Un défi pour l’Algérie !

La lutte contre la corruption

La corruption, la bureaucratie, la médiocratie qui se nourrissent les unes les autres, sont devenues une véritable plaie pour le développement économique et social du pays. Ces pratiques héritées- en grande partie- du règne de la «issaba «(le gang) sous le règne de Bouteflika, font saigner le Trésor public et les citoyens. Le Président Tebboune qui a déclaré la guerre à corruption, pourra t-il relever le défi ?La rue algérienne observe avec intérêt les opérations de lutte contre la corruption menées actuellement par le Président Abdelmadjid Tebboune. L’homme de la rue se demande si cette campagne «main propre» s’inscrit dans la durée ou va finir par entrer dans l’oubli comme celles menées par le passé par d’autres gouvernements qui avaient tenté d’enrayer ce fléau mais sans succès.
Pour l’opinion publique ces actions anti-corruption, sont bien sûr «une bonne chose «mais estime que le Président doit s’appuyer sur les gens honnêtes et non sur les opportunistes, qui «tournent la veste ». Hier, ils étaient avec la «Issaba» et aujourd’hui ils veulent faire croire qu’ils sont contre la corruption ! Si pour le moment ces actions n’ont pas entraîné de changements spectaculaires dans la vie du citoyen lambda qui est toujours confronté dans sa vie quotidienne, on observe, néanmoins, une meilleure écoute et un allègement de certaines procédures de la part de l’Administration et moins de bureaucratie.
Mais, se demande-t-on, quels sont les moyens et les garde-fous pour que cette opération main-propre ne s’arrête pas en bon chemin, comme par le passé quand d’autres gouvernements avaient lancé dans les années 80/90 des opérations d’«assainissement» sans lendemain? L’introduction du système capitaliste libéral, puis néo-libéral et la décennie noire, ont favorisé la propagation de ce fléau qui était pratiquement inexistant dans les années post indépendance, 60/70, sous le régime prosocialiste de Boumediene.
Le néolibéralisme a fait de la corruption généralisée un mode de «Gouvernance», conforme aux normes de «la Mondialisation» (version soft du néo-colonialisme et de l’impérialisme), qui a bénéficié aux oligarques et aux compradores qui ont amassé des fortunes colossales avec l’argent public, la fraude fiscale, la fuite des capitaux. Ils ont enrichi les banques étrangères et les paradis fiscaux et appauvri l’Algérie et son peuple. Ces fortunes évadées que l’actuel Président Abdelmadjid Tebboune a du mal à récupérer.
Sous le régime de Boumediene, – dont la politique n’était pas exempte de critiques -, il faut néanmoins reconnaître que la corruption, la bureaucratie, la médiocratie, le favoritisme etc., étaient pratiquement inexistants. Il donnait d’ailleurs lui-même l’exemple.
On raconte, en effet, qu’il avait refusé d’intervenir en faveur de son frère venu le solliciter pour un poste de travail, en lui disant qu’il devait faire sa demande d’emploi et attendre comme tout le monde. Ses parents ont continué d’habiter dans leur vieille maison rurale près de Guelma et n’ont bénéficié d’aucun avantage particulier.
Boumediene basait son système de gouvernance sur la compétence et l’honnêteté dans le choix des cadres gestionnaires des entreprises publiques et non pas sur l’appartenance au clan familial, régional ou politique. Il avait fait appel à des militants du Parti d’avant-garde socialiste (PAGS- parti d’opposition de gauche-clandestin), malgré leurs divergences politiques. Bon nombre des cadres dirigeants, patriotes, compétents, intègres de ce parti ont contribué à la naissance de l’industrie algérienne. Bouteflika l’ultralibéral, pour gouverner s’est appuyé lui, sur les relations familiales et claniques. Il a fait appel à 12 ministres et à de nombreux conseillers parmi ses amis natifs de Tlemcen ou de Nedroma (sa ville natale) formant «le clan de l’Ouest», qui composera l’essentiel du gang «Issaba» dont les membres sont encore poursuivis en justice dans de grosses affaires de corruption et de malversations.
Jusqu’à présent, l’Algérie a pu récupérer 22 milliards de dollars de ces sommes détournées à l’étranger, et à l’intérieur du pays, pour une seule usine à Oran, l’Etat a récupéré 750 millions d’euros, selon le Président Tebboune au cours de sa conférence de presse du «3 mai courant». Il a souligné qu’outre ces anciennes affaires, de nouveaux dossiers sont traités actuellement.
«Nous combattons quotidiennement la corruption», a-t-il souligné. Avec la rente pétrolière, l’Oligarchie bouteflikienne, avec un baril de pétrole dépassant les 100 dollars ce connut aucune limite durant cette «ruée vers l’or» et on ne réalise pas bien encore les dégâts commis par ces oligarques et compradores à l’économie nationale et à la société soumise au règne du culte de l’argent, la seule valeur qui avait alors de la valeur. Ils pouvaient tout acheter, même la conscience des hommes et des femmes qui étaient prêts à tout pour s’enrichir, quitte à enfreindre les lois et les règles morales et sociales.
Mais la pieuvre n’est pas encore éliminée et ce système a fait des émules même parmi les jeunes générations comme ce Nassim Diafat chargé des petites entreprises (2020/2022), mis en examen pour «abus de fonction, dilapidation de deniers publics et octroi d’indus-avantages et de marchés, au profit des membres de sa famille et des proches». Il a disposé et distribué généreusement l’argent de l’Etat comme si c’était son propre argent.
Pour le quotidien El Moudjahid, «l’inculpation de Nassim Diafat vient rappeler, aux plus sceptiques, que la guerre déclarée par le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, aux lobbys et aux magnats de la corruption, est une réalité, et non une distraction politicienne ou un scénario qui veut plaire et divertir le plus grand nombre. Une époque révolue. Depuis son élection à la tête de la République, le 12 décembre 2019, le chef de l’État a sonné le glas de ces pratiques mafieuses. Il a incité à une prise de conscience sur ces graves dangers et ensuite sur la nécessité de les combattre de la manière la plus rigoureuse». Voir : https://www.elmoudjahid.dz/fr/editorials/corruption-fin-de-l-impunite-3148
Plus grave encore, la corruption peut mener jusqu’à la trahison et devenir un véritable problème de sécurité nationale, comme le cas du scandale de Mohamed Loukal, ancien ministre des Finances et ex-Gouverneur de la Banque d’Algérie. Il est poursuivi pour «espionnage» au profit d’un bureau d’études français.
Il a été également condamné, en tant qu’ancien DG de la BEA à 8 ans de prison ferme, pour «octroi d’avantages non justifiés», «abus de fonction» et «dilapidation de deniers publics». Source : https://www. lexpressiondz. com/nationale/loukal-poursuivi-encore-pour-espionnage-363786 Ce qui signifie que ce Monsieur qui détenait les cordons de la bourse, envoyait toutes les informations sur l’état des finances du pays à l’ancien colonisateur, qui a dû bien le gratifier en retour.
Comment a-t-il ainsi trahir sa patrie, qui lui a confié les clefs du coffre ? Et comment a-t-il pu arriver à un tel poste ?
L’armée aussi n’échappe pas à ce fléau. On apprend, selon le quotidien «El Watan» du 15.05.2023 que «plus d’une trentaine de généraux et généraux-majors ont été incarcérés en l’espace de trois années pour enrichissement illicite «et pour avoir pris des décisions qualifiées de «violations des consignes militaires».
Parmi ces derniers, le général-major Abderrahmane Arar qui vient d’être déféré devant le tribunal militaire de Blida. Il avait succédé en 2019 à la tête de la Gendarmerie au général Ghali Belekcir, membre de la «Issaba «qui a défrayé la chronique.
Condamné par contumace à 20 ans de prison et d’un mandat d’arrêt international pour des faits de «haute trahison», Belekcir s’est enfui dans un paradis fiscal, le Vanuatu (océan Pacifique), où il a acquis la nationalité et un passeport fiscal à 130.000 dollars, lui ouvrant l’entrée sans visa, dans 130 pays.
Ces affaires de corruption et d’argent sale traitées, démontrent que le mal est profond et que son éradication nécessite des réformes en profondeur. La volonté affichée du président de la République de mener la «guerre à la corruption»est un atout rassurant pour mettre fin à cette gangrène qui fait saigner les caisses de l’Etat et la bourse des citoyens qui doivent parfois «graisser la patte»pour avoir accès à leurs droits. Sans compter que les sommes ainsi détournées représentent un manque à gagner pour le Trésor public, qui aurait pu servir à la création d’emplois, la construction de logements, d’universités, d’hôpitaux etc.
Malgré les opérations d’assainissement en cours, les corrompus et les corrupteurs sévissent encore en recourant aux détournements, malversations, en usant de la sous-facturation, la surfacturation, les non déclarations fiscales, l’usage du cash au lieu du chèque pour éviter toute traçabilité et transparence.
Ces procédés continuent de faire les beaux jours du secteur de l’informel qui croise le fer avec les autorités. Ainsi, pas moins de 67,4 milliards de DA ont été souscrites au fisc au cours des dix premiers mois de la seule année 2021. L’informel représente près de 40 % de la masse monétaire de l’Algérie, selon des statistiques officielles. «Les barons de l’informel» continuent de défier l’Etat qui doit intervenir pour briser leur diktat et réguler le marché.
Tebboune qui connaît bien les rouages de ce système pour avoir occupé plusieurs postes de responsabilité dont celui de Premier ministre sous Bouteflika où il avait entamé une opération main propre qui lui a valu son limogeage. Aujourd’hui, il veut «séparer les affaires de la politique». C’est un exercice d’équilibre difficile. En s’attaquant à la corruption il gagne en estime populaire mais ne manquera pas d’avoir des ennemis. C’est un pari difficile à tenir. Parmi les mécanismes et les structures crées pour lutter contre la corruption, en espérant qu’Ils soient suivie d’autres initiatives, il convient de signaler la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption.
Sa présidente, Salima Mousserati, a indiqué que six affaires «de corruption» seraient traitées au niveau du Conseil de l’Autorité avant leur transfert aux juridictions compétentes, sur un total de 700 signalements parvenus à l’Autorité (le reste des cas ne relevant pas des faits de corruption).
Elle a appelé la société civile et les citoyens à «participer à la lutte contre la corruption à travers des témoignages documentés, des dossiers et des preuves», ajoutant que l’autorité qu’elle préside «a toutes les prérogatives pour recevoir les signalements, assurer la protection et la préservation de l’anonymat des lanceurs d’alertes».
Un réseau algérien pour la transparence «Naracom» avec un domaine numérique sécurisé, «assurera la sécurisation des signalements de la corruption». Sources : https://www.elmoudjahid.dz/fr/dossier/prevention-et-lutte-contre-la-corruption-l-algerie-un-role-vital-aux-plans-regional-et-international-192744
https://www.elmoudjahid.dz/fr/actualite/la-haute-autorite-de-transparence-de-prevention-et-de-lutte-contre-la-corruption-examine-six-dossiers-199500
Des entreprises publiques, et non des moindres, comme la Sonatrach, viennent aussi de donner l’exemple en signant «La Politique et le Code de conduite anti-corruption», selon la norme internationale ISO 37001, relative au système de management anti-corruption (SMAC).
(A suivre)
Houria Ait Kaci – Journaliste