L’Orchestre des artistes martyrs de la Révolution

Journée du Chahid: «Safir Ettarab»

L’Orchestre historique d’Ali Maâchi, «Safir Ettarab» (l’ambassadeur de la chanson), militant de la cause nationale, dont certains de ses musiciens tomberont au champ d’honneur, s’était formé pour mettre en avant le principe de la différence culturelle, dans un contexte colonial des plus rudes.
A l’instar de plusieurs autres orchestres algériens résolus, durant la Guerre de libération nationale, à faire la promotion des cadences et des modes algériens, les musiciens de «Safir Ettarab», constitué au début des années 1950, se sont exclusivement réservés à l’interprétation des nouvelles chansons de Ali Maâchi, favorables à une Algérie algérienne, indépendante et souveraine. Après la diffusion sur les ondes de Radio-Alger de plusieurs nouvelles pièces célébrant la Patrie, l’orchestre enregistre en 1956, «Angham El Djazaïr», chef d’œuvre d’Ali Maâchi qui allait consacrer son militantisme artistique ainsi que celui des membres de son orchestre.
D’une quinzaine de minutes, «Angham El Djazaïr», reprise après l’Indépendance par Noura et Cherif Kortbi, enchaîne dans sa richesse lyrique et mélodique, les principaux genres qui caractérisent le patrimoine musical algérien, pour se poser et de manière ferme et catégorique comme «un déni à toutes les velléités coloniales de dépersonnalisation et de déculturation». Une des nombreuses tâches auxquelles s’était assigné l’orchestre « Safir Ettarab » consistait à intervenir au début et à la fin d’un meeting de sensibilisation populaire, afin de rassembler les foules et protéger les orateurs, souvent objets de mandats d’arrêt.
Au déclenchement de la Guerre de libération nationale, les membres de l’orchestre «Safir Ettarab» et leur directeur artistique vont rejoindre la lutte armée, accueillis par le «réseau de l’ALN-FLN», dont Mokhtar Okacha (1930-1958) et Larbi Hachemi Oueld El Garde (1934-1959) qui tomberont au champ d’honneur, armes à la main.
Mostefa Belarbi (1933-1994), le violoniste de la troupe, fut, quant à lui, mis en prison en 1957 et atrocement torturé, alors que le tout jeune percussionniste Zekri Moulay (1939-2005), Mekki Benaouda ainsi que Abdeslem Mustapha (disparu en 2022) avaient, entre temps, rejoint le maquis.
Parmi les chansons d’Ali Maâchi, enregistrées et exécutées par l’Orchestre «Safir Ettarab», «El Babour», «Taht samae El Djazaïr», «Ya dak el youm ki net’fek’rek ma nen’sach», «Ya salam âala el banet», «Essayf wassal», «Mazal aâlik en’khemmem», ou encore, «W’sayet el goumri».
«Safir Ettarab» exprimait de manière intense la singularité de la personnalité autochtone et sa fierté d’appartenir à la Patrie algérienne. Les œuvres qu’il interprétait expriment, entre autre thématiques, l’amour de la Patrie, l’espoir et la volonté du peuple à s’affirmer à un moment crucial de son histoire glorieuse, marquée par la guerre de libération.
Après avoir découvert des armes et des explosifs dans leurs domiciles, Ali Maâchi et deux de ses compagnons, dont Mohamed Djahlane sont enlevés par les soldats de l’armée coloniale, torturés, puis exécutés le 8 juin 1958, avant d’être pendus et leurs corps exhibés sur la place publique de la ville de Tiaret.
R.C.