Les causes réelles de l’inflation

Crise économique

La quatrième théorie attribue l’inflation aux « poussées anticipatrices ». Autrement dit, la hausse serait provoquée par l’affolement des acheteurs qui, par crainte de l’augmentation des prix, sont « poussés » à anticiper leurs achats, entraînant le renchérissement momentané des produits. En effet, lorsque les acheteurs ont satisfait leurs besoins à long terme, ils n’achètent plus pendant un certain temps, faisant corrélativement chuter la demande et les prix.

La flambée inflationniste œuvre des boutefeux capitalistes
La cinquième interprétation explique l’inflation par l’augmentation des « coûts salariaux », souvent imposée, selon ses détracteurs libéraux, par l’irresponsabilité des actions de grève menées par des syndicats intransigeants et jusqu’au-boutistes, activant au détriment de l’intérêt général (entendre celui de la bourgeoisie, bien évidemment, qui veut continuer à exploiter ses esclaves-salariés dans la paix sociale et le maintien de profits élevés). Autrement dit, selon cette école libérale, l’augmentation des salaires (ou l’indexation des salaires) serait responsable de la hausse des coûts de production et, par voie de conséquence, des prix (ce qui est tout à fait exact). De là découle sa fustigation et condamnation du syndicalisme, ses recommandations incessantes à restreindre le droit de grève. Les tenants de cette théorie libérale blâment les mécanismes d’indexation des salaires sur les prix qui entretiendraient, selon eux, une accélération de l’inflation (ce qui est exact : la position du prolétariat ne consiste pas à nier cette corrélation évidente mais de ne pas s’en préoccuper. Le prolétariat (le salariat) lutte sans relâche pour défendre ses conditions de vie et de travail. Et il défend son droit de vendre sa force de travail au prix qui lui semble socialement acceptable.
Aussi, il n’a pas à se formaliser sur cette problématique inflationniste générée par la politique du capital).
Pour autant, considérons comme fondé que la mobilisation des travailleurs coalisés permet en effet l’obtention d’une hausse des salaires nominaux.
Or, ce que les économistes bourgeois feignent d’ignorer, c’est que si, aussitôt les prix augmentent, ce sera à cause de la riposte des patrons qui, pour maintenir ou accroître leurs profits, activent l’escalade inflationniste. Systématiquement, face à des hausses de salaires, les patrons augmentent leurs prix pour accroître ou maintenir leurs profits. Ils n’appliquent pas cette politique inflationniste par esprit de vengeance malveillant, mais en vertu de la loi imparable du capitalisme. Si les salaires nominaux augmentent, les capitalistes se doivent d’en reprendre tout ou partie par la hausse des prix. Il n’y a pas de miracle : dans la phase du capitalisme monopolistique et étatique, si les prix augmentent, c’est du fait des agissements des capitalistes (privés et étatique), déterminés à maintenir ou accroître leurs profits (recettes pour l’État).
Comme on le relève actuellement avec l’augmentation vertigineuse des prix des matières énergétiques fabriquées et vendues par des multinationales, les monopoles s’approprient des surprofits grâce à leur domination et contrôle du marché, à leur pouvoir d’obstruction bloquant toute concurrence dans la branche, leur octroyant la possibilité de fixer des prix de vente supérieurs au prix de production (comme on le voit actuellement en France avec le prix de l’électricité fixé à un tarif prohibitif par les fournisseurs d’énergie).
Une chose est sûre : dans la phase de domination monopolistique et étatique du capitalisme, « l’histoire économique » nous enseigne que les taux de profit sont systématiquement supérieurs dans les secteurs les plus monopolisés (TotalEnergies vient d’en administrer la preuve : en 2022 la multinationale a dégagé des bénéfices record de plus 20 milliards de dollars).
Par ailleurs, les prix dans ces secteurs monopolistiques augmentent davantage que les prix dans les autres secteurs. Néanmoins, à terme cette flambée inflationniste suscitée dans les secteurs monopolistiques, activée pour accroître ou maintenir leurs profits, entraîne mécaniquement une hausse du niveau général des prix dans les autres secteurs et dans toutes les entreprises, comme on le constate actuellement avec l’envolée des prix relevés dans tous les secteurs d’activité : industriel, agricole, tertiaire, commerce.
Ainsi, les vrais responsables de l’inflation sont, au niveau de l’entreprise, les patrons des groupes monopolistiques, et au niveau national, l’État, c’est-à-dire le gouvernement.
Or, à lire ou écouter les théories relatives à l’inflation des économistes libéraux, animés d’une logique bourgeoise irrationnelle, il s’agirait presque d’une fatalité sécrétée par une force surnaturelle incontournable et incontrôlable, à laquelle tout le peuple doit infailliblement croire, se soumettre.
Ces chamans de l’économie sont de véritables chenapans de la société. Ces théologiens du capital excellent dans l’art du chamanisme économique, cette forme de croyance magico-religieuse pour qui le système capitaliste incarne l’Esprit absolu insaisissable. Contrairement à ce que laissent entendre ces obscurs écho-nomistes (de la vraie économie ils ne perçoivent que les échos), l’inflation n’est pas l’œuvre de forces (surnaturelles) incontrôlables, mais l’œuvre de puissances financières et étatiques réelles, siégeant dans les multinationales et au (leur) gouvernement. Ce sont ces puissants qui causent et entretiennent l’inflation. Non pas par manœuvre complotiste mais sous l’impulsion des lois imparables du capital.
En vrai, au-delà de ces différentes interprétations libérales (inflation par la monnaie, par la demande, les coûts, l’anticipation des achats et par l’augmentations des salaires), il convient de rechercher les causes fondamentales de l’inflation dans les modalités spécifiques du fonctionnement du mode de production capitaliste depuis longtemps entré dans sa phase de déclin, objectivée par la récurrence des crises et des guerres, responsables de l’explosion des dépenses improductives et de l’inflation.
D’emblée, il est de la plus haute importance de souligner que l’inflation est un phénomène nouveau dans l’histoire du capitalisme. Son apparition correspond à la domination étatique du capitalisme ou, dit autrement, à la phase du capitalisme d’État surgi au mitan du XXe siècle.
Qui dit capitalisme d’État dit domination totalitaire. C’est-à-dire augmentation exponentielle des dépenses improductives (armée, police, bureaucratie, etc.). Par ailleurs, l’inflation galopante exprime, au niveau national, l’intensification de la lutte des classes. Et reflète, à l’échelle internationale, l’exacerbation de la concurrence intercapitaliste entre les bourgeoisies nationales.
Ce faisant, au vrai, l’inflation n’est pas d’abord un phénomène monétaire ou économique, mais il s’agit d’emblée d’une problématique politique, c’est-à-dire étatique (voire militaire car l’inflation surgit surtout en période de militarisme, d’économie de guerre, sur fond de récession, comme notre époque actuelle l’illustre).
(A suivre)
Khider Mesloub