Crise bancaire : L’argent des Algériens dans les banques est-il en sécurité ?

Face au risque de faillite, la BA doit concilier résilience et transformation

Si la faillite des trois banques américaines (la Silicon Valley Bank (SVB), Signature Bank et Silvergate Bank) n’a pas d’impact négatif sur le système bancaire algérien en raison de leur absence sur le marché national et l’absence de transactions financières avec elles, cela ne signifie pas que l’économie nationale ne subirait pas les répercussions de cette fissure financière et de celle des politiques monétaires restrictives adoptées aux Etats-Unis et en Europe. Cette situation a, toutefois, ébranler la confiance des investisseurs et des déposants qui tentent de récupérer leur argent, ce qui n’est, certes, pas le cas en Algérie, mais les épargnants s’interrogent tout de même sur la sécurité de leur argent dans les banques nationales et étrangères et sur les garanties apportées aux déposants.
Un petit rappel de circonstances, quelques années avant la faillite de la plus grande banque américaine la Lehman Brothers (créée en 1850), le système bancaire algérien est ébranlé par la faillite et la liquidation entre 2003-2005, de l’ensemble des banques privées algériennes (Khalifa Bank, BCIA, Union Bank et AIB). De nombreux épargnants ont perdu d’importantes sommes d’argent. Le chapitre des banques privées algériennes a été fermé. Depuis 2003, toutes les banques privées algériennes sont étrangères (capital étranger).
L’absence de banques privées algériennes (100% du droit algérien) est considérée comme «une anomalie».
Le système bancaire algérien qui compte, aujourd’hui, vingt (20) banques universelles, dont six (6) banques publiques, et quatorze (14) banques privées à capitaux étrangers, filiales ou succursales de grandes banques internationales, et de sept (7) établissements financiers (dont 3 sociétés de leasing) tente de se régénérer et de s’adapter aux normes internationale. La Banque d’Algérie (BA) mène depuis trois ans sa révolution numérique, mais aussi réglementaire.
La révision de la Loi sur la monnaie et le crédit traduit la volonté de la banque centrale de corriger les erreurs du passé, assurer la stabilité financière du marché, lutter contre l’inflation à travers le soutien «financier si nécessaire» des banques solvables. Les banques qui souffrent de problèmes de trésorerie, de manque de liquidité risquent en effet la banqueroute, d’où la nécessité de faciliter l’accès à l’information sur le crédit.
La nouvelle loi sur la monnaie et le crédit vise, selon l’article 109, «renforcer l’accès à l’information sur le crédit par l’adhésion des autres instances de crédit, non soumises à la supervision de la Banque d’Algérie, à la Centrale des risques».
La disponibilité de fonds ou de liquidité est essentielle pour toute institution financière. Le pays a déjà été secoué par de multiples épisodes de manque de liquidité, nécessitant l’intervention de la BA qui a dû durcir sa politique monétaire et refinancer les banques qui manquaient de liquidité.
En 2021, la Banque centrale a dû revoir à la baisse le plafond des taux d’intérêts des crédits et a décidé de mettre en œuvre un Programme spécial de refinancement (règlement n° 02-2021 du 10 juin 2021), qui a pris fin en juin 2022, d’un montant de 2.100 milliards de dinars pour lutter contre la crise de liquidité.
Ces mesures ont contribué, depuis, à la stabilisation du marché financier et au renforcement de l’octroi des crédits bancaires. Selon la dernière note de conjoncture de la BA, publiée la semaine passée, la liquidité globale des banques atteint au troisième trimestre 2022 «1.809,1 milliard de dinars, contre 1.331,9 milliard de dinars à fin décembre 2021».
La disponibilité des fonds a encouragé, également, la hausse des octrois de crédits bancaires en faveur de l’économie nationale (+ 4,17% durant cette même période). La BA a enregistré d’importants progrès, mais beaucoup reste à faire. Malgré la hausse des recettes de l’Etat et des réserves de changes, les déficits budgétaires et publics restent à des niveaux assez «importants». L’Algérie doit renforcer son système bancaire, encore vulnérable afin de faire face aux menaces extérieures et intérieures. La nouvelle loi sur la monnaie et le crédit est revue dans cet objectif, mais la BA doit accélérer sa transition numérique et la modernisation de son réseau. Aucune banque n’est à l’abri de risque de faillite ou de cyberattaque.
Le monde aujourd’hui vit la deuxième crise bancaire de son histoire.
L’origine des tensions viennent encore des Etats-Unis, la première puissance économique mondiale. La crise a même pris des tournures politiques. Comme c’est aussi le cas de la banque Crédit Suisse. C’est l’Etat qui intervient pour sauver son système bancaire de l’effondrement et l’économie de la récession.
Les autorités algériennes n’ont pas procédé de la même façon durant les années 2003-2005, bien au contraire, elles ont anticipé la fermeture du secteur bancaire aux Algériens.
Aucune banque privée algérienne n’a été créée depuis, alors que la première banque 100% algérienne a été créée en 1995, Union Bank, puis la Khalifa Bank et la BCIA, en 1998.
Le Président Tebboune tente de redresser le secteur bancaire à travers «la densification et la modernisation du réseau à travers la numérisation et la digitalisation des systèmes de paiement et de la monnaie nationale». L’objectif est de garantir une meilleure gestion du système bancaire, plus de transparence et un accès à l’information sur les crédits pour anticiper tout risque de liquidité et de faillite. Samira Takharboucht