Assassiné uniquement parce qu’il était journaliste !

Les Constantinois et les Algériens des quatre coins du pays se souviennent toujours du lâche assassinat de feu Makhlouf Boukhzar qui fut enlevé de son domicile par un groupe armé, un certain 3 avril 1995.C’était le 44e journaliste assassiné sur une liste de 103 de la corporation à l’époque où les assassins du l’AIS, GIA, GSPC, bras armé du Front islamique du salut, (FIS) semaient la terreur dans le pays. Ce parti qui a été autorisé à exercer en contradiction avec la constitution, notamment l’article 42, s’est transformé en une organisation terroriste après l’arrêt du processus électoral à la demande d’une grande partie du peuple. Les Algériens ne voulaient plus de ce parti dont les militants ont commencé à faire régner la terreur avant même qu’ils ne prennent le pouvoir. Pour rappel, les islamistes du Front islamique du salut ont créé une milice surnommée police islamique « Chorta islamiya » pour s’attaquer aux femmes non voilées. Cette milice composée essentiellement de barbus avait également une mission, à savoir la fermeture des lieux de commerce qui selon eux sont non conforme à la Charia. Plusieurs magasins de produits cosmétiques ou qui vendaient des « habits intérieurs » pour femmes et même des salons de coiffure femmes ont été fermés par la force. Dans la foulée, ces milices qui activaient en compagnie de centaines de militants du Front islamique du salut ont empêché la tenue des soirées théâtrales et la projection des films dans les salles de cinéma. Les dirigeants des salles de cinéma ont été contraints par la force d’annuler leurs activités et de baiser les rideaux. Craignant le pire après la prise du pouvoir par les fanatiques du Front islamique du salut, des milliers de citoyens algériens sont (malgré la violence et les menaces) descendus dans les rues, appelant à mettre fin à cette anarchie. La démission du président de la République a permis l’annulation du second tour des élections législatives au grand soulagement de la plus grande partie de la population, y compris certains qui avaient voté pour ce parti. Deux membres fondateurs du Front islamique du salut ont également décidé de claquer la porte. Ne s’arrêtant pas là, les deux membres fondateurs ont annoncé leurs démissions à travers les écrans de la télévision. « Les hautes autorités doivent agir pour sauver le pays », ont-ils fait savoir. Ce n’était pas le cas des militants du Front islamique du salut qui criaient à la triche, appelant les autorités du pays à respecter le résultat des urnes. Les chefs historiques de ce parti, à savoir Abbas Madani et Ali Ben Hadj n’ont pas manqué d’appeler le peuple à l’insurrection et de pendre le pouvoir par la force. Le n° 2 du Front islamique du salut a enfilé une tenue de combat militaire et s’est rendu au siège de la télévision demandant de faire une allocution télévisée au peuple en sa qualité de vainqueur de ces élections. Il fut arrêté quelques minutes plus tard à la salle d’attente de l’ENTV. Le président du Front islamique du salut a, quant à lui, été interpellé au siège du parti. C’est à ce moment-là que les militants du Front islamique du salut ont mis en exécution le plan «B» de leurs chefs, si toutefois ils ne seraient pas au pouvoir. Des milliers de militants ont quitté les villes pour s’installer dans les montagnes des 48 wilayas. Les assassinats individuels et collectifs ont commencé ciblant les forces de sécurité, les hauts responsables du pays et les intellectuels. Le premier journaliste qui a été ciblé fut le martyr Tahar Djaout le 26 Mai 1993. Quarante-trois journalistes ont été soit égorgé ou abattu par balles avant que feu Makhlouf Boukhezar ne sera à son tour assassiné dans des circonstances dramatiques. Ce jour-là, 3 avril 1995, quatre hommes armés dont trois encagoulés se sont présenté au domicile de M. Makhlouf Boukhezar, situé à la cité « Daksi» dans la ville de Constantine. Notre confrère qui était dans la salle de bain a bien voulu résister mais les assassins l’ont menacé de l’exécuter devant les siens. Afin de ne pas terroriser sa femme et ses enfants, il a courageusement accepté de partir avec les égorgeurs. Les criminels l’ont mis dans sa voiture et quittèrent le quartier en trombe. Alertés, les forces de police se sont lancées à la recherche des ravisseurs. Malgré les renforts déployés par les forces de sécurité, la trace du véhicule de feu Boukhezar était introuvable. Le lendemain, la voiture a été retrouvée près de son domicile au niveau de la cité Bentchikou sur les hauteurs de Constantine. Au niveau du coffre du véhicule, le corps de Makhlouf Boukhezar a été retrouvé sans vie la gorge tranchée et le corps mutilé. Des témoins qui avaient assistés à l’enlèvement de Makhlouf Boukhezar ont reconnu le groupe armé, surtout le quatrième homme qui avait le visage découvert. Selon les mêmes témoins, qui se sont exprimés sous l’anonymat, ont indiqué qu’ils étaient tous membres de l’ex-Fis, bureau de Constantine. « Aucune enquête n’a été ouverte pour identifier les assassins de Makhlouf Boukhezar afin qu’ils soient jugés et punis », ont déclaré des proches du journaliste. C’est le même cas pour la centaine de journalistes dont la vie leur a été ôté par les criminels et qui jusqu’à aujourd’hui aucun de ses assassins n’a été arrêté pour y être jugé.
Le malheur est que plusieurs de ses assassins vivent comme des nababs et continuent toujours d’exercer du chantage sur l’Etat et menacent la sérénité et la sécurité du pays. En somme, Makhlouf Boukhezar le sage, l’intellectuel et qui n’a fait de mal à personne ne méritait pas un tel sort. Il a été assassiné par des individus armés aveuglaient par haine et par l’obscurantisme. Cet ignoble assassinat n’était pas le dernier du moment que les hordes sauvages ont tué 59 autres portant la liste à 103 journalistes assassinés. La liste des Algériens massacrés par les hordes sauvages avoisine les deux cent mille sans compter les disparus et les viols collectifs et individuels commis au nom de l’islam.
Moncef Redha