Le défi sera-t-il relevé ?

Réalisation du projet Gara Djebilet

Le récent déplacement des équipes techniques de l’Anesrif dans la wilaya de Tindouf pour choisir le tracé de la voie ferrée permettant le transfert du minerai de fer Gara
Djebilet annonce une accélération du projet.

Selon le communiqué de l’Agence nationale d’études et de suivi de la réalisation des investissements ferroviaire (Anesrif) «d’importants moyens humains et logistiques sont mis à la disposition de ces équipes composées de cadres techniques chargés de la concrétisation, dans des délais satisfaisants, de l’opération de reconnaissance du terrain destiné à réaliser le tracé de cette future voie ferroviaire dédiée au transport du minerai de fer».
Le déplacement de ces équipes s’est fait presque un mois après les dernières déclarations du président de la République concernant le projet de Gara Djebilet. Lors de sa rencontre périodique avec les médias, Abdelmadjid Tebboune n’a pas caché son mécontentement face aux lenteurs qui caractérisent la réalisation d’importants projets économiques.
Il dira dans ce sens que la réalisation des études de la ligne de chemin de fer reliant Béchar à Tindouf, destinée à transporter le minerais de fer de Gara Djebilet, pourrait prendre jusqu’à vingt ans. Un délai considéré comme inacceptable par le président de la République. Les craintes de Abdelmadjid Tebboune sont largement justifiées si on prend en considération la réalité du terrain.
Le 26 décembre 2022, des membres du Gouvernement ont inaugurés le tronçon de la ligne de chemin de fer reliant la ville de Tissemsilt à Boughezoul, d’une longueur de 139 kms. Les travaux de réalisation de cette ligne ont débutés en 2012. En raison de la résiliation des contrats de réalisation de cette ligne avec des entreprises étrangères, pour ensuite accorder le marché à une entreprise privée algérienne et après plusieurs arrêts des travaux et réévaluations financières, ce tronçon n’a vu le jour que dix ans plus tard.
Pour être plus précis, la cadence de réalisation du tronçon a été de 13,9 kms par an, soit seulement 38 mètres de rails posés chaque jour. Avec une telle cadence quotidienne de pose des rails la réalisation de la ligne de chemin de fer Béchar-Tindouf, d’une longueur de 850 kms, serait achevée en… 2044.
On ne peut que comprendre la colère du président de la République. En 2023, pas moins de 2.000 kms de chemin de fer sont en réalisation à travers le pays. Et les retards sur certains tronçons dépassent la décennie. En 2022 et avec un réseau de chemin de fer dépassant les 4.200 kms, l’Algérie se classe à la troisième position en Afrique, après l’Afrique du Sud et l’Egypte.
L’Algérie passera à la seconde position dans le cas où ces 2.000 kms de nouveaux chemins de fer seraient achevés dans des délais raisonnables.
Revenant maintenant au projet de Gara Djebilet. Ces dernières années, l’industrie sidérurgique s’est nettement développée dans notre pays. En 2025, et avec l’entrée en production de nouvelles unités, l’Algérie disposera d’une capacité de production d’acier dépassant les 8 millions de tonnes. Une quantité qui nécessiterait pas moins de 14 millions de tonnes de minerais de fer, dont une part importante est aujourd’hui importée.
Au prix actuel du minerai de fer sur les marchés mondiaux, l’Algérie devrait dépenser près de 1,5 milliard de dollars pour couvrir les besoins des usines sidérurgiques.
Pour répondre à cette forte demande en minerai de fer, le président de la République a fait de l’exploitation de la mine de fer géante de Gara Djebilet une priorité. A la fin du mois de juillet 2022 le ministre de l’Energie et des Mines lance la production de la mine de Gara Djebilet, dans la wilaya de Tindouf, qui renferme des réserves dépassant les 3,5 milliards de tonnes. Quelques jours avant le déplacement de l’équipe de l’Anesrif à Tindouf, le Directeur général adjoint de la société du fer et de l’acier, FERRAL, revient à la charge sur les ondes de la Radio nationale en déclarant que deux millions de tonnes de minerais de fer seront traités d’ici 2025 grâce à deux partenariats qui seront conclut avec deux partenaires étrangers.
Transporter sur une longue distance, par route, deux millions de tonnes de minerais de fer traités et enrichis ne pourrait être rentable que dans le cas où les prix sur les marchés mondiaux restent élevés. Mais au-delà de ces quantités, le transport par chemin de fer devient incontournable.

L’Algérie peut-elle réaliser
1.000 kms de chemin
de fer d’ici à 2026 ?
L’exemple le plus proche de nous concernant ce genre de projets nous vient d’Afrique, plus précisément de l’Ethiopie. En 2018, la nouvelle ligne de chemin de fer reliant Adis Abeba à Djibouti, d’une longueur de 732 kms, a été inaugurée.
Cette ligne a été réalisée en quatre ans par une compagnie chinoise. Elle connaîtra tout de même des retards et des réévaluations de son coût. Au départ, le projet devait couter 600 millions de dollars.
En 2018, année de son inauguration, son coût passera à 3,6 milliards de dollars. L’Ethiopie n’avait pas d’autres choix que de s’endetter pour réaliser ce projet stratégique.
Concernant l’Algérie, la problématique du financement est tranchée ; il n’est pas question de s’endetter à l’extérieur pour réaliser les projets d’infrastructures. Et il est clair que réaliser une voie ferroviaire longue de 1.000 kms coûterait cher à l’Etat. Par ailleurs et tout au long des vingt dernières années, plusieurs grands projets d’infrastructures, dont des chemins de fer, ont été confiés à des entreprises étrangères. Malgré ce choix, nombreux ont été les projets qui ont cumulés de grands retards et des réévaluations financières interminables.
Recourir encore une fois aux entreprises étrangères pour réaliser le projet ferroviaire Béchar-Tindouf ne serait pas judicieux si on tient compte des expériences passées.
Confier ce projet à des entreprises algériennes resterait la seule option pour le Gouvernement.
Actuellement, le groupe public Cosider et plusieurs autres entreprises algériennes réalisent près de 700 kms de voies ferrés à travers le pays. Le tracé de cette future voie ferrée est constitué d’une ligne minière reliant la ville de Tindouf à la mine de Gara Djebilet sur une distance de 170 kms. Et la ligne Tindouf vers Béchar longue de 800 kms. L’accélération des travaux de réalisation passe inévitablement par le lancement de plusieurs chantiers en même temps. Chose qui exige d’importants moyens humains et matériels et une logistique renforcée tout en limitant le recours aux entreprises étrangères. Incontestablement, la réalisation du projet de la voie ferré Béchar-Tindouf constitue un défi majeur que doivent relever les entreprises algériennes.
M. Chermat