Proche-Orient : Sortie « imminente » d’une impasse politique et économique

La Chine réconcilie Téhéran et Riyad, surprenant l’Occident

Les règles du jeu internationales changent et un nouvel ordre mondial se reconfigure à grande vitesse. L’annonce de la reprise officielle des relations diplomatiques, économiques et commerciales entre l’Arabie saoudite et la République islamique d’Iran a stupéfait le monde. Aucun pays n’est resté indifférent à cette décision, largement saluée par les pays arabes, et prudemment, par les pays européens et les Etats-Unis.
Un rapprochement fustigé, par contre, par Israël qui se sent menacé par le rapprochement des deux poids lourds de la région. La Chine a réussi en seulement quelques rounds de négociation, soutenue par l’Irak et la Jordanie qui ont accueilli les pourparlers, à réconcilier les deux éternels rivaux et à mettre fin à une guerre froide qui date depuis des années.
La Chine et ses partenaires saoudiens, iraniens, irakiens et même russes et turcs veulent construire et à investir dans le nouvel ordre économique, devançant ainsi les Etats-Unis.
Le rétablissement des relations diplomatiques entre ces deux pays aura un impact important sur la stabilité et le développement de la région, sous haute tension depuis des décennies. La Chine et la Russie façonnent le nouveau monde et étendent leur influence dans le Moyen-Orient en choisissant une approche politique et diplomatique pour convaincre les pays adversaires à se rapprocher et à renforcer leur unité pour affronter les dangers qui les guettent. Il est attendu dans les prochaines semaines un rapprochement historique entre la Syrie et la Turquie. Selon le média Arabnews.fr, il est prévu dans le cadre de cette démarche entreprise par la Russie, une réunion, longtemps attendue, entre « les vice-ministres des Affaires étrangères de la Russie, de la Turquie, de la Syrie et de l’Iran, la semaine prochaine à Moscou, capitale russe ». Est-ce une pure coïncidence ? Difficile à croire vu l’intérêt de toutes les parties-partenaires dans le projet de reconstruction de la région du Proche-Orient.
Toutefois, cela pourrait signifier l’affaiblissement de l’influence américaine dans cette région et l’échec de la politique étrangère israélienne qui s’attendaient plutôt à une normalisation rapide de ses relations avec l’Arabie saoudite. Le prince héritier saoudien Mohamed Ben Salman (MBS) n’a pas encore tranché sur la question. Israël reste un joker à utiliser le temps venu, cependant, la priorité actuellement est de maintenir et d’élargir sa sphère d’influence dans la région du Proche-Orient, en renforçant la défense du pays et œuvrant à redessiner progressivement la carte géopolitique de cette zone. Rester un allié fiable de la Chine et des Etats-Unis, mais aussi de la Russie.
Cette dernière vise avec la Chine d’élargir le groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). L’Iran a déjà soumis sa demande d’adhésion, tandis que l’Arabie saoudite avait affirmé auparavant statuer sur cette question au mois de juin 2023. Pour contribuer à la fondation d’un monde multipolaire, la Russie, l’Iran et l’Arabie saoudite, aussi membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole élargie (Opep+) ont besoin de renforcer leur alliance en dehors du cartel. Riyad et Téhéran ont déjà, lors de leur réunion du 10 mars, d’activer l’accord de coopération en matière de sécurité signé en 2001 et l’accord sur le commerce, l’économie et l’investissement, conclu en 1998, selon le texte du communiqué conjoint. L’Iran n’est pas le seul pays avec lequel les Saoudiens souhaitaient se réconcilier. Le Royaume wahhabite a repris, pour rappel, « le dialogue avec Baghdad, et tente un rapprochement avec Damas, qui sont donc deux proches alliés de Téhéran ».
En tout cas, le rétablissement des relations diplomatiques avec l’Arabie saoudite permettrait à la République islamique de faire baisser les pressions économiques sur le pays, lourdement affectée par les sanctions américaines depuis des années, aggravées par une inflation officielle de plus de « 46% » et une chute de la valeur de sa monnaie face au dollar. La situation économique s’annonce difficile, et ce malgré la hausse de ses exportations pétrolières à 1,4 b/j. L’Arabie saoudite, dont l’économie est en pleine croissance grâce à une politique fiscale ambitieuse et ses investissements dans des secteurs productifs, pourraient aider et alléger les effets de l’embargo économique sur l’Iran. La réconciliation imminente entre les pays adversaires du Proche-Orient, sous l’égide de la Chine et de la Russie, inquiéterait les Etats-Unis et l’Europe et craignait l’émergence d’une nouvelle alliance économique, politique et surtout nucléaire dans le monde. Des craintes légitimées par les intentions de l’Arabie saoudite de construire 16 centrales nucléaires, alors que l’Iran est sur le point de construire sa bombe atomique. Cette nouvelle alliance viserait aussi à surveiller de près le développement de l’armement nucléaire, et arrêter la guerre au Yémen. Le monde occidental devrait, en effet, se préoccuper de ce revirement « historique » et de sa perte d’influence en Afrique, notamment, de la montée en puissance de la Chine, de la Russie dans ces deux régions.
Cela signifie, la fin d’un chapitre et le début d’une nouvelle ère multipolaire, encore incertaine et instable.
Samira Takharboucht