Un poète dans la pure tradition du mysticisme soufi

Commémoration : Emir Abdelkader

Depuis le 10 mai et jusqu’au 1er juin, la Grosse Pomme accueille le plus grand festival de cinéma africain outre-Atlantique, le New York African Film Festival.Pour l’histoire, l’aïeul de Pierre Saubot est ce capitaine de génie en garnison à Pau de 1845 à 1847 où l’Emir Abdelkader fut retenu prisonnier durant neuf mois en 1847 avant d’être transféré vers le château d’Ambroise. Pierre Saubot propose aux spécialistes l’authentification de ces deux poèmes dont l’un porte le titre Tlemcen. L’un de ces deux poèmes se termine par ces vers : « Je suis Dieu, je suis créature. Je suis seigneur, je suis serviteur, je suis le trône et la natte qu’on piétine… ». Ce qui s’inscrit parfaitement dans la mystique poétique de l’Emir, explique Lucie Abadia, historienne et membre de la fondation algérienne « Émir Abdel-Kader » dans un article paru dans le numéro cinq de la revue de l’Académie de Berne.
Ce qui nous ramène exactement, à cette facette presque délaissée par les biographes de l’Emir Abdelkader. Son côté intellectuel, philosophique et poétique. Aujourd’hui, il est surtout célébré en Algérie et dans le monde pour ses exploits guerriers et son humanisme, rappelons qu’il était le premier à mettre en place les mécanismes des Droits humains pour protéger des prisonniers en temps de guerre. Il a été honoré également pour le sauvetage des chrétiens qui avaient demandé sa protection lors du conflit sanglant de juillet 1860 entre les Druzes et les Maronites. Une reconnaissance des nations occidentales et musulmanes de l’époque (Grèce, Vatican, Angleterre, l’Empire ottoman, etc.) qui s’est traduite par les médailles qu’il arbore sur sa poitrine.
D’une grande curiosité intellectuelle, l’Emir Abdelkader vouait un intérêt particulier à l’enseignement, la transmission des connaissances, la préservation des manuscrits. Il s’est consacré notamment à la théologie avec une vision moderniste où il défendait l’ouverture de l’esprit de ne pas se cantonner dans le religieux en l’amputant des sciences. Sa nombreuse correspondance est un terreau à défricher si on veut cerner la personnalité dans sa globalité. Cependant, d’autres œuvres aujourd’hui, publiées et traduites comme Rappel à l’intelligent. Avis à l’indifférent, datant de 1858, plus connu sous le titre de Lettres aux Français, un article sur Le cheval Barbe, l’origine des Berbères, révèle un esprit critique, nourri d’une connaissance des textes classiques arabes et des civilisations. Au passage, il faut notamment signaler que ses enseignements comme l’un des maîtres du soufisme contemporain ont été rassemblés dans un ouvrage, « Kitab Al-Mawaqifs » traduit en Écrits spirituels en 1982 par Michel Chodkiewicz.
La poésie tient une grande place chez l’Emir Abdelkader « le kalam depuis qu’il a été taillé a pour esclave le sabre depuis qu’il a été effilé » écrit-il, et sa plume se défragmente en plusieurs axes qui se rejoignent dans cet esprit métaphysique ; poèmes de guerre, poèmes spirituels, d’amour divin, de mort initiatique en l’honneur de sa mère, poèmes de la folie et de la sagesse, poèmes d’amoureux transi… «Je la courtise, elle me dédaigne ; Je sollicite l’échange de propos
Elle rejette ma demande
Puis elle me couvre de reproches
Alors le cœur exulte
Car son reproche éteint mes brûlures ».
Parmi ses œuvres traduites et publiées, Les Chevaux du Sahara et les Mœurs du désert, Poésies d’Abd-El-Kader : ses règlements militaires (en arabe), Anthologie des Mawâqifs de l’Émir Abdelkader: le soufi de l’écriture ou encore Correspondance de l’Émir Abdelkader (1833-1883)
L’émir Abdelkader, décède le 26 mai 1883, à Damas en Syrie, âgé de 75 ans, sa dépouille sera rapatriée et inhumée à Alger, cimetière d’El Alia en juillet 1966.
Nassira Belloula