L’Espace public source de préoccupation pour la classe dominante française

France

En France, le mouvement de protestation contre la réforme des retraites, désormais ponctué, à la suite de son imposition dictatoriale par le recours au despotique 49.3, d’occupations quotidiennes de plusieurs places urbaines, notamment la place de la Concorde à Paris, confirme combien l’Espace public constitue une source de préoccupation majeure pour la classe dominante. Pour le gouvernement Macron.

Néanmoins, un Espace urbain où la stratification sociale imprime son empreinte géographique. Donc, dans lequel chaque quartier abrite une classe sociale spécifique. Dans lequel seuls les univers de travail et les surfaces de consommation sont partagés en commun par cette frange de la population à la solvabilité ostentatoirement exhibée pour se distinguer. Dans lequel les agglomérations publiques sont astreintes à la réglementation, soumises à l’interdiction de toute manifestation sans autorisation préalable. Un Espace public que seules les forces de l’ordre sont autorisées à occuper sans limitation, à coloniser de manière visible et violente, au besoin, pour dissuader toute réunion, attroupement, occupation. Ironie de l’histoire, le monde capitaliste occidental s’est bâti sur l’uniformisation des modes de vie artificiellement policés, et ne survit que grâce à l’uniforme, autrement dit sa police. Dans le monde occidental contemporain sénile, déchiré par de permanents conflits sociaux, caractérisé par la délégitimation des institutions et l’érosion du consensus social, la police est devenue l’ultime et unique rempart de la bourgeoisie, en particulier en France. Quand une classe dominante fonde son pouvoir sur la seule force de la répression, c’est symptomatique de sa faiblesse, annonciatrice de sa disparition imminente.
Sans aucun doute, un relent de fin de régime s’exhale de la France bourgeoise en pleine putréfaction institutionnelle et gouvernance instinctuelle. Le règne de la force prévaut dans ce pays gouverné par des mercenaires du capital atlantiste, déterminés à tailler en pièces les régimes sociaux, à ruiner l’économie nationale, à clochardiser la majorité de la population laborieuse. Y compris par la violence. La terreur policière.
D’aucuns, notamment Arié Alimi, avocat, membre du bureau national de la Ligue des droits de l’Homme, et Xavier Mathieu, ex-délégué syndical CGT de Continental devenu acteur, n’hésitent pas à parler de terrorisme d’État pour qualifier la maintenance dans les manifestations en France.
« Il y a une espèce de radicalisation de la maintenance politique dans les manifestations depuis des années, depuis les gilets jaunes. L’État, depuis quelques années, se comporte comme un terroriste dans les manifestations, en fait. La façon de faire taire les manifestations, de faire en sorte qu’il y ait le moins de monde possible, c’est de taper sur les gens pour qu’ils aient peur de ne plus revenir. Ils radicalisent, ils tapent très fort, ils terrorisent en fait, ils terrorisent les manifestants, parce que là ce qui s’est passé samedi (18 mars 2023) justement, ce que je vous explique sur la radicalisation, ça marche trop bien. Il faut faire peur aux gens, la meilleure façon pour qu’il y ait le moins de monde, c’est de faire peur aux gens.
Et moi, je vais vous dire, sincèrement, je le dis, il y a des gens qui ont peur, il y a le black-bloc, il y a des gens qui disent «ouais, le black-bloc, c’est violent», mais les trois-quarts des gens à qui je parle et je dis «pourquoi tu ne viens plus aux manifestations ?», ils m’ont dit «c’est trop violent», mais les trois quarts ne me disent pas «c’est violent les black-blocs», ils parlent de violence policière : les gaz, les lacrymogènes, les grenades de désencerclement, les flashballs… Ils ont peur de la police, parce que le black-bloc ne s’attaque pas à eux, ils ont peur des réactions de la police », a déclaré Xavier Mathieu dans sa récente vidéo publiée par Médiapart.
Sur ce registre des violences policières, défrayant fréquemment la chronique, la France a été condamnée par plusieurs instances, notamment l’ONU. Qui plus est, les violences policières en France ont fait l’objet de plusieurs travaux de recherche. Notamment par le chercheur Sebastian Roché. Ce chercheur a souligné le mois dernier qu’en France (officielle) « un certain degré de brutalité est accepté au prétexte du maintien de l’ordre ». Il a ajouté : « On dénombre quand même des dizaines de mutilés et blessés graves ces dernières années. Avec également cette peur d’aller manifester en famille qui s’exprime ». Selon ce chercheur, l’État français dépêche des escadrons de CRS pour épouvanter et terrifier les manifestants afin de les dissuader de revenir manifester. « Ces unités sont clairement constituées pour faire peur, pour sidérer les gens. C’est leur but.
Pendant les gilets jaunes, les DAR (détachements d’action rapide), les blindés à roues de la Gendarmerie nationale, les hélicoptères, les drones, sont destinés à montrer la supériorité matérielle de la police », a-t-il précisé. « Au delà de l’usage de la technique, c’est un fait dont la portée n’a pas été bien vue par les commentateurs.
La technique de la nasse, très employée lors du mouvement des Gilets jaunes, tout comme les arrestations préventives ont aussi fait leur retour. Tout cela relève de décisions politiques. La question de l’institutionnalisation de ce maintien de l’ordre, de cette routinisation qui porte atteintes aux droits politiques, se pose aujourd’hui », a souligné Sébastien Roché.
Pour autant, la violence et la répression ne constituent pas l’unique instrument de domination et de gouvernance. En effet, l’idéologie « citoyenne », (républicaine et laïque), abondamment distillée par les relais de conditionnement officiels, pourvoit aisément au maintien de l’ordre par l’intériorisation des règles dominantes, l’imprégnation psychologique de la servitude volontaire. Dans le capitalisme occidental totalitaire, les individus, selon le concept de la fausse conscience réifiée popularisé par le philosophe George Lukacs, intériorisent les normes sociales et semblent asservies, dépossédés de leur existence par une forme d’aliénation participative et une participation sociale aliénante.
(A Suivre…)
Khider Mesloub