Bouberka (Toudja) célèbre l’anniversaire du massacre de mars 1956

Béjaïa

Des centaines de personnes ont pris part samedi au village de Bouberka, dans la commune de Toudja, à 40 km à l’ouest de Béjaïa, à la célébration du 68e anniversaire du massacre perpétré par l’armée coloniale dans la région, au cours duquel 14 personnes ont été tuées, dont une jeune femme de 18 ans, enceinte de sept mois, brulée vive.
Outre les représentants de la famille révolutionnaire et des autorités locales, beaucoup d’anonymes étaient présents aux cérémonies commémoratives, matérialisées par une levée des couleurs, un recueillement sur les lieux du carnage, un dépôt de gerbe de fleurs à la mémoire des martyrs et la visite des maisons encore debout de certains martyrs, notamment celle de la famille Debbouz qui en payé un lourd tribu ainsi qu’une prise de parole, ouverte surtout au témoignage de quelques survivants. Dans ce contexte, nombreux étaient ceux qui avaient enduré cette funeste journée au cours de laquelle, un détachement de l’armée coloniale, conduit par le chef du poste militaire de Toudja, un lieutenant répondant au nom de Sunsik, avait fait irruption dans le village à la recherche de moudjahidine et surtout de renseignements sur leur localisation.
Faute d’atteindre son but, il s’est mis à rafler tous azimut avant d’aller s’acharner sur Fadhma Debbouz, épouse d’un baroudeur de la wilaya-III historique, qu’il a copieusement imbibé d’essence avant de la bruler vive, devant tous les habitants du village ahuris mais révoltés.
Le drame s’est déroulé sous les yeux incrédules de son mari qui suivait la scène d’horreur depuis une cachette qu’il s’était aménagé non loin de là. «C’était l’horreur absolue», se souvient Meddour Abdelkader, âgé à peine de 10 ans à l’époque, et qui a tout vu et a même assisté à l’exécution de son père, alors qu’il rentrait avec son cousin et son oncle maternel, tout juste d’une sortie aux champs.
Il a vu l’acharnement et la violence des soldats qui ont tué sans discernement, gardant en mémoire l’exécution innommable, notamment de Hafid Debbouz, frère de Arab, et sa fille, mitraillés sans explication et sans sommation.
«C’était une nuit d’enfer», a-t-il dit, tremblotant d’émotion comme au premier jour, d’autant que le massacre à perduré de très longues heures après.
En effet après cette intrusion sauvage, Mohand Arab et son cousin Saïd, ont tenu à se venger à chaud, en ciblant l’officier Français abattu dès sa sortie du village, alors qu’il tentait de regagner sa garnison avec ses soldats.
Il n’en fallait pas tant à l’armée coloniale pour mettre en branle sa machine de guerre vengeresse. Vers minuit le 26 décembre, l’aviation, en plus des forces terrestres, ont été mis en branle, brulant le village au Napalm, mais sans pour autant et heureusement atteindre la population qui dès la fin des exactions, a fui en se réfugiant dans les montagnes environnantes. «On ne peut pas oublier et on ne doit pas oublier», a déclaré Abdelkader Meddour, qui se souvient encore que les manifestations du 19 mai 1956 ont démarré du village qui a vu le lycéen Brahmi Madjid, scolarisé au lycée Ibn Sina de Béjaïa, tombé en martyr à Bouberka, après avoir été brulé vif lui aussi, alors qu’il se trouvait en vacance dans la maison parentale. Sa mort a porté la fièvre de la liberté dans toute la wilaya qui a vu des dizaines d’étudiants rejoindre le maquis juste après.
APS