Pour retrouver le goût de lire et l’art de bien écrire

La dictée

Pendant longtemps, surtout dès le début de l’école fondamentale, on a considéré la dictée comme un exercice relevant beaucoup plus du traditionnalisme que du modernisme dans l’enseignement.

La réalité a montré que même si elle a été montrée du doigt comme une très vieille invention à bannir, on a fini par comprendre que sa suppression a provoqué la régression. Des lexicologues, grammairiens, linguistes de tous bords, peuvent être partisans eux aussi de sa suppression, ont pensé pouvoir mettre au point des exercices comme les batteries d’exercices structuraux pour remplacer la dictée.

Applicable dans toutes les langues, à partir de la première année
L’histoire a apporté des preuves que la dictée a été d’une grande utilité. Tout d’abord, elle entraîne à la formation des lettres qui, en réalité, demande pour chacune des efforts de perfectionnement comme cela se faisait jadis dans le but d’impressionner des lecteurs en mal d’écriture esthétique. Et le génie de l’homme en la matière est tel qu’il a inventé la calligraphie, grâce aux efforts d’écriture ayant atteint la pleine beauté au point de devenir un genre artistique. On appelle ainsi calligraphe, un artiste spécialisé dans le tracé des écritures, en particulier chez les Arabes dont une catégorie excelle dans l’art de reproduire de grands messages, paroles coraniques, citations d’écrivains ou de philosophes renommés par des lettres calligraphiques servant à mettre en relief des motifs architecturaux. Apprendre à orthographier, c’est apprendre à écrire des mots sans fautes et pour cela, il faut avoir fait la différence entre l’orthographe d’usage et l’orthographe grammaticale. Ceci dans toutes les langues. La première laisse supposer une mémorisation des noms, adjectifs, verbes entrant dans les innombrables centres d’intérêts. Et quand on ne lit jamais, il n’y a aucun mot des champs lexicaux ou notionnels à retenir. Quant à la maîtrise de l’orthographe grammaticale, elle laisse supposer une parfaite connaissance de la conjugaison des verbes, des déclinaisons, marque du genre et du nombre dans les pronoms. Et la dictée, qui a été jugée comme exercice trop éculé a disparu sous l’influence des méthodes pédagogiques modernes. Mais au bout de quelques années, on s’est rendu compte de l’erreur. Lorsqu’un élève de terminale ou un universitaire écrit une phrase, il y a une faute à chaque mot.

Développement de la mémoire et initiation à la beauté des textes littéraires
Pour qu’elle devienne efficace à long terme, la dictée doit commencer par la première année en usant du procédé Lamartinière. Après la lecture en arabe ou en français, on demande aux élèves d’écrire des mots lus, sur l’ardoise. Cela demande une dizaine de minutes. Dès qu’ils ont écrit un mot, on tape sur la table pour demander de lever l’ardoise. C’est un exercice ludique, indiscutablement profitable au fil du temps. Les enfants apprennent à exercer leur mémoire et à participer à une compétition où chacun essaie d’être le meilleur, en même temps qu’ils avancent en apprentissage, l’esprit d’émulation s’installe. Des mots, ils en arrivent aux petites phrases, puis aux phrases complexes et aux tests. La dictée est un exercice de synthèse et comme son nom l’indique, il réunit un grand nombre d’apprentissages entraînant dans leur sillage le développement des capacités de mémorisation. Il donne à retenir des noms nouveaux placés dans leur contexte et dans leur morphologie. Et si la pratique de la dictée se fait dans les normes et à des moments convenables, les élèves ne peuvent qu’en être passionnés, sinon intéressés par ses multiples bienfaits. La dictée est aussi un excellent exercice de révision des règles grammaticales mal apprises et pouvant rester floues dans la tête des apprenants, comme les terminaisons des verbes dont les temps simples ou composés et les modes qui modalisent les phrases, de la même manière que les adverbes et les verbes de modalité. D’autre part, la dictée, si elle est bien conduite, est un bon exercice de diction si elle est faite par un bon enseignant sachant bien lire en faisant apparaître les difficultés de prononciation. Le professeur expérimenté ne fait pas la dictée pour la dictée, il est celui qui choisit le meilleur texte possible par sa beauté du point de vue métaphores, symboles, sonorités. En la lisant, il met en relief toute la poésie du texte qui donne envie de suivre et l’effort de mémoriser les plus belles paroles pouvant servir de citations. Donc, pour que les enfants aient le goût d’apprendre, ils doivent être sensibilisés à la notion d’esthétique du langage qui donne l’illusion de voir en plus clair des personnages en action et un décor dont chaque élément est significatif. L’enseignant est donc supposé avoir le sens du choix de texte en prose devant contribuer à l’enrichissement par le vocabulaire nouveau et la possibilité de revoir des règles d’accord. Toutes ces conditions sans lesquelles on n’en tire aucun profit qui sont des indicateurs servant à montrer que la dictée est un avant tout un art, partie intégrante de l’art d’enseigner.
Abed Boumediène