Après les armes blanches, les malfrats recourent aux armes à feu

L’assassinat à Batna et le braquage à Bouira sont symptomatiques

On assiste désormais à une nouvelle génération de criminalité qui se pointe à l’horizon et qui se profile et se précise dans le temps et à travers les faits. Le récent assassinat par balles d’un entrepreneur à Batna et avant cette affaire criminelle, l’attaque par arme à feu d’un bureau de poste à Bouira, ont été commis par des criminels n’éprouvant aucune peur, bien au contraire, ils étaient déterminés à accomplir leurs forfaits, ce qui confirme que le recours, la possession et l’utilisation des armes à feu est devenue un nouveau mode opératoire pour les malfaiteurs.

Il y a de quoi s’inquiéter après les deux attaques armées commis il y a cinq jours par des criminels, dans les deux wilayas du pays, Bouira et Batna, visant respectivement un bureau de poste et un entrepreneur, où les auteurs avaient recourus aux armes à feu pour parvenir à leurs plans sataniques.
Dans la wilaya de Batna, un homme d’affaires, propriétaire de deux hôtels «Essalam» dans les wilayas de Skikda et d’Alger, a été tué par balles et devant son épouse par un inconnu qui portait un voile, le crime a été commis il y a cinq jours. La victime, le dénommé Abderrezak B., un entrepreneur très connu, a été tué par balles le 18 avril dernier, soit mardi soir, devant son domicile et à l’intérieur de sa voiture, sur la route de Tazoult dans la wilaya de Batna. S’agit-il d’une affaire de règlement de compte ? Selon les premiers éléments de l’enquête, le crime a été perpétré peu avant minuit par des inconnus à bord d’une voiture, ces derniers avaient traqué l’entrepreneur et l’avaient suivi jusqu’à son domicile avant d’ouvrir le feu sur lui devant sa femme.
Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux démontrant parfaitement la manière par laquelle l’entrepreneur a été tué, lorsqu’un inconnu portant une tenue de femme, un Jilbab, s’est rapproché de la victime avant de tirer trois balles. Des images choquantes, insupportables pour de nombreux citoyens, dont la plupart voyait pour la première fois de leur vie ce genre de crime très violent. En attendant les aboutissements de l’enquête, notamment le témoignage de l’épouse de la victime pour dresser des portraits-robots et recueillir toute information susceptible sur ce meurtre, les enquêteurs de la Police de la Sûreté de wilaya de Batna sont à pied d’œuvre pour retrouver les tueurs présumés. Le recours aux armes à feu est de plus en plus utilisé par les malfrats. La preuve, le 8 avril dernier, un autre crime a été perpétré par armes à feu, il s’agit d’une attaque commise par un groupe de malfaiteurs armés contre un bureau de poste d’Aghbalou, dans la wilaya de Bouira. Un braquage perpétré par huit malfrats masqués et portant des armes à feu, avaient réussi de voler un milliard et 200 millions de centimes avant de prendre la fuite. Tous arrêtés lors d’une opération spéciale réalisée il y a quelques jours seulement par les gendarmes de la Section de sécurité et d’intervention (SSI), visant un appartement «refuge» situé dans la même wilaya, où les auteurs de l’attaque du bureau de poste d’Aghbalou étaient tous entassés. L’annonce de l’arrestation des huit malfrats a été faite par le Parquet de Bouira qui, dans un communiqué datant du 18 avril dernier, avait indiqué que l’«enquête menée par la Gendarmerie nationale concernant l’attaque à main armée au bureau de poste à Aghbalou, daïra de Mchadalah, s’est soldée par l’arrestation de huit personnes, tous placées en détention provisoire et la récupération de l’argent volé ainsi que les armes à feu utilisées pour commettre le crime», avait rapporté le parquet de Bouira.

Les Gendarmes sur les traces des armes blanches et artisanales
Durant l’année 2022, la lutte contre la criminalité a battu tous les records, c‘est le cas contre les milieux de la délinquance urbaine, où les différentes brigades de la Gendarmerie nationale, à l’instar de la Section de sécurité et d’intervention (SSI), ont réalisé de grands résultats en venant à bout de plus d’une centaine de bandes de quartiers à travers 8.059 opérations de descentes, en arrêtant 581 gangsters qui faisaient la loi dans les quartiers populaires et les nouvelles cités vertes.
Concernant les affaires liées aux atteintes des personnes, les mêmes services de la Gendarmerie nationale avaient procédé, durant l’année 2022, à l’arrestation de plus de 8.000 individus, parmi eux, figurent 2.461 fugitifs, qui faisaient l’objet d’un ou de plusieurs mandats d’arrêts délivrés à leur encontre par les différents tribunaux du pays, tout en saisissant une trentaine de véhicules utilisés par les bandes de quartiers dans le cadre de leurs activités criminelles, 177 armes blanches, 10 fusils de chasse, 38 bouteilles de lacrymogène, et des sommes d’argent provenant de leurs activités criminelles. Les affaires liées aux atteintes des personnes ont rebondit de près de 10% au cours de l’année 2022 par rapport à l’année 2021, où la Gendarmerie nationale avait comptabilisé 55.224 actes criminels ayant conduits à l’identification puis l’arrestation de 56.132 individus, entre auteurs et complices.
Selon le bilan présenté par la Gendarmerie nationale, plus de 55% des affaires liées aux atteintes des personnes concernaient des agressions physiques et menaces de mort, soit 30.231 personnes ont été victimes soit d’une agression corporelle ou d’une atteinte morale, ce qui confirme, quelque part, que le phénomène des agressions physiques a pris une ampleur durant l’année précédente.

La fabrication des armes artisanales s’étend
Dans de nombreuses wilayas du pays, surtout à l’Est et au Centre, la fabrication artisanale d’armes à feu existe depuis longtemps, voire depuis des dizaines d’années. Chaque année, la Gendarmerie tout comme la Sûreté nationale, dévoilent, chacune; par le biais de ses services de communication, leur bilan des activités opérationnelles concernant la lutte contre le trafic, fabrication et vente des armes a feu artisanaux. Les deux institutions de sécurité estimaient que 90 % des armes à feu saisies dans le pays étaient localement confectionnées, le reste des armes automatiques proviennent des pays étrangers, tels que les pays du Sahel ou encore européens. Durant l’année 2022, les différentes unités relevant de la Gendarmerie nationale avaient réussit à démanteler 251 réseaux spécialisés dans la fabrication et le trafic des armes a feu artisanaux, ce qui avait permis d’arrêter 379 trafiquants d’armes artisanales, semi-automatiques et automatiques. Durant la même année, les mêmes services de sécurité avaient interpellé 4.113 personnes dans le cadre de traitement de 3.333 affaires liées aux possessions et utilisations d’armes à feu. Toujours selon la Gendarmerie nationale, une hausse de 10% des affaires liées à la possession et à l’utilisation des armes à feu a été constatée durant l’année 2022, ce qui laisse prédire à un recours de plus en plus inquiétant aux armes à feu par les réseaux criminels.

Une nouvelle tendance de la criminalité urbaine
Quant au bilan des armes à feu saisies durant l’année 2022, celui-ci parait inquiétant, selon la Gendarmerie nationale, 367 fusils de chasse, 210 armes artisanales, 45 armes de guerre, 28 armes automatiques et 142 fusils d’harpons ont été confisquées durant la période considérée.

180 meurtres et 384 tentatives d’assassinats perpétrés en 2022
Tout comme la Gendarmerie nationale, la lutte contre le trafic des armes à feu et des munitions concerne également la Sûreté nationale, où ses différentes unités opérationnelles à l’image des Services régionaux de lutte contre le trafic des stupéfiants (SLCTS) ou encore la Brigade de recherche et d’investigation (BRI) et la Brigade mobile de la police judiciaire (BMPJ), ont réalisé de grands exploits.
Durant l’année 2022, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a constaté 597 affaires liées au trafic illicite d’armes à feu impliquant 880 trafiquants présumés, ces derniers avaient été différés devant les tribunaux et écopé de peines de prison.
Quant aux affaires liées aux atteintes des personnes, elles ont frôlé la barre des 68.000 cas durant la même période, à travers lesquelles 84.115 individus avaient été arrêtés pour agression physique ou morale contre leurs victimes ou autres antagonistes. Les brigades de la Police judiciaire relevant de la DGSN avaient dénombré plus de 52.000 personnes victimes de coups et blessures volontaires (CBV), tandis que 180 homicides volontaires avaient été perpétrés en 2022, alors que 384 autres tentatives de meurtre avaient été déjouées grâce aux interventions rapides, de dernières minutes, des policiers, avait constaté la DGSN. Toujours selon le bilan de la DGSN, 51 personnes victimes de violents coups et blessures volontaires commis par leurs antagonistes avaient succombé durant l’année passée, alors que le nombre des personnes prises en otage par des criminels avait atteint 154 cas durant la même période, et 22.465 autres avaient subis des menaces de mort, d’agressions morales.
Devant de tels constats établis par la DGSN, il est évident que le recours par les criminels aux armes blanches et, désormais, aux armes à feu, est devenu de plus en plus un nouveau mode opératoire, vue la hausse très inquiétante du phénomène des atteintes aux personnes, des agressions physiques et des homicides volontaires.
Sofiane Abi