La propagande Arme ultime de l’Empire

Les journalistes qui ont à cœur de faire leur travail et d’informer le public se font très rares en Occident mais heureusement, il y en a encore, même si tout est fait pour les empêcher de livrer des informations contraires à la doxa dominante. L’exemple le plus manifeste est Julian Assange, qui est enfermé dans la prison britannique de haute sécurité de Belmarsh, comme un terroriste, et qui risque une peine de 175 années de prison s’il est extradé aux Etats-Unis – alors qu’il est un ressortissant australien – rien que parce qu’il a fait son travail de journaliste.

Ceux qui osent donner un autre son de cloche que la propagande occidentale sont ostracisés, accusés de complotisme et de désinformation, menacés, bannis des médias, licenciés, traînés en justice, voire emprisonnés, leurs comptes en banque gelés et leurs biens saisis, comme dans le cas du journaliste britannique Graham Phillips pour sa couverture de la guerre au Donbass. Ou encore la Française Anne-Laure Bonnel qui a perdu son poste d’enseignante à l’Université Paris 1 parce que son reportage intitulé Donbass montre le sort des habitants russophones de l’est de l’Ukraine bombardés par l’armée de Kiev depuis 2014. Son travail lui vaut d’être considérée comme «pro-Poutine» et d’être sujette à de nombreuses menaces et insultes. Citons également l’Allemande Alina Lipp qui, elle aussi, est partie couvrir la réalité du Donbass et qui est menacée de trois ans de prison si elle remet les pieds en Allemagne. Le fait d’avoir mis un Z – lettre désormais interdite en Allemagne – sur son compte Telegram est considéré comme un délit. En représailles, son compte en banque ainsi que celui de son père ont été gelés. Il y a aussi le reporter indépendant espagnol Pablo Gonzalez qui est en prison en Pologne depuis le 27 février 2022 parce qu’il voulait couvrir la guerre en Ukraine. Et la liste n’est pas exhaustive.

Tu dis, tu meurs. Tu ne dis pas… tu as la vie sauve
Certains journalistes perdent même la vie quand ils s’approchent de trop près de certaines vérités. Ils sont alors victimes d’actes de barbouzerie travestis en accidents tels que, par exemple, une chute malencontreuse du cinquième étage, comme celle qui a tué en février 2004 le reporter Didier Contant qui enquêtait sur la mort des moines de Tibhirine et qui se sentait épié et surveillé parce qu’il s’apprêtait à publier une version qui ne plaisait pas aux champions du «qui-tue-qui», doctrine anti-algérienne chère à Jean-Baptiste Rivoire et à sa clique de «droits-de-l’hommiste» franchouillards. L’anthropologue Rina Sherman, la compagne de Didier Contant, a écrit un livre intitulé Le Huitième Mort de Tibhirine dans lequel elle raconte l’enfer que le journaliste avait vécu avant sa mort, victime d’une campagne calomnieuse et privé de moyens de subsistance par la censure implacable qu’il subissait. D’autres sont criblés de balles comme le jeune journaliste slovaque Jan Kuciak et sa fiancée qui ont été abattus à leur domicile en février 2018 alors que le journaliste enquêtait sur les liens du gouvernement slovaque avec la mafia calabraise. Citons aussi le photojournaliste italien Andrea Rochelli qui a été pris pour cible par les forces ukrainiennes dans le Donbass en mai 2014. Et, plus proche de nous, l’attentat à la voiture piégée perpétré en août dernier près de Moscou contre la journaliste russe Daria Douguine, morte sous les yeux de son père Alexandre Douguine. Et nous ne citerons pas tous ceux qui sont repris sur le site ukrainien Myrotvorets qui met en-ligne des fiches comportant les données personnelles telles que les adresses et les numéros de passeports de nombreux journalistes et autres personnalités ukrainiennes ou étrangères déclarées comme «pro-Russes», ou «traîtres à la patrie», et donc «ennemis de l’Ukraine», parmi lesquels plus de 300 mineurs d’âge. Cette plateforme n’est rien d’autre qu’une liste de personnes à abattre, un appel au meurtre édicté par Kiev et lorsque l’une de ces personnes est tuée, sa photo est barrée d’un grand «liquidé» inscrit en rouge. C’est une méthode bien connue des fascistes que de dresser des listes de personnes à éliminer, et nous avons connu cela en Algérie lors de la décennie noire. Parmi les personnes recensées sur ce site, outre les journalistes, nous trouvons certains politiciens français, tous partis confondus, comme Ségolène Royal, François Asselineau, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, et d’autres qui, à part une ou deux exceptions, n’ont pourtant jamais remis en question la politique atlantiste de la France. On y trouve aussi des artistes comme Samy Naceri, Gerard Depardieu ou Emir Kusturica. Telles sont les «valeurs» de l’Occident partagées par l’Ukraine «démocratique» et la bien-pensance occidentale continue, malgré tout, à nous saouler avec la «liberté d’expression».

Les beaux jours du maccarthysme à l’ère du 2.0
J’ai personnellement travaillé pour un site américain qui s’appelait American Herald Tribune dans lequel on trouvait les publications de toute la crème des militants anti-impérialistes et antisionistes, la plupart américains, qui n’avaient pas froid aux yeux pour exprimer ce qu’ils pensaient de la politique américaine. Le FBI nous a prouvé qu’il n’avait pas enterré les pratiques à la J. Edgar Hoover puisque le site a été fermé, ses publications étant jugées trop critiques à l’égard de la politique étrangère américaine. Exactement comme à la belle époque du maccarthysme. Le directeur du site, Anthony J. Hall, quant à lui, a été licencié de l’Université où il enseignait sous prétexte d’«antisémitisme». Un peu avant la fermeture du site, j’avais été contacté par un «journaliste» de CNN, un certain Donie O’sullivan, qui voulait savoir combien le journal me payait pour publier mes articles. Je lui ai répondu que je travaillais bénévolement et que je n’en percevais pas un centime, ce qui était vrai. Ce type m’avait tout l’air d’être un agent plutôt qu’un journaliste et sa présentation dans CNN indique qu’il est payé pour suivre et identifier les campagnes de désinformation en-ligne. Il a d’ailleurs écrit un article mensonger déclarant qu’AH Tribune rétribuait ceux qui écrivaient pour le site, ce qui a conduit à sa fermeture. Ce témoignage constitue un exemple type des «valeurs» de démocratie, de liberté d’expression et autres foutaises avec lesquelles l’Occident nous assomme continuellement. On peut aussi citer le cas plus récent de la chaîne RT France qui était déjà censurée depuis le premier paquet de sanctions édictées par Von der Leyen, et qui s’est terminé par le gel des comptes bancaires de la chaîne et par 123 salariés au chômage. Il faut donc beaucoup de courage pour oser défier l’ordre établi en relatant les faits réels. Seymour Hersh est un journaliste d’investigation américain mondialement connu, une véritable légende du journalisme qui a toujours «porté la plume dans la plaie», comme disait Albert Londres. Il a écrit pour de grands journaux comme The New Yorker et The New York Time. Il est celui qui a révélé le massacre de My Laï par les troupes américaines pendant la guerre du Vietnam, ce qui lui a valu le prix Pulitzer en 1970 et, des décennies plus tard, il a publié une enquête sur la pratique de la torture à Abou Ghrib pour laquelle il a reçu le prestigieux prix Polk. Il a aussi démenti Barak Obama quand celui-ci accusait Bachar Al-Assad d’avoir lancé une attaque chimique contre son propre peuple. Il a aussi enquêté sur les actions hostiles de la CIA sur le territoire américain à l’encontre des mouvements pacifistes et autres opposants sous couvert de contre-espionnage, ce qui a coûté son poste au chef du contre-espionnage de la CIA. Il a révélé l’existence de l’OSP, Office of Special Plans (Bureau des moyens spéciaux), une unité de renseignement du département de la Défense des Etats-Unis mise en place par Ronald Rumsfeld au lendemain des attentats du 11 septembre. Il a également révélé qu’Hillary Clinton était financée par le lobby juif. Il a aussi affirmé que le gouvernement américain avait menti sur le raid qui avait permis d’éliminer Oussama Ben Laden et que le corps de celui-ci n’avait pas été jeté à la mer. Son travail d’investigation et ses publications mettant à nu les turpitudes de l’empire lui ont valu, bien sûr, beaucoup d’inimitié de la part de ceux dont il dévoilait les agissements. Et aujourd’hui, à 85 ans, Seymour Hersh prouve une fois de plus qu’il est l’un des plus grands journalistes en publiant sur son blog personnel une enquête sur le sabotage des gazoducs de Nord Stream 1 et 2, le 26 septembre de l’année dernière, dans la mer Baltique : https://seymourhersh.substack.com/p/how-america-took-out-the-nord-stream

Invasion de l’Ukraine, versus destruction de Nord Stream
Il s’avère que l’enquête menée par Seymour Hersh et qui est le résultat du témoignage d’une «gorge profonde» issue des services de renseignement américains, à la manière de ce qui s’est déjà produit avec le scandale du Watergate en 1974 – sur lequel, d’ailleurs, Hersh a enquêté pour le New York Time et notamment sur l’implication de Henry Kissinger –, pointe directement Joe Biden et les straussiens. L’enquête révèle, en effet, que l’opération a été ordonnée par Joe Biden et planifiée par le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, la sous-secrétaire d’Etat aux Affaires politiques, Victoria Nuland, et le conseiller à la Sécurité nationale, Jake Sullivan, les mêmes poisons néoconservateurs, donc, qui infestent l’administration américaine depuis des années et dont l’idéologie hégémonique risque de précipiter à chaque instant le monde dans l’apocalypse. La préparation de cet attentat a commencé en décembre 2021, soit trois mois avant l’opération spéciale russe en Ukraine, impliquant diverses personnes issues de différentes agences de renseignement, dont William Burns, le patron de la CIA, qui se réunissaient dans le plus grand secret pour élaborer le plan de destruction des gazoducs. Pendant toute l’élaboration de cette attaque, la question n’était pas de savoir s’il fallait effectuer la mission, mais comment l’effectuer sans que l’on puisse en déterminer le responsable. La publication de Hersh est une véritable bombe qui décrit avec force détails les réunions secrètes qui se sont tenues pendant plus de neuf mois et qui ont permis la mise en œuvre de la planification, du choix des plongeurs, lesquels ne devaient pas faire partie de l’armée pour éviter que cette opération soit signalée au Congrès et au Gang des Huit (ensemble de huit dirigeants au sein du Congrès des Etats-Unis qui sont informés sur des questions de renseignement classifiées par l’exécutif), l’organisation du timing ; bref, tout le déroulement de ce qui n’est pas autre chose qu’un acte de guerre des Etats-Unis contre l’Europe alliée, en y impliquant, en outre, l’un des membres de l’OTAN, à savoir la Norvège qui s’est montrée particulièrement enthousiaste de participer à cette mission. C’est en juin 2022, pendant l’exercice d’entraînement militaire Baltops, que les plongeurs ont placé des explosifs sur les pipelines Nord Stream 1 et 2, explosifs qui ont ensuite été déclenchés à distance le 26 septembre.
A suivre…
Mohsen Abdelmoumen