Sid Ali Kouiret, monstre sacré du cinéma algérien

Avec son sourire défiant l’adversité, ses personnages marginaux mais attachants et une présence et une élégance singulières sur les planches comme à l’écran, Sid Ali Kouiret aura marqué l’âge d’or du 7e Art algérien et la mémoire collective par un parcours admirable et prolifique né dans le combat libérateur par la culture.Avec le personnage de Ali, dans «L’opium et le bâton» d’Ahmed Rachedi, celui de Si Ahmed dans «Décembre» de Mohamed Lakhdar-Hamina, ou avec son duo légendaire avec Rouiched dans «Hassan Terro», «Hassan Taxi» de Mohamed Slim Ryad, «Hassan Niya» de Ghaouti Ben Deddouche qui va lui donner le rôle principal dans «Echebka», Sid Ali Kouiret va très vite conquérir le cœur des Algériens.
Cette belle carrière a commencé par une rencontre fortuite dans un café entre ce jeune homme de 17 ans, sortant à peine d’une enfance difficile et vivant de petits métiers au port d’Alger, et le metteur en scène et comédien Mustapha Kateb, qui va l’intégrer dans sa troupe de théâtre amateur.
Sa passion pour le théâtre et les voyages vont le mener en Allemagne, en France ou encore en Roumanie pour des festivals, puis à signer en 1954 avec la troupe municipale d’Alger dirigée par celui qui a été à l’origine de nombreuses carrières admirables, Mahieddine Bachtarzi, avant que la surveillance des services de sécurité coloniaux ne le pousse à sillonner les «Cafés FLN» en France avec Mohamed Boudia, Hadj Omar ou encore Noureddine Bouhired.
Tout naturellement, Sid Ali Kouiret se retrouve en 1958 dans l’effort de sensibilisation de l’opinion internationale à la cause de l’indépendance de l’Algérie, avec la troupe artistique du Front de libération nationale (FLN).
Au recouvrement de l’indépendance, le Théâtre national algérien, fraichement nationalisé, le compte parmi ses comédiens et il campe un rôle dans l’adaptation à la télévision de la pièce «Les enfants de la Casbah» de Abdelhalim Raïs, point de départ d’une carrière dans le cinéma qui va commencer avec le réalisateur Mohamed Lakhdar-Hamina et Rouiched dans «Hassan Terro» en 1968.
Mohamed Lakhdar-Hamina va lui faire encore appel dans «Décembre» (1971) et dans le seule palme d’or du cinéma algérien «Chroniques des années de braise», et l’acteur va encore marquer les esprits avec le personnage de Ali, le moudjahid exécuté devant sa famille et tout son village, dans «L’opium et le bâton».
Après les années 1980, et «Hassan Taxi» et «Hassan Niya», Sid Ali Kouiret va prendre sa retraite du TNA et accompagner encore Rouiched sur les planches pour «Les concierges», et camper des rôles avec de jeunes réalisateurs comme Kamel Dahane dans «Les suspects» et Okacha Touita pour «Morituri», adapté du roman de Yasmina Khadra.
Avant sa disparition, il a joué dans «Llob and Co», une autre adaptation de œuvre de Yasmina Khadra, réalisée par Bachir Derrais, et va intervenir comme producteur du film «Mista» de Kamel Laiche.
«L’une des dernières grandes vedettes du cinéma algérien», «humanisme exceptionnel», «tempérament joyeux», «charisme et talent inégalables», ou encore «l’enfant terrible du cinéma algérien» : c’est ainsi que cinéastes, artistes et compagnons de route avaient qualifié Sid Ali Kouiret, disparu un 5 avril 2015, après une longue carrière de plus de 60 ans, jalonnée de nombreux succès.
R.C.