La propagande : Arme ultime de l’Empire

Les journalistes qui ont à cœur de faire leur travail et d’informer le public se font très rares en Occident mais heureusement, il y en a encore, même si tout est fait pour les empêcher de livrer des informations contraires à la doxa dominante. L’exemple le plus manifeste est Julian Assange, qui est enfermé dans la prison britannique de haute sécurité de Belmarsh, comme un terroriste, et qui risque une peine de 175 années de prison s’il est extradé aux Etats-Unis – alors qu’il est un ressortissant australien – rien que parce qu’il a fait son travail de journaliste.

Tous les Européens devraient avoir une pensée pour Victoria Nuland en se souvenant de son fameux « Fuck Europe ! » qu’elle avait prononcé en 2014 au cours d’une communication téléphonique avec l’ambassadeur américain en Ukraine à propos de celui que les Etats-Unis mettraient au pouvoir après le coup d’Etat qu’ils avaient planifié et financé. Il a fallu deux jours avant que les médias mainstream tétanisés et déboussolés par cette nouvelle «détonante» se décident à en parler. Surtout, avant de réagir, ils attendaient impatiemment une réaction de la Maison-Blanche qui, bien sûr, a nié catégoriquement ces informations, suivie par la CIA qui a déclaré, la main sur le cœur, que toute cette histoire était totalement fausse. Idem pour le ministre des Affaires étrangères norvégien qui a réfuté toute implication de son pays dans le sabotage. Il est intéressant de noter que depuis cette publication, les personnes impliquées dans cet attentat, soit Blinken, Sullivan, Nuland et Burns, font profil bas et évitent de se montrer à la presse. Tout le monde semble aussi avoir oublié la conférence de presse à la Maison-Blanche du 7 février 2022 lors de la visite du chancelier allemand Olaf Scholz, au cours de laquelle Joseph Robinette Biden avait déclaré que si la Russie envahissait l’Ukraine, les Etats-Unis mettraient fin à Nord Stream. Une journaliste lui avait demandé alors comment ils feraient, et Biden avait répondu qu’ils avaient les moyens de le faire. Tout cela, il faut le souligner, en présence d’Olaf Scholz dont le larbinisme à l’égard de Washington devrait faire réfléchir le peuple allemand. Quoi qu’il en soit, suite à ces révélations, les médias occidentaux, chiens de garde de la propagande de l’impérialisme, ont tous répété comme des perroquets les mêmes phrases, à savoir que «les articles de ce célèbre reporter sont controversés depuis quelques années, et que l’on ne peut pas accorder foi à une enquête se basant sur une seule source». Ben voyons. Hersh est même devenu un théoricien du complot, la fiabilité de ses sources et son professionnalisme étant mis en doute par certains roquets des plateaux de télé qui se targuent d’être des «journalistes». C’est tout juste si ce monument du journalisme d’investigation n’est pas traité de vieux gâteux. Pourtant, un lanceur d’alerte qui était présent lors des exercices militaires Baltops dans la Baltique a confirmé la présence des plongeurs «spéciaux» et a rapporté les besognes auxquelles ils se sont livrés.

«Thank you, USA»
La plupart d’entre nous se souviennent du jour où le gazoduc Nord Stream amenant le gaz russe en Europe via l’Allemagne a explosé. Les images du gaz s’échappant à gros bouillons dans la mer Baltique ont fait le tour du monde. Cet acte de sabotage peut être considéré comme un casus belli contre toute l’Europe mais, surtout, contre l’Allemagne qui était totalement dépendante du gaz russe et qui voit toute son économie menacée. L’Allemagne, qui était considérée comme la locomotive de l’Europe, voit s’effondrer son industrie car comment rester compétitif quand on doit faire tourner ses usines avec une énergie dont les prix s’envolent ? Tout de suite, les médias occidentaux avaient accusé la Russie d’avoir détruit son propre gazoduc, comme si le gouvernement russe était assez fou pour pulvériser un investissement de plusieurs milliards de dollars au fond de la mer, sans parler des milliers de mètres cubes gâchés qui bouillonnaient dans la mer. Mais une réaction sur Twitter a suscité l’intérêt de certains internautes, celle de l’ancien ministre polonais des Affaires étrangères et député européen, Radoslaw Sikorski, qui a publié un message le lendemain de l’explosion disant : «Thank you, USA», accompagné d’une image aérienne de l’endroit de l’explosion. Et certains d’entre nous n’ont pas manqué non plus de s’interroger sur le SMS sibyllin que Liz Truss, alors Première ministre britannique, a envoyé à Antony Blinken quelques instants après l’explosion : «It’s done» (c’est fait). Il semble bien que beaucoup de gens en Occident étaient «de mèche» dans ce sabotage. Ce Sikorski est intéressant à plus d’un titre. Ancien journaliste ayant fait ses études en Grande-Bretagne, possédant la double nationalité polonaise et britannique, il a travaillé pour plusieurs médias britanniques et américains dont, notamment, Voice of America avant de faire une carrière politique. Il est marié à la journaliste américaine Anne Applebaum, issue d’une famille juive biélorusse, une néoconservatrice pur jus qui répand sa haine de l’ex-URSS qui, pourtant, n’existe plus, via des livres prétendument scientifiques alors qu’ils ne sont que de la propagande impérialiste et anticommuniste, tels que «L’Histoire du goulag» récompensé par un prix Pulitzer, institution qui n’est décidément plus ce qu’elle était, «La Famine rouge», la guerre de Staline en Ukraine, Rideau de fer : l’Europe de l’Est écrasée, bref toute une littérature échevelée contre les méchants communistes soviétiques. Applebaum est éditorialiste au Washington Post et membre de l’American Enterprise Institute, un véritable nid à straussiens. Think tank néoconservateur pur et dur, cet institut proche du patronat américain est réputé pour être partisan de l’intervention militaire. Y ont siégé, ou y siègent encore, outre Applebaum : son mari Radoslaw Sikorski ; John Bolton, conseiller de Trump à la Sécurité nationale ; Lee Raymond, qui est l’ex-PDG d’ExxonMobil ; Lynne Cheney, l’épouse de l’ancien vice-président de George W. Bush ; Reuel Marc Gerecht, ancien spécialiste du Moyen-Orient à la CIA et ex-directeur du Project for the New American Century’s Middle East Initiative, mais aussi Richard Perle, surnommé le «Prince des ténèbres», ce qui situe le personnage, lequel a été accusé par Seymour Hersh dans le New Yorker du 9 mars 2003 de conflit d’intérêts et d’accointance avec des hommes d’affaires israéliens représentant une société de fabrique d’armes ainsi qu’avec une société liée aux préparatifs de l’invasion de l’Irak dont il était l’un des plus fervents supporters. A cette époque, Perle avait été nommé président de la commission de la politique de défense par George W. Bush, poste dont il a dû démissionner le 27 mars suite à l’article de Seymour Hersh qu’il a traité de «terroriste». C’est ça, le pouvoir de la presse quand elle fait son travail.

Article 5…
Ce qui constitue l’un des plus grands actes de terrorisme de l’histoire – car il dépasse de loin les attentats du 11 septembre 2001 dans les implications de la destruction du gazoduc sur l’économie européenne, à commencer par celle d’Allemagne – est complètement passé à la trappe. Les médias n’en parlent plus et les politiciens européens ne font aucun commentaire. Il n’y a même pas d’enquête sérieuse. On se souvient que les attentats de New York ont fait la Une des journaux pendant des semaines, les télévisions passant en boucle les images des immeubles détruits. L’article 5 de l’OTAN avait été aussitôt activé. Le voici : «Les Parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les Parties et, en conséquence, elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations unies, assistera la Partie ou les Parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres Parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord. Toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales.»
Mais comment activer l’article 5 quand deux pays de l’OTAN, les Etats-Unis et la Norvège, commettent un attentat terroriste contre leurs propres partenaires ? Sans parler de soupçons pesant sur le Royaume-Uni, la Pologne et le Danemark, ce dernier étant chargé de surveiller la zone où s’est déroulé l’attentat. Aujourd’hui, l’oligarchie bourgeoise qui dirige l’Europe, complètement soumise à l’impérialisme, fait mine de regarder ailleurs et achète sans sourciller le gaz de schiste des Etats-Unis, ce qui ne semble pas gêner les écolos allemands va-t-en-guerre comme Baerbock et Habeck qui n’ont plus grand-chose à voir avec la couleur verte. L’Oncle Sam, lui, se frotte les mains parce que la désindustrialisation programmée de l’Europe va inciter les usines européennes à se délocaliser aux Etats-Unis, ce qui va entraîner de l’emploi et de la richesse aux Etats-Unis, mais aussi des millions de pertes d’emplois en Europe et une paupérisation endémique allant de pair avec une augmentation drastique du coût de la vie due à une énergie hors de prix. Mais schuuut, laissons se calmer les remous dans l’eau de la Baltique et passons à autre chose. Plus aucun média ne parle de cette affaire. La chape de plomb qui s’est abattue sur la révélation de Seymour Hersh nous renvoie à la conception de la «liberté d’expression» telle qu’elle est pratiquée en Occident. Mieux, pour faire diversion et détourner l’attention du public de l’attaque terroriste contre Nord Stream, de la déculottée que les Russes infligent à l’OTAN en Ukraine, et de la catastrophe environnementale qui a lieu dans l’une des régions les plus fertiles de l’Ohio, avec le déraillement d’un train transportant des produits chimiques dangereux dont du chlorure de vinyle, ce qui a provoqué un véritable Seveso, Washington n’a rien trouvé de mieux que d’embarquer le monde dans une chasse aux ballons et aux OVNIS. Cette diversion a incité Edward Snowden à commenter sur Twitter le 13 février : «Ce n’est pas extraterrestre. J’aimerais que ce soit extraterrestre mais ce n’est pas extraterrestre, c’est juste la vieille panique artificielle, une nuisance attrayante garantissant que les journalistes du Natsec (ndlr : sécurité nationale) soient affectés à enquêter sur des conneries de ballons plutôt que sur des budgets ou des attentats à la bombe (sur Nord Stream) jusqu’à la prochaine fois.»

La Russie ne tombera pas et Poutine est un joueur d’échecs
L’Occident commence à comprendre que, contrairement à ce qu’il croyait, la Russie ne tombera pas, ni économiquement, ni militairement, ni politiquement, et qu’elle est prête à poursuivre son opération spéciale en Ukraine autant de temps qu’il le faudra malgré les sanctions, les envois de mercenaires, d’armes et de chars des pays de l’OTAN, qui finissent en chair à pâtée et en tas de ferraille. Antony Blinken peut continuer à seriner son mantra que «le monde ne peut pas être autorisé à rester sans le leadership américain», la Chine, la Russie et l’Iran intensifient leur coopération, suivies par les pays des BRICS et les pays émergeants, ouvrant la voie à un monde multipolaire. Le pantin de Washington Jens Stoltenberg peut réclamer plus d’armes pour Kiev de la part des pays de l’OTAN, tout en reconnaissant qu’il y a pénurie de munitions, son agitation lors de ses apparitions à la presse démontre un profond malaise et il a d’ailleurs déclaré qu’il ne reconduirait pas son mandat en octobre prochain. Le Pentagone a aussi déclaré qu’il n’y aurait pas non plus d’envoi de missiles à longue portée en Ukraine car il préférait les garder pour son armée. Autre signe d’affaiblissement, la visite en Europe du plus célèbre mendiant de la planète, Volodymyr Zelensky, qui est retourné dans son bunker de Lviv la queue entre les jambes, à défaut de s’en servir pour jouer du piano, car sa tournée européenne s’est avérée un fiasco malgré les mamours hypocrites des uns et des autres. Un seul dirigeant européen s’est démarqué en refusant d’applaudir le guignol en kaki, c’est Viktor Orban, prouvant par son attitude qu’il y a au moins un politicien européen qui connaît la signification du mot «dignité». La réponse de l’empire ne s’est pas fait attendre. La patronne de l’USAID, la détestable interventionniste Samantha Power, s’est rendue à Budapest où elle a rencontré les étudiants hongrois pour discuter de leurs «aspirations», elle s’y est aussi entretenue avec des journalistes «indépendants» et avec des représentants d’ONG, ainsi qu’avec les communautés LGBT et les militants des «droits de l’Homme». Bref, l’agent Power n’a pas chômé pour allumer des mèches un peu partout en Hongrie. Attendons-nous à voir émerger prochainement une révolution colorée pour renverser Orban.
Face à ce qui devient un casse-tête pour l’empire qui perd le contrôle des évènements, certaines voix commencent à s’élever pour proposer des négociations. Ainsi, la Rand Corporation, qui est une vitrine de la CIA, a suggéré de réfléchir à un plan à la coréenne dans un rapport qu’elle a publié fin janvier. Selon le rapport, il serait sage de «minimiser les risques d’escalade majeure» car «les intérêts américains seraient mieux servis en évitant un conflit prolongé». Le think tank préconise notamment de «donner des assurances concernant la neutralité de Washington et d’envisager un allégement des sanctions contre la Russie». L’ancien conseiller de Zelensky, Oleksiy Arestovytch, qui figure sur le fameux site Myrotvorets depuis qu’il a révélé que l’immeuble résidentiel détruit par un missile le 14 janvier 2023 à Dnipro, tuant 40 personnes, n’était pas russe mais ukrainien, ce qui l’a forcé à démissionner, est lui aussi partisan des négociations et de la solution à la coréenne. Désormais, il n’est plus question de bombarder la Crimée comme cela avait été envisagé très récemment, d’envoyer des missiles à longue portée et de tester la Russie avec des bravades belliqueuses, le fait que la marine russe soit sortie pour la première fois chargée de missiles garnis d’ogives nucléaires prêts à l’emploi a calmé les ardeurs. L’Europe se désagrège sous nos yeux, la révélation de Seymour Hersh ayant été l’épingle qui a percé la baudruche. Il y a eu une réunion de l’OTAN ces 14 et 15 février à Bruxelles réunissant les chefs d’état-major et les différents ministres de la Défense des pays de l’alliance, et le Danemark et les Pays-Bas ont déjà annoncé qu’ils n’enverront pas de chars en Ukraine. Il n’y aura pas non plus d’avions de chasse britanniques dans le ciel ukrainien. Tout le monde semble avoir compris que Vladimir Poutine est un joueur d’échecs, pas un joueur de poker, et qu’il ne bluffait pas quand il a déclaré qu’un monde sans la Fédération de Russie n’existerait tout simplement pas. La visite prochaine de Biden en Pologne va mettre tous les larbins d’accord. L’Ukraine n’en a plus pour longtemps à figurer dans les Atlas géographiques, elle sera scindée en deux parties, l’une allant à la Pologne, et l’autre à la Fédération de Russie. Et tout porte à croire que l’homme de paille ukrainien, le «héros» Zelensky, désormais inutile, connaîtra une fin sans honneur et sans gloire devant une montagne de cocaïne.
Suite et fin
Mohsen Abdelmoumen