Lettre ouverte A Monsieur le ministre de l’Enseignement supérieur

L’École va très mal !
L’École Supérieure des Beaux-arts d’Alger, l’unique pôle de formation supérieure en arts plastique et en design de notre belle Algérie est en souffrance. Cette glorieuse école qui, par l’engagement de ses premiers enseignants et de feu Bachir Yelles son premier Directeur a dès l’Indépendance a contribué à l’essor de notre Nation dans le domaine des arts et de l’architecture. Cette illustre école qui, par le sacrifice de Ahmed Asselah son Directeur et de Rabah son fils, grâce à la formidable résilience de ses enseignants et de ses étudiants, est demeurée un phare éclairant les ténèbres d’une Algérie plongée dans le chaos. Mesli, Ali-Khodja, Bendebagh, Chayani Hacène, Zoubir, Martinez… figurent parmi ces professeurs émérites qui ont permis l’émergence d’un art proprement algérien qui continue a être porté dans le monde entier par des créatifs formés sur les bancs de l’ESBA. Cette école, Notre École, est aujourd’hui dans un total désarroi. L’école du regretté Ahmed Asselah, ce temple de la Culture ouvert sur le monde et où se pressaient les responsables politiques nationaux et étrangers en visite n’est plus. Cette école qui accueillit des manifestations de rang international comme la Rencontre des écoles d’art de la Méditerranée et permettait à la Culture algérienne de rayonner dans les biennales de Milan, Venise ou Dakar, se meurt. Nous, Enseignants de toutes générations, n’avons jamais connu un tel marasme. Malgré la couleur blanche dont les arbres et les allées sont badigeonnés, la tristesse règne. Pour ceux qui de longue date la fréquentent, l’École semble avoir perdu son âme. Les conséquences sur les plans pédagogique et humain sont palpables. L’heure est à la suspicion, le nouveau maître des lieux nous observe derrière ses écrans. Alors plus d’une quinzaine de caméras sécurisent déjà les lieux, de nouvelles sont installées dans d’obscurs boitiers et observent le moindre geste comme si nous étions dans une structure sensible. Seulement nous sommes dans une institution de formation de rang universitaire : une école d’Art; un lieu où la liberté et la création ne doivent pas être entravés. Nous, Enseignants conscients de notre responsabilité professionnelle et forts de notre étique et de notre respect de la déontologie en sommes les garants, au même titre que nos glorieux prédécesseurs en leur temps et en leur mémoire. Tel est notre sacerdoce et ce qui motive notre action. Il est ainsi de notre responsabilité d’alerter les pouvoirs publics sur les dangereux dépassements dont l’École Supérieure des Beaux-arts est le théâtre depuis la prise de fonction de l’actuel Ordonnateur chargé de la gestion de l’ESBA au lendemain du décès de l’ancien directeur feu Djamel Larouk. Monsieur l’Ordonnateur gestionnaire de l’ESBA qui ne semble pas plus maîtriser les rudiments de la gestion administrative que ceux des arts a causé en quelques mois tellement de torts au secteur de la formation supérieure artistique qu’il nous serait difficile de les décrire dans leur entièreté. Nous nous limiterons donc aux faits les plus saillants et les plus révélateurs de cette impéritie. Une des premières actions fut de contraindre les enseignants d’émarger au début et à l’issue de chaque cours en se déplaçant au bureau de la Sous-direction, très éloigné des salles où se déroulent les cours et qui perturbent leur bon fonctionnement. Nous Enseignants, sommes conscients de la responsabilité qui nous incombe dans la formation de l’élite culturelle de notre Nation et nous nous y attelons avec cœur et abnégation depuis plus de 40 ans pour certains d’entre-nous. Une autre décision arbitraire fut de mettre fin aux fonctions d’un enseignant contractuel et son remplacement par une collègue à un mois de la fin du premier semestre et ce, en violation de la règlementation qui impose notamment un préavis de 30 jours. L’enseignant a également été interdit d’accès à l’école. Nous soulignons également l’aspect anti-pédagogique et contreproductif de cette décision qui ne tient pas compte des impératifs de la formation de nos étudiants. L’enseignant en question dispensait le cours de dessin, un module parmi les plus importants du cursus et dont l’évaluation comme le suivi sont continus, chose qui interdit le remplacement de l’enseignant au cours du semestre. Une décision qui révèle autant l’arbitraire que le peu de connaissance de la spécificité de l’enseignement dispensé à l’ESBA. Un procès verbal rédigé à priori aux noms des enseignants chefs d’équipes de recherche et envoyé le 02/08/2022 pour signature, alors qu’ils étaient en vacances et ne se sont jamais réunis durant en cette date. Cet acte représente tout simplement, la falsification de document en modifiant leur contenu et en rapportant de faux faits sous forme de faits vrais. La rédaction de faux rapports visant à salir l’image de collègues à l’instar de monsieur Jaoudet Gassouma, plasticien, enseignant connu, sont des actions habituelles et courantes de ce gestionnaire qui n’hésite pas à user de tous les subterfuges fussent-ils contraires à la règlementation et à la déontologie. Les étudiants sont souvent les victimes de tentatives de manipulation qui les amènent bien loin de leurs études dans des zones grises. La décision unilatérale de changer le logo de l’ESBA est un autre exemple de ces infractions aux règles les plus élémentaires. Ce changement de logo s’est fait sans respecter les normes et les démarches en usage comme la création d’une commission de spécialistes à même de préparer le cahier des charges. Une instruction de notre tutelle administrative aurait motivé cette décision unilatérale. Il n’a pas été non plus tenu compte du coût financier de ce changement de logo qui implique la réalisation de nouveaux documents administratifs (papier à en-tête, enveloppes, cartes d’étudiants, certificats de scolarité…), ni de l’impact environnemental ou du gaspillage induits par la destruction des anciens documents portant le logo précédent. Les locaux qui ont depuis toujours accueilli les services pédagogiques ont été réaffectés à d’autres services sans lien direct avec la pédagogie. Les services de la pédagogie et les chefs de départements ont dû déménager dans des locaux exigus. Le bureau de la sous-direction est un capharnaüm que se partagent monsieur le sous- directeur, sa secrétaire et les nombreux dossiers qui s’empilent. Ce même bureau accueillait auparavant les réunions pédagogiques auxquelles participaient les enseignants par département. Ces réunions comme celle du conseil pédagogique ne se sont d’ailleurs pas tenues depuis le début de l’année. L’enseignement est en roue libre sur le plan administratif. En tant qu’enseignants, nous travaillons entre nous et de manière informelle à maintenir une relative coordination entre les enseignements. Monsieur l’Ordonnateur gestionnaire de l’ESBA semble plus préoccupé par la création de structures fantômes sans réel encrage scientifique à l’instar du «< laboratoire de recherche » ou de la « revue des Beaux-Arts » dont il s’est autoproclamé rédacteur en chef et qui ne respectent pas plus l’une que l’autre les normes ou les usages en cours à l’Université. Monsieur l’Ordonnateur gestionnaire de l’ESBA ne semble pas disposé à écouter les conseils et les recommandations des «< gens de l’art» y compris les chefs des départements pédagogiques. Il transgresse aussi bien les règlements administratifs que les traditions et les usages en fonction de son bon vouloir et de ses intérêts personnels. Il se justifie en invoquant son nationalisme et son passé militaire à toute occasion. La dernière transgression de la réglementation date du 16 janvier 2023, date à laquelle a été publié dans les quotidiens nationaux un placard annonçant le recrutement d’un maître-assistant classe B (1 seul poste) sans en informer les chefs de départements, le sous-directeur des études ou les membres du Conseil pédagogique de l’ESBA, voire du Conseil scientifique de l’ENRCBC dont dépend l’ESBA. Un placard qui ne porte d’ailleurs pas l’entête du Ministère de la Culture et des Arts pourtant notre tutelle administrative, mais seulement celle du MESRS. Plus aberrant encore, cet avis de recrutement concerne les diplômés des filières <<< Psychologie clinique », << Psychologie du développement et clinique infanto juvénile », << Psychologie pathologique ». Des spécialités sans aucun lien ou relation avec l’enseignement dispensé à l’ESBA. Rappelons que Monsieur l’Ordonnateur gestionnaire de l’ESBA est titulaire d’un doctorat en << psychologie clinique >> soutenu en juin 2022 et qu’il ne possède aucune expérience d’enseignement universitaire. Il apparaît évident qu’il s’agit là d’une énième adaptation de la règlementation à la mesure de son ambition: devenir enseignant titulaire et s’assurer de rester ainsi à la tête de l’ESBA. Alors que nous nous sommes réunis le jeudi 22 décembre 2022 durant plus de trois heures en assemblée générale, Monsieur l’Ordonnateur gestionnaire de l’ESBA n’a répondu favorablement à aucune de nos doléances et n’a reculé sur aucune de ses positions. Nous sommes désormais convaincus qu’il est très éloigné de tout concept de gestion administrative autant que pédagogique et qu’il refuse tout dialogue et toute solution consensuelle. Monsieur l’Ordonnateur gestionnaire de l’ESBA affirme tirer sa connaissance et sa maîtrise de la gestion administrative de son expérience militaire passée ne semblant ainsi pas faire la différence entre une école supérieure, une clinique psychiatrique et une caserne Il ne s’agit là que de quelques éléments saillants qui témoignent de tout le mal fait à l’ESBA en quelques mois. Mais ces actions témoignent également de ce qui peut arriver à l’avenir et de l’impasse vers laquelle les ambitions personnelles de Monsieur l’Ordonnateur gestionnaire de l’ESBA sont en train de nous conduire. Compte tenu de l’actuelle situation de blocage et dans l’espoir de préserver ce qui reste et de rebâtir ce qui a été défait. Pour le bien de nos étudiants et dans l’optique de sauver ce formidable outil de formation dont nous avons la responsabilité, Nous soussignés, Enseignants de l’École Supérieure des Beaux-arts Ahmed et Rabah Salim Asselah venons par le présent communiqué demander à notre tutelle de :
– Premièrement : Suspendre Monsieur le chargé de la gestion de l’ESBA de ses Fonctions.
– Deuxièmement: Nommer un responsable compétent, aguerri et désintéressé, à même de gérer l’ESBA sur les différents plans.
– Troisièmement: Ouvrir une enquête urgente et approfondie concernant la gestion administrative et financière de l’ESBA afin de prendre les décisions et sanctions idoines.
-Quatrièmement : Annuler l’avis de recrutement publié le 16 janvier 2023 afin qu’il réponde aux besoins pédagogiques réels de nos étudiants.
Enseignants chercheurs
Ecole Supérieure de Beaux-arts
140, Boulevard Krim Belkacem. Alger