Face aux nouveaux enjeux socio-économiques et sécuritaires

Algérie

Une erreur de politique et économique, ayant de graves incidences, a été commise car en projetant un dérapage du dinar d’environ 30% entre 2022/2023, la loi prévisionnelle de Finances 2021, étant en contradiction avec les propos officiels, de dynamisation de l’appareil productif qui selon toutes les lois économiques, devrait entraîner une appréciation du dinar et paradoxe, un dérapage à la fois par rapport au dollar et à l’euro alors que leurs cotations sont inversement proportionnelles.

Aucun gouvernement de par le monde n’annonce à l’avance la dépréciation de sa monnaie, ces annonces ayant accru, selon nos informations, la méfiance tant au niveau national qu’international. Comment voulez-vous qu’un opérateur quelque soit sa tendance idéologique avec cette instabilité monétaire investisse à long terme sachant que la valeur du dinar va chuter d’au moins 30% sinon plus dans deux à trois années. Sur le plan géostratégique, nous assistons à des tensions dans la région avec d’importants trafics qui alimentent le terrorisme risquant de déstabiliser toute la région sahélienne. Aussi, en ces moments de grands bouleversements géostratégiques, le grand défi en ce XXIe siècle avec les nouvelles mutations est la bonne gouvernance et la valorisation du savoir afin de permettre le développement. L’Algérie est une des pièces maîtresses de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine selon les déclarations de responsables des Etats-Unis d’Amérique et de l’Union européenne à travers les actions de l’ANP, les différents services de sécurité et ses actions diplomatiques. D’où l’importance d’une coordination internationale pour à la fois favoriser le co-développement.

1- L’Algérie à l’instar de tous les pays du monde subit sur le plan socio-économique un impact négatif de la crise mondiale actuelle suie à l’épidémie du coronavirus. Les données de l’ONS du 7 décembre 2020 contredisent tant la loi de Finances complémentaire 2020 que les prévisions optimistes de la PLF 2021. Selon, l’ONS, durant les six premiers mois, le volume des exportations algériennes a baissé de 35,9% pour totaliser 1365,0 milliards de DA soit au cours de 128 dinars un dollar 10,66 milliards de dollars contre 2129,8 milliards de DA à la même période, 18,04 milliards de dollars de l’année 2019, dont 98% avec les dérives proviennent de Sonatrach.
Quant aux importations, elles ont atteint 2.128,4 milliards de DA durant les six premiers mois de l’année en cours, 18,03 milliards de dollars contre 2.660,00 milliards de DA, soit 22,24 milliards de dollars à la même période en 2019. Ces évolutions ont conduit à un creusement du déficit commercial qui est passé de (-530,2 milliards de DA) 4,5 milliards de au cours de 128 dinars un dollar, et au 1er semestre 2019 à (-763,4 milliards de DA) à la même période de l’année en cours, 6,5 milliards de dollars, montant auquel il faut ajouter les services pas moins de 4/5 milliards de dollars, rappelant que ce poste a occasionné une sortie de devises entre 10/12 milliards de dollars/an entre 2010/2019. Or, la loi de Finances 2021 prévoit une baisse des importations de 14,4% de la valeur courante par rapport à la clôture 2020, pour atteindre 28,21 milliards de dollars. 27,39 milliards de dollars en 2022 puis 27,01 milliards de dollars en 2023, et une croissance économique nationale de 3,98% en 2021, après un recul de 4,6%, suivant les estimations de clôture de l’exercice 2020.
Comment cela sera-t-il possible quand le PLF 2021 prévoit les dépenses budgétaires (dépenses de fonctionnement et d’équipement) se situent à environ 8.113 milliards de dinars, tandis que les recettes fiscales globales (ordinaires et pétrolières) sont estimées à 5.328 milliards de dinars, soit un déficit budgétaire record de 2.784,8 milliards de dinars soit au cours de 128 dinars un dollar plus de 21,75 milliards de dollars contre à la clôture 2020 de 18,60 milliards de dollars. Le déficit global du trésor prévu est de 3614,4 milliards de dinars, soit 28,26 milliards de dollars, soit 17,6% du PIB.
Nous assistons également à une augmentation du budget de fonctionnement et à une augmentation des transferts sociaux estimés par le PLF 2021 à 1927,5 milliards de dinars soit 15,06 milliards de dollars. Ces tensions budgétaires ne sont que le reflet d’un taux de croissance de secteurs productifs relativement faible. Pour 2019, le taux de croissance a été de 0,8% pour le gouvernement, 0,7% pour le FMI. Pour les prévisions 2020, le Fonds monétaire international (FMI) dans son rapport sur les perspectives économiques mondiales publié le 13 octobre 2020 a révisé à la baisse ses prévisions de croissance de l’économie algérienne à -5,5% en 2020, contre -5,2% anticipée en avril, 2020 tablant un taux de croissance de 3,2% en 2021, contre 6,2% dans son rapport d’avril 2020, soit la moitié de ce qui était prévu et ce sous réserve de la maîtrise de l’épidémie du coronavirus qui impacte la croissance de l’économie mondiale.
Le projet de loi de Finances 2021 est plus optimiste prévoyant une croissance économique nationale de 4,0%, malgré l’hibernation de la majorité des segments productifs une croissance hors hydrocarbures de 2,4% en 2021, 3,37% en 2022 et 3,81% en 2023%, après un recul de 4,6%, suivant les estimations de clôture de l’exercice 2020. Ces résultats optimistes difficilement réalisables, car un projet, rentable dans le cadre des valeurs internationales, n’atteint le seuil de rentabilité pour les PMI/PME qu’au bout de trois ans et pour les segments hautement capitalistiques entre 5/7 ans sous réserve de la levée des entraves bureaucratiques. Aussi l’économie algérienne sera encore pour longtemps tributaire des hydrocarbures (conférence à l’Ecole supérieure de guerre devant les officiers supérieurs le 19 mars 2019 et devant l’ensemble des attachés économiques des ambassades accrédités à Alger au siège de l’ambassade US «face à la baisse de la rente de hydrocarbures quelles perspectives géostratégiques pour l’Algérie). La baisse drastique des importations de biens et services a des limites, taux d’intégration ne dépassant pas 15/20%, certains postes étant incompressibles quitte à étouffer tout l’appareil productif existant.
Cela a un impact sur le taux de chômage, mais devant tenir compte de la pression démographique. En 2020, la population dépasse 44 millions d’habitants, avec une prévision pour 2030 de plus de 50 millions d’habitants. La population active fin 2020 dépasse 12,80 millions et il faut créer annuellement entre 350 000 et 400 000 emplois nouveaux par an. La structure de l’emploi fait ressortir un secteur tertiaire dominé par le commerce, (les services et l’administration) avec un nombre de retraités en mai 2020 de 3 266 000 personnes où la Caisse de retraite connaît un déficit structurel. Comme conséquence, nous assistons à un accroissement du taux de chômage où pour le FMI, il devrait atteindre 14,1% en 2020 et 14,3% en 2021. Cette situation influe le niveau des réserves de change 2020/2021. Selon le FMI, l’Algérie a besoin d’un baril de plus de 135 dollars en 2021 et selon le site spécialisé, Oil Price, 157,2 dollars pour équilibrer son budget. Le prix du baril fixé par la loi de Finances 2020 de 30 dollars, prix fiscal et 35 dollars prix marché, le PLF 2021 40 dollars, n’est qu’un artifice comptable. Selon les prévisions du FMI pour les années précédentes, le prix d’équilibre du baril pour l’Algérie était estimé de 104,6 dollars en 2019, à 101,4 dollars en 2018 et à 91,4 en 2017.
Il s’ensuit une baisse drastique des réserves de change qui ont évolué ainsi :
– 2013 : 194,0 milliards de dollars,
– 2018 : 79,88 milliards de dollars
– fin 2019 : 62 milliards de dollars,
– fin 2020, les prévisions de la loi de Finances complémentaire étant de 44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévu dans la loi initiale.
Le FMI pour prévoit 33,8 milliards de dollars fin 2020, le trésor français 36 milliards et fin 2021, début 2022, entre 12/13 milliards de dollars. Prenant à contre-pied les prévisions internationales, le PLF 2021 prévoit des réserves de change fin 2021 à 46,8 milliards de dollars en 2021, assurant les importations et les services durant 16 mois et ce suite, toujours selon les prévisions optimistes non étayées par les faits tangibles, à l’amélioration prévue dans le déficit de la balance des paiements qui devrait atteindre -3,6 MDS en 2021 et avec des seuils de réserves de change de 47,53 milliards de dollars en 2022 et 50,02 MDS en 2023.
Comment cela serait-il réalisable vu la conjoncture internationale défavorable qu’interne où la majorité des secteurs productifs, hormis l’agriculture, sont en hibernation ? Par ailleurs, l’action récente du ministère des Finances de vouloir à la fois déraper la valeur du dinar, drainer le capital argent de la sphère informelle et l’épargne des émigrés à l’étranger via l’installation de banques est difficilement réalisable. En effet, la dévaluation du dinar sur le marché officiel où le cours achat est passé de 5 dinars un dollars en 1974 et le 6 décembre 2020, selon la Banque d’Algérie, un euro s’échangeait 157,61 dinars et le dollar 130,12 dinars le PLF 2021 projetant pour 2023 environ 185 dinars un euro et 156 dinars pour un dollar, cette dévaluation qui ne dit pas son nom étant en quelque sorte assimilable à un impôt indirect. En cas de non dynamisation de l’appareil productif, fonction de profondes réformes structurelles, prenant un écart de 50% entre le taux officiel et celui du marché parallèle, nous aurons environ 300 dinars un euro contre 200 dinars fin novembre 2020, et en cas de non maîtrise de l’inflation avec un taux seulement de 10/15%, l’écart serait plus important d’au moins 100%, soit 350/400 dinars un euro avec l’accélération du processus inflationniste.
(A suivre)
Professeur des universités, Expert international Dr Abderrahmane Mebtoul