La légende de Yemma Gouraya

Béjaïa

A l’époque médiévale, la montagne du Gouraya s’appelait Amsioun, comme le prouve le témoignage daté du XIIème siècle d’ Al-Idrissi, célèbre géographe du roi normand Roger II de Sicile : « Béjaïa, située près de la mer, sur des rochers escarpés, est abritée, au Nord, par une montagne dite Amsioun, très élevée, d’un difficile accès et dont les flancs sont couverts de plantes utiles en médecine : bois de hadhadh, scolopendre, al-barbaris, grande centaurée, rezavend, castoun, absinthe… ». Elle changea de nom après le XVIème siècle grâce à l’action de celle qui deviendra la sainte protectrice de la ville.Gouraya est une femme qui vécut pendant la première moitié du XVème siècle. Elle a hérité sa sainteté universellement reconnue de son père Sidi Ayad, dont le mausolée existe toujours dans le village qui porte son nom près de Sidi Aïch. Gouraya avait trois sœurs. Lalla Timezrit dont le mausolée veille sur les deux versants d’une montagne près d’El Matten, Lalla Mezghitane qui veille sur Jijel et Lalla Yemna inhumée au pic de la dent non loin de sa sœur Gouraya.
Dès son enfance, Lalla Gouraya reçut une grande initiation à la religion musulmane. Elle s’aperçut très vite qu’elle avait le don de la prophétie et qu’elle pouvait conjurer les périls. En 1510, elle fut témoin de la période historique la plus douloureuse et la plus destructrice pour Bejaia, à savoir la prise de la ville par les Espagnols. Elle entra en résistance et donna espoir aux Kabyles. Après la libération de la ville, Lalla Gouraya alla s’établir au sommet de la montagne qui domine la ville. Elle se dressa une Kheloua et se livra aux pratiques de la vie érémitique. Les Bougiotes virent en elle une sainte aimée de Dieu et ne cessèrent de la solliciter: « A Yemma Gouraya guelaa`nayam! ».
A sa mort, Lalla Gouraya a été inhumée dans une Koubba (Mausolée) qui deviendra un lieu de Ziara (pèlerinage) pour toute la population de la Kabylie, et au delà. C’est ainsi que depuis le XVIème siècle Yemma Gouraya est devenue la gardienne de la ville. Le Mausolée de Yemma Gouraya sera détruit par l’armée française en 1833. Ce n’est que dans la deuxième moitié du XIXème siècle que les autorités coloniales autorisèrent la population à accéder de nouveau au sommet et la Ziara pu reprendre jusqu’à nos jours. Avec ses 99 Walis (Saints), Béjaia est considérée comme étant « la petite Mecque ». L’une des légendes les plus célèbres a un rapport avec le saint protecteur des marins, Sidi Abdelkader an-Nedjar (XVIIIème siècle), aujourd’hui inhumé au Fort de la Mer (brise de mer). « Un jour, Sidi Abdelkader avait pressentit l’arrivée d’immenses vagues qui viendraient détruire Béjaia. Il fit alors appel aux autres saints de la ville pour l’aider à les repousser.
Cependant, aucun d’entre eux ne put y faire face. C’est alors qu’il fit appel à Yemma Gouraya qui monta en haut de la plus haute colline (de Bejaia) pour protéger la terre tandis qu’Abdelkader protégeait la mer ». C’est pourquoi on dit que Bejaia est protégée à jamais.
Aujourd’hui des incendies ravagent le nord de l’Algérie y compris la ville des 99 saints. Les collines boisées, hier couvertes de verdure , ne sont plus que des monticules noirâtres où se dressent les sombres squelettes d’arbres… Cependant Dieu fait bien les choses, les forêts disposent de capacités de résilience ; après un incendie , elle peuvent se reconstituer. Les espèces refont rapidement leur apparition et leur diversité dépasse en quelques années seulement celle de la forêt initiale.
Héritiers du passé, nous sommes aussi les gardiens pour l’avenir ! Cela signifie que nous avons des responsabilités importantes à l’égard de cet héritage et que nous sommes entièrement et profondément responsables à l’égard des générations futures. Protégeons la Terre !
Source de la Légende : Parc National de Gouraya – Béjaia