Volonté populaire irrésistible pour la liberté et l’indépendance

Hommage à Larbi Ben M’hidi

Dans leurs éditions du 1er mars 1957, les journaux colonialistes paraissant à Alger jubilent. Ils publient une information qu’ils décrivent comme étant « d’une portée comparable à la capture de Ben Bella et ses comparses » et parlent d’une « opération contre l’Etat-major du FLN ». Il s’agit de l’arrestation de Mohamed Larbi Ben M’hidi qui a eu lieu quelques jours avant, le samedi 23 février 1957, dans un appartement de l’avenue Claude-Debussy à Alger.
A l’époque, dans ses comptes-rendus sur cette arrestation, la presse coloniale avait laissé entendre que le responsable FLN que les parachutistes pensaient trouver dans cet appartement était Ben Youcef Ben Khedda mais c’est Larbi Ben M’hidi qui s’y trouvait et qui a été arrêté. On connaît sa fameuse réplique à un journaliste français qui croyait l’intimider en lui lançant : «Monsieur Ben M’Hidi, ne trouvez vous pas plutôt lâche d’utiliser les sacs et les couffins de vos femmes pour transporter vos bombes? Ces bombes qui tuent des victimes innocentes ?» Ben M’hidi lui répliqua calmement : «Et vous, ne vous semble t-il pas bien plus lâche de larguer, sur des villages sans défense, vos bombes napalms qui tuent mille fois plus d’innocents ? Évidement avec des avions ç’aurait été beaucoup plus commode pour nous. Donnez nous vos bombardiers, monsieur, et on vous donnera nos couffins !» C’était dans une une conférence de presse animée par le général Massu venu présenter aux journalistes Larbi Ben M’hidi en état d’arrestation.
Le 6 mars 1957, les journaux colonialistes annoncent le «suicide» de Larbi Ben M’hidi, rapportant les propos du porte-parole de Robert Lacoste qui prétendait que «Ben M’hidi s’est suicidé dans sa cellule en se pendant à l’aide de lambeaux de sa chemise». En fait, au bout de plusieurs séances de torture atroces qui ont duré une dizaine de jours, Larbi Ben M’hidi a été emmené dans une ferme de La Mitidja où il a été assassiné dans la nuit du 3 au 4 mars 1957. En 2007, c’est le général tortionnaire Paul Aussaresses, appelé «commandant O» (à l’époque responsable des services de renseignement à Alger), qui a reconnu ce crime. C’est lui qui a procédé à l’exécution sommaire de Larbi Ben M’hidi. Il en a fait le récit dans un entretien au journal Le Monde. Ben M’hidi n’avait pas parlé sous la torture.
Il a été pendu par Paul Aussaresses sans procès, ni jugement, ni condamnation et ce crime a été maquillé en suicide. Il y a quelques années, le témoin de la Guerre de libération nationale et militant anticolonialiste, Henri Pouillot, s’est interrogé pourquoi le pouvoir politique actuel en France n’a pas reconnu l’assassinat de Larbi Ben M’Hidi. Il avait dit à ses tortionnaires : «Vous êtes le passé, nous sommes l’avenir». Mohamed-Larbi Ben M’hidi est né en 1923 au village El Kouahi, près d’Aïn M’lila, dans la wilaya d’Oum El-Bouaghi, au sein d’une famille d’agriculteurs. Il est inscrit à l’école primaire de son village natal qu’il quittera une année plus tard pour poursuivre ses études à Batna jusqu’à l’obtention du certificat de fin d’études primaires. En 1939, il entame des études secondaires à Biskra, et intègre l’organisation des Scouts musulmans algériens (SMA). Il fait partie de l’équipe de football de l’US Biskra, puis d’une troupe de théâtre.
Lors des manifestations du 8 mai 1945, Ben M’hidi est arrêté à Biskra à la suite des manifestations de la veille puis incarcéré à la prison du Coudiat de Constantine durant quatre mois. Il aura des activités politiques clandestines au sein du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) et de l’Organisation spéciale (OS), puis sa participation à la réunion des six en prévision du déclenchement de la Guerre de libération, avant de se voir confier la Vème Région historique.
Le Chahid qui comptait parmi les dirigeants du Congrès de la Soummam, s’est rendu par la suite à la région centre. Il écrivait dans El Moudjahid, n°2, de juillet 1956 : «La Révolution du 1er Novembre 1954, sous l’égide du FLN et de l’ALN, est l’expression d’une volonté populaire irrésistible pour la liberté et l’indépendance. Le peuple algérien reprend une autre fois les armes pour chasser l’occupant impérialiste, pour se donner comme forme de Gouvernement une République démocratique et sociale, pour un système socialiste comportant notamment des réformes agraires profondes et révolutionnaires, pour une vie morale et matérielle décente, pour la paix au Maghreb.»
Lakhdar A.