L’opposant Cellou Dalein Diallo s’autoproclame vainqueur

Présidentielle en Guinée

Le leader de l’UFDG n’a pas attendu l’annonce officielle des résultats pour dénoncer des fraudes et revendiquer la victoire dès le premier tour du scrutin. Cellou Dalein Diallo, ancien premier ministre et ex-gouverneur de la banque centrale guinéenne, n’a pas la réputation d’être un homme impatient.

Et, pourtant, le principal adversaire au président sortant, Alpha Condé, n’aura pas attendu vingt-quatre heures ni la clôture de la compilation des résultats par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour annoncer, lundi 19 octobre, sa victoire à la présidentielle en Guinée dès le premier tour du scrutin. Quelques heures seulement s’étaient écoulées depuis la fin des derniers dépouillements, terminés tard dans la nuit, la plupart du temps à la lumière des lampes électriques comprises dans le kit électoral fourni par la CENI aux quelque 15.000 bureaux de vote répartis dans ce pays qui pointe en queue de peloton mondial en termes de développement technique et humain. Apparemment, il ne fallut pas longtemps pour rassembler tous les résultats. Tout comme fut extrêmement brève la durée de la déclaration du président autoproclamé, alors que le potentiel explosif du sujet est grand. «Malgré les graves anomalies qui ont entaché le bon déroulement du scrutin du 18 octobre et au vu des résultats à la sortie des urnes, je sors victorieux de cette élection dès le premier tour», a annoncé très officiellement Cellou Dalein Diallo aux médias et à quelques centaines de partisans surexcités, entassés à Conakry dans la cour du siège de son parti, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG). Le leader de l’opposition a ensuite invité les Guinéens «épris de paix et de justice à rester vigilants et mobilisés pour défendre cette victoire de la démocratie». A ces mots, les dizaines de chauffeurs de moto-taxi présents dans l’assistance sont repartis au guidon de leurs machines pétaradantes parader dans les rues du quartier Hamdallaye, acquis à l’UFDG, au cri de «Cellou président». Pour expliquer sa précipitation, le chef de l’opposition guinéenne, déjà battu deux fois à la présidentielle par Alpha Condé, a affirmé au «Monde Afrique» que «le pouvoir est en train de frauder en changeant les résultats en sa faveur». Aucun chiffre confirmant cette victoire ni détail des anomalies n’ont été avancés.

«Personne ne croit plus en rien»
«Que ces faits de trucage soient réels ou pas, nous n’en savons rien, mais cela montre surtout l’état de défiance absolue envers les institutions nationales et les voies de recours légales. Personne ne croit plus en rien. Cette déclaration peut être dangereuse, en ne laissant d’autre option que la rue et la violence», déplore, anonymement, un acteur de la société civile, opposant déterminé au pouvoir d’Alpha Condé mais embarrassé par cette victoire autoproclamée à la hussarde. En 2010 et 2015, les succès du président sortant avaient déjà soulevé de violentes contestations, sur fond d’accusations de fraudes. Cette année, sa candidature n’a été rendue possible qu’après l’adoption controversée d’une nouvelle Constitution, à l’issue d’un référendum boycotté par l’opposition. La répulsion politique entre ces deux pôles opposés, attisée par une forme de populisme ethnique, est absolue.
R.I/Lemonde