la récession et des tensions militaires ?
Autre question relative aux matières énergétiques, également incriminées. Comment peut-on affirmer que les prix du gaz naturel et du pétrole grimpent en flèche en raison de perturbations de la chaîne d’approvisionnement alors que l’offre a suivi la demande ?
La troisième école avance la théorie selon laquelle l’inflation serait due à la hausse des coûts de production. C’est l’explication de l’inflation par les coûts. Or, comme ces coûts sont en définitive déterminés par un certain niveau de prix des autres facteurs de production, notamment les matières premières, les machines, et autres composants entrant dans la fabrication, cela revient à énoncer, de manière tautologique, « qu’il y a flambée des prix, parce qu’il y a hausse des prix… des autres produits ».
Au reste, comment expliquer l’actuelle augmentation des coûts de production, c’est-à-dire des prix, dans tous les secteurs économiques (primaires, tertiaires, industriels), à notre époque censément marquée, selon les spécialistes, par l’accroissement extraordinaire de la productivité ?
Rappelons qu’un gain de productivité est une amélioration de l’efficacité des facteurs de production. L’amélioration de la productivité permet à l’entreprise
d’accroître ses revenus. Lorsque la productivité augmente, les coûts de production diminuent, entraînant une hausse de la rentabilité du capital. Un gain de productivité permet donc de conserver un certain niveau de production en utilisant moins de moyens ou d’utiliser ces moyens pour produire plus de marchandises.
Cela génère donc des économies et une baisse du prix de chaque item produit, ce que l’on appelle une déflation.
Si les salariés produisent avec le même nombre d’heures de travail une quantité de biens supérieure, l’entreprise réalise un gain, appelé gain de productivité. Ainsi, tout gain de productivité induit normalement la baisse du coût des marchandises.
Notre époque, marquée par une productivité extraordinaire, ne devrait, économiquement, connaître aucune inflation. Au contraire, du fait de cet essor de la productivité, la conjoncture devrait être caractérisée par une remarquable déflation, c’est-à-dire une baisse massive des prix. Cela confirme les mobiles politiques (étatiques) de l’inflation : la main invisible, non pas du marché mais de l’État.

(suivra)
Khider Mesloub