L’Algérie, un partenaire stratégique de l’Europe, pour la sécurité régionale et énergétique

Visite de travail du Haut Représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité

Le 1er septembre 2005 l’Algérie a signé un Accord d’Association de libre-échange avec l’Europe où il était prévu le démantèlement graduel de deux listes de produits européens à l’importation, dont l’une sera complètement démantelée en 2012 et l’autre en 2017, démantèlement tarifaire reporté ensuite au 1er septembre 2020, négociations en statut quo entre 2021/2022 et actuellement en 2023 toujours en négociation L’Algérie considère nécessaire de réévaluer les volets économique et commercial de l’accord d’association avec l’Union européenne (UE) qui n’a pas réalisé les objectifs attendus en matière d’investissements européens en Algérie. Pour l’Algérie, la démarche d’évaluation réclamée à revoir certaines dispositions de l’Accord, ne vise nullement à remettre en cause l’Accord-cadre, mais, bien au contraire, à l’utiliser pleinement dans le sens d’une interprétation positive de ses dispositions permettant un rééquilibrage des liens de coopération.

C’est dans ce contexte économique mais également sécuritaire, des tensions en Ukraine, d’un processus inflationniste inégalé au niveau mondial, avec de vives tensions sociales, au niveau de la région méditerranéenne et africaine avec des flux migratoires croissants, en direction de l’Europe, que le Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, vice-président de la Commission européenne a effectué les 12/13 mars 2023 une visite de travail en Algérie, qui selon l’APS marque la volonté de l’Algérie et l’UE de rehausser leur coopération dans tous les domaines, l’Algérie ayant adopté une position de neutralité dans les conflits privilégiant le dialogue. Du côté européen, selon nos informations, on évoque des discussions constructives aussi bien dans le domaine de l’énergie que dans l’activité des entreprises et du commerce, avec un potentiel inexploré à développer

1.- Pour l’Europe , malgré des divergences sur l’Accord d’Association, l’Algérie est un acteur stratégique sur le plan de la stabilité régionale
L’Algérie peut être un pont pour l’Europe vers l’Afrique avec plus d’un milliard de consommateurs et un PIB combiné d’environ 3 000 milliards de dollars américains, la nouvelle zone de libre-échange continentale créée étant le deuxième plus vaste marché mondial derrière le Partenariat régional en Asie et dans le Pacifique, mais reste un long parcours, le commerce intra-africain en 2020 représentant environ 15,2% selon la Cnuced.
L’Europe se félicite de l’assouplissement introduit récemment par les autorités algériennes de la règle 51/49 pour cent, au moins pour les secteurs non-stratégiques qu’il s ‘agira de définir avec précision, attendant toujours les décrets d’application de la loi des hydrocarbures et le nouveau code des investissements, mais souhaite la création d’un cadre juridique stable et transparent, propice à l’investissement, ainsi que la réduction des subventions, la modernisation du secteur financier et le développement du potentiel des partenariats public-privé. Tous les accords qu’a signés l’Algérie pour une zone de libre-échange avec l’Europe, le Monde arabe, et l’Afrique ont pour fondement à terme les baisses tarifaires nécessitent des entreprises compétitives innovantes en termes de coût et qualité.
Certes, les inquiétudes étant légitimes car les baisses tarifaires sont un manque à gagner à court terme du fait du dégrèvement tarifaire, mais devant raisonner en termes d’avantages comparatifs dynamiques à moyen terme. Invoquer la situation mono exportatrice de l’Algérie, ne tient pas la route, la majorité des pays de l’Opep étant membres de l’OMC, la Chine et la Russie fondateur du communisme, (97% du commerce mondial et 85% de la population mondiale).
Pour bénéficier des effets positifs tant de l’Accord avec l’Europe que d’autres zones de libres échange, notamment de l’adhésion de l’Algérie aux Brics que d’une éventuelle adhésion à l’OMC, sinon les effets pervers l’emporteront, de profondes réformes structurelles s’imposent, avec la résistance des rentiers du fait de déplacements des segments de pouvoir, les gagnants de demain n’étant pas ceux d’aujourd’hui. C’est que l’Europe reste un partenaire clef pour l’Algérie comme en témoigne la structure du commerce extérieur de l’Algérie: environ 48.% des importations et 57% des exportations pour 2020/2021. Pour l’Europe, il n’est nullement question de remettre en cause l’Accord cadre mais des recommandations qui permettraient de relancer la coopération entre l’Algérie et l’UE dans le but de mettre les relations économiques au centre de cette coopération, de donner à cet accord toute son importance et d’utiliser tout son énorme potentiel dans ses trois composantes: politique, économique et humaine. Les négociations entre l’Algérie et l’Europe concernant l’Accord d’association ont connu des divergences qui se sont accentuées suite aux décisions du gouvernement courant 2009 de postuler 51 pour cent aux Algériens dans tout projet d’investissement. Pour l’Europe la part de l’UE dans les importations de l’Algérie a régressé au bénéfice de la Chine malgré un important déficit commercial au dépend de l’Algérie où la Chine s’impose comme un des principaux fournisseurs avec une moyenne annuelle de 8 milliards de dollars d’exportations vers l’Algérie, les exportations de la Chine à destination de l’Algérie ayant totalisé 76,06 milliards de dollars, alors que ses importations se sont chiffrées à seulement 14,793 milliards de dollars, donc un déficit commercial de l’Algérie avec la Chine à plus de 61 milliards de dollars entre 2010/2020.
Pour l’Europe toute analyse objective, doit inclure les importations européennes de pétrole et de gaz qui donnerait alors un déficit commercial de l’Europe par rapport à l’Algérie. L’Algérie est mono exportatrice d’ hydrocarbures et ses dérivées, plus de 95*97% de ses recettes en devises, principal source d’exportation, devant diversifier son économie afin de profiter de l’Accord d’Association reprenant certaines données brutes, une dépêche de l’APS datant du 01 novembre 2021, avançait le chiffre de 700 milliards de dinars de pertes de recettes douanières entre 2005 et 2015. Dans ce contexte, pour l’Algérie, c’est l’Europe qui n’a pas rempli ses engagements s’étant engagée à favoriser une économie diversifiée et qu’ elle a toujours plaidé pour un partenariat gagnant -gagnant, ne voulant pas être considérée comme un simple marché, que les discussions engagées par les deux parties sur ce dossier permettront d’arriver à des solutions pragmatiques et acceptables qui prennent en ligne de compte les intérêts légitimes de chaque partie. Aux préoccupations soulevées par l’UE concernant ses parts de marché en Algérie suite aux mesures de rationalisation des importations prises par le gouvernement algérien dans un contexte bien particulier, cela n’est pas propre à l’Algérie comme en, témoigne les mesures restrictives de bon nombre de pays tant pour l’Europe et que les tensions commerciales USA/Chine Sur le plan sécuritaire, l’Europe comme d’ailleurs les grandes puissances, considère que l’Algérie est un acteur stratégique de stabilisation de la région méditerranéenne et africaine. Aussi, malgré ces divergences conjoncturelles, il s’agit comme je l’ai souligné il y a quelques années lors d’une conférence, à l’invitation du Parlement européen à Bruxelles et récemment en 2021 à l’invitation de l’ambassade de l’Union européenne en présence des responsables des ambassades accrédités à Alger, de dépassionner les relations. Sur le plan géostratégique, plusieurs rapports entre 2018/2022 du département d’Etat US et de l’Union européenne saluent les efforts de l’Algérie en matière de sécurité et de défense où les tensions au niveau de la région influent, par ricochet, sur l’Europe. L’effort continu, de modernisation des équipements, ainsi que les nombreux effectifs de sécurité dont l’Algérie dispose, ont permis au pays de contrer de façon efficace les menaces terroristes. Face aux tensions actuelles en Ukraine, l’Algérie a adopté une position de neutralité entretenant des relations diplomatiques cordiales tant avec les USA, l’Union européenne qu’avec la Russie et la Chine, expliquant d’ailleurs sa position à l’ONU, appelant au dialogue, au respect du droit international, la même position d’ailleurs que bon nombre de pays africains, de la Chine et de l’Inde. C’est dans ce cadre, que l’Europe, comme l’Algérie vis-à-vis du Sahara occidental a réaffirmé sa position du respect du Droit international et des résolutions des Nations unies.

2. L’Algérie acteur stratégique pour l’Europe sur le plan énergétique : les huit conditions pour doubler les exportations de gaz en direction de l’Europe 2025/2027
La première destination du gaz algérien reste le marché européen, où en 2021, les exportations par canalisation ont atteint 38 ,9 Gm3 dont 34, 1 en direction de l’Europe soit près de 88%, essentiellement vers l’Italie (35%), l’Espagne (31%), la Turquie (8,4%) et la France (7,8%).
Pr des universités
Expert international docteur d’Etat
Abderrahmane Mebtoul
(A suivre)