L’impact économique et financier de la sortie du Royaume-Uni le 31 décembre 2020 de l’Union européenne

Les six axes de l’Accord entre le Royaume-Uni et la Commission européenne

Cette présente contribution est le développement de mon interview donnée à la télévision algérienne ALG24 N’EW’S le 16 février 2023 sur l’impact économique et financier de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 31 décembre 2020, où sont intervenus également deux experts internationaux de renom, le professeur Jacques Sapir directeur de recherches Paris et Alexandre Kateb expert financier.

Toute perturbation de cette zone a une influence sur l’économie algérienne où en plus de l’accroissement des échanges avec le Royaume-Uni de plus de 80% en 2022 par rapport à 2021, plus de 48% des importations et 56% des exportations sont en direction de l’Union européenne devant croître dans les années à venir, puisque le gouvernement a décidé de doubler les exportations d’énergie 2025/2027.

1.-Replacer l’économie britannique
au sein de la dynamique de l’économie mondiale
Le Royaume-Uni pour une population de 66 650 000 habitants, l’Europe est la sixième puissance économique mondiale, avec un PIB de 3 380 milliards de dollars au 01 janvier 2022 reposant essentiellement sur le secteur tertiaire qui représentent environ 73 % du PIB et notamment sur un fort secteur financier (grâce à la City). Le PIB de l’Union européenne au 1 janvier 2022 est 14500 milliards de dollars pour une population de 447 millions d’habitants. Le PIB européen plus Royaume Uni pour une population de 581 millions d’habitants est de 17880 milliards de dollars la plaçant la troisième puissance économique mondiale. En totalisant les USA dont le PIB est de 24796, la première puissance économique mondiale pour une population de 333 millions d’habitant et Europe plus Royaume-Uni nous aurons plus de 45% du PIB mondial pour une population inférieure à 1 milliard d’habitants.
En incluant la Chine, avec une population d’environ 1,4 milliard d’habitants, leader au niveau des Brics, dont le PIB est de 17.950 milliards de dollars les trois espaces USA /Chine Europe, Royaume Uni totalise 64/65% du PIB mondial pour environ 2 milliards d’habitants sur 8 milliards d’habitants au 01 janvier 2023. Ancien membre de l’Union européenne (1973-2020), le Royaume-Uni n’a pas adhéré à la monnaie unique européenne, l’euro et les relations économiques sont traditionnellement fortes avec les Etats-Unis et les pays du Commonwealth ayant toujours une influence même déclinante le Royaume uni qui préside pour des raisons historiques avec un flux d’échanges commerciaux importants, compte 54 pays membres, soit 2,5 milliards de personnes ce qui représente un tiers de la population mondiale et PIB combiné de la communauté du Commonwealth, s’élève à 13 000 milliards de dollars environ, devrait atteindre 19 500 milliards en 2027. Malgré que l’impact économique et financier du Brexit est intrinsèquement difficile à mesurer, où d’après une estimation du Centre for European Reform, le Royaume-Uni aurait aujourd’hui un PIB 5,5 % supérieur à celui actuel si le pays n’avait pas quitté l’Union européenne, le montant étant estimé à 37 milliards de douars, le Brexit implique en effet une rupture de dynamiques économiques établies depuis une cinquantaine d’années entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE, Cependant depuis le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, les perspectives économiques du Royaume-Uni sont moins optimistes que pour la plupart des économies européennes où, le pays connaît une inflation record de 11% (la plus élevée depuis près de 40 ans), une crise sociale et une augmentation du coût de la vie. Les coûts fixes des exportations vers l’UE ont augmenté pour les petites entreprises, les nouvelles règles douanières d’approvisionnement le pays a connu également des pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs, qui emploient beaucoup de travailleurs européens auparavant et qui ont été exacerbées en raison des restrictions d’accès au marché du travail britannique et les impôts sont en hausse se situant à plus de 37 % du revenu national, supérieurs de quatre points de pourcentage à ce qu’ils ont eu tendance à être au cours des quatre dernières décennies. Le PIB britannique devrait se contracter de 1,4 % en 2023, alors que les prévisions précédentes anticipaient une croissance de 1,8 %. La dette publique britannique, qui a atteint des sommets avec les dépenses liées à la pandémie, est «sur une trajectoire insoutenable» selon les experts britanniques sans hausse d’impôts ou réduction des dépenses, où pour le dernier trimestre 2022 la dette publique britannique se situait à 2.850 milliards d’euros après reconversion , l’emprunt public baissant moins vite que prévu, pénalisé par l’inflation avec la hausse des taux d’ intérêts de la dette, les projections de l’OBR prévoyant que la dette pourrait dépasser 100% du PIB dans les prochaines années. Cependant un bémol: les réserves de change fin novembre 2022 étaient estimées à 183 milliards de dollars avec un taux de chômage modeste 3,7% mais attention avec une importante flexibilité du marché du travail posant la problématique de la protection sociale.

2.- Les six axes de l’Accord entre le Royaume-Uni et la Commission européenne
Le Royaume-Uni a quitté définitivement le marché unique et l’union douanière le 31 décembre 2020. Après quarante-huit ans de vie commune, souvent agitée, Britanniques et Européens se sont séparés de façon ordonnée, après avoir conclu des accords encadrant leurs relations futures. Ce traité commercial couvre les échanges de biens et de services, mais aussi un large éventail d’autres domaines (investissement, concurrence, aides d’État, fiscalité, transport, énergie, environnement, pêche, protection des données…) Il établit également un nouveau cadre de coopération policière et judiciaire. Ce document vient compléter l’accord de retrait, signé en octobre 2019, consacré, entre autres, aux droits des citoyens européens et britanniques, aux engagements financiers mutuels et à la stabilité sur l’île d’Irlande.
Le document avalisé par les deux parties met en relief six axes directeurs n’étant pas concernés les services financiers où depuis le 1er janvier 2021, la City n’a plus la possibilité de vendre ses produits financiers au sein de l’Union européen.
Premièrement l’accord de commerce et de coopération repose sur le principe du libre échange : pas de droits de douane, mais la réinstauration d’un contrôle aux frontières, avec des déclarations d’importation et d’exportation pour les deux parties avec de nouveaux coûts dans les échanges, rappelant que les échanges commerciaux entre l’Union européenne et le Royaume-Uni s’élèvent à 700 milliards d’euros par an, le Royaume-Uni souhaitant toujours profiter du marché de millions de consommateurs qu’offre l’Union européenne.
Deuxièmement, pour éviter de voir s’installer un paradis fiscal à sa porte qui aurait créé une concurrence déloyale sur le continent européen, en contrepartie de l’accès au marché unique, le Royaume-Uni doit rester aligné sur les règles européennes en matière d’environnement, de droits sociaux, de fiscalité, de sécurité alimentaire ou encore d’aides d’État, ne pouvant pas s’engager dans une pratique déloyale de dumping en tout genre.
Troisièmement, afin d’éviter un éventuel désaccord ou un non-respect des règles édictées, contrairement au souhait de l’UE que la Cour de justice européenne s’en charge, c’est le Conseil de partenariat qui supervisera la mise en œuvre de l’accord.
Quatrièmement, un des volet les plus importants est celui de la pêche 1200 pages sur 3600 du rapport, car en quittant le marché unique, le Royaume-Uni a repris possession pleine et entière de ses eaux territoriales, jusqu’ici partagées avec les pêcheurs européens dans le cadre de la Politique commune de la pêche (PCP), ce secteur représentant 0,1% du PIB britannique et 650 millions d’euros pour l’UE. Celles-ci s’étendent jusqu’à environ 300 km au large de ses côtes, où ces eaux profitent aux pêcheurs européens sans être exhaustif, Pays-Bas, Belgique, Danemark, Allemagne et la France.
Cette dernière réalisait 30 % de ses prises et sur la période 2011-2015, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture, la France a pêché 100.000 tonnes de poisson en eaux britanniques , soit 24 % du volume produit en métropole, expliquant les tensions entre Paris et Londres, l’Union européenne ayant appuyé les revendications françaises d’accorder plus de licences.
En effet, la solution proposée aux pêcheurs est de continuer à pêcher dans certaines eaux britanniques (une bande de 6 à 12 milles nautiques au large des côtes britannique et près des îles de Jersey et Guernesey), mais à condition d’obtenir une licence de pêche. où ils doivent prouver qu’ils pêchaient dans les eaux britanniques entre 2012 et 2016. Dans cet accord les pêcheurs européens doivent renoncer à 25 % de la valeur de leurs prises dans les eaux britanniques, loin des premières exigences du Premier ministre britannique qui exigeait 80 %, puis encore 60 % peu avant la fin des négociations. Cet accord court jusqu’à l’été 2026, soit pendant cinq ans et demi, ce partage sera renégocié annuellement, offrant l’opportunité au Royaume-Uni de reprendre progressivement le contrôle de l’accès à ses eaux. L’UE devrait accompagner financièrement cette transition et aider les pêcheurs affectés par cet accord.
Cinquièmement, nouvel accord prévoit une poursuite de collaboration des autorités policières et judiciaires dans la lutte contre la criminalité et le terrorisme. Les deux parties continuent à partager l’ADN, l’immatriculation des véhicules, toutes les informations analytiques pertinentes, les empreintes digitales et les informations sur les passagers (PNR) et coopéreront par l’intermédiaire d’Europol ainsi qu’avec Eurojust chargé de renforcer la coordination et la coopération des enquêtes judiciaires, ainsi que les poursuites relatives à la criminalité. En revanche, le Royaume-Uni n’a pas souhaité inclure dans l’accord les questions de politique étrangère, de sécurité extérieure et de défense.
Sixièmement, l’accord prévoit la fin de la libre circulation des Européens au Royaume-Uni et inversement depuis le 01 janvier 2021 pour les courts séjours où chaque Européen se déplaçant pour loisirs ou affaires sur le sol britannique doit présenter ses papiers d’identité mais les visas sont nécessaires pour les séjours de plus de six mois.
Le changement majeur concerne les Européens souhaitant travailler au Royaume-Uni : depuis le 1er janvier 2021, un visa de travail obtenu grâce à une offre d’emploi avec un salaire minimum de 26 500 livres (environ 30 000 euros) est exigé, mais les Européens résidant au Royaume-Uni et les Britanniques dans l’UE conservent leur droit de résidence et de travail, selon l’accord de retrait négocié en octobre 2019.
En résumé la zone euro a résisté aux conséquences de la guerre en Ukraine, le PIB à +3,5% en 2022, un chiffre supérieur à celui de la Chine (3%) et des Etats-Unis (2,1%) et pour le Royaume-Uni sur l’ensemble de 2022, une hausse de 4,1 % du PIB, après une augmentation de 7,4 % en 2021. La structure de la balance commerciale pour fin 2021 du Royaume-Uni montre la domination des pays européens suivi des USA tant pour les importations que les exportations avec une percée de la Chine : ainsi pour les USA nous avons 69 milliards de dollars d’exportation et 57 d’importation, pour l’Allemagne 44 exportation et 93 importation, la France 27 exportation et 38 importation et la Chine 94 exportation et 63 importation. Et il semble, le pragmatisme et le réalisme l’emportant sur les passions, afin ne pas perturber tant l’économie britannique qu’ européenne, l’on s’achemine en 2023/2024 vers un assouplissement des procédures afin de dynamiser les échanges
Pr des universités
Expert international docteur d’Etat
Abderrahmane Mebtoul