Eviter quatre mythes afin de dépasser l’entropie actuelle et ne pas renouveler les erreurs du passé

Politique économique 2021/2024

Du fait de la mentalité rentière de certains responsables, nécessitant un renouveau culturel, épaulé par des experts organiques aux ordres, pour reprendre l’expression de Gramsci, et éviter l’impasse de l’économie algérienne, l’on devra combattre quatre mythes.

C’est un acte éminemment politique et non technique car déplaçant des segments de pouvoir d’où des résistances au changement des tenants de rente, ne devant pas confondre privatisation et démonopolisation, encouragement d’investisseurs privés nouveaux ou le partenariat public/privé PPP s’appliquant surtout aux infrastructures, où l’Etat reste le maître d’œuvre, processus complémentaire, éminemment politique, allant vers le désengagement de l’Etat de la sphère économique afin qu’il se consacre à son rôle de régulateur stratégique en économie de marché.

4. Quatrième mythe, l’exportation des matières premières brutes comme facteur maître d’œuvre de développement avec une entrée de devises pouvant remplacer les hydrocarbures sans maturation des projets comme en témoignent des déclarations contradictoires. Ainsi un ex-ministre de l’Industrie en février 2008 à la télévision algérienne, repris par l’APS, annonce que le coût du projet de Gara Djebilet avec toues les annexes est de 15/16 milliards de dollars. En Conseil des ministres courant 2011, on annonce entre 8/9 milliards de dollars et l’actuel ministre de l’Industrie en date du 11 juin 2020 avec le projet du phosphate l’investissement serait entre 15/16 milliards de dollars nécessitant de grands investissements, 16 milliards de dollars dans les centrales électriques, des réseaux de transport, une utilisation rationnelle de l’eau, des réseaux de distribution qui fait défaut du fait de l’éloignement des sources d’approvisionnement, tout en évitant la détérioration de l’environnement, unités très polluantes et surtout une formation pointue. Afin d’éviter d’induire en erreur tant l’opinion publique que les plus hautes autorités du pays, l’actuel ministre des Mines qui contredit son collègue, un effectif d’environ 3 500 emplois directs crées en 2008, l’estimation était de 4 800, doit donner le montant en dinars et en devises du projet dans sa globalité, la part du financement de la partie algérienne et la rentabilité effective. A un cours de 100 dollars la tonne (cours moyen de 2020) le fer brut, pour une exportation brute de 30 millions de tonnes auquel, le chiffre d’affaire serait de 3 milliards de dollars, de ce montant il faudra retirer 40% de charges, le coût d’exploitation étant très élevé restant de 1,80 milliard de dollars. Ce montant est à se partager selon la règle des 49/51%, avec le partenaire étranger restant à l’Algérie 920 millions de dollars. Par ailleurs, ces projets avec la numérisation de cette filière pour réduire les coûts, au niveau mondial crée de moins en moins d’emplois. En prenant l’hypothèse de 7 milliards de dollars d’investissement, le retour en capital pour une exportation de 30 000 tonnes de fer brut/an, serait de 8/10 ans. Pas de rente et donc, seule la transformation en produits nobles (aciers spéciaux) peut procurer une valeur ajoutée plus importante à l’exportation, mais nécessitant d’importants investissements et des partenaires qui contrôlent le marché mondial. Par ailleurs où en sont les réalisations effectives des projets de mines d’or, proposés aux jeunes investisseurs dans le sud sachant que l’exploitation a un coût important, et la rentabilité est fonction du cours de l’once d’or qui fluctue depuis trois années entre 1 600 et 2 100 dollars l’once. Quant au complexe de zinc qui devrait entrer en production selon le ministre des Mines en 2024, sauf problèmes techniques ou de financement, selon les règles financières internationales, le seuil de rentabilité ne se fera pas avant trois ans, soit 2027, les exportations du choix du partenaire étranger, le marché intérieur comme pour le fer étant trop étroit, et le retour de l’investissement dépendra du coût final du projet. En résumé, l’Algérie est encore debout grâce aux patriotes honnêtes qui constituent l’immense majorité des travailleurs et des cadres dirigeants, devant éviter les errements du passé en ces moments de hautes tensions géostratégiques, financières et sociales avec le retour de l’inflation en 2021, que l’on ne combat pas avec des slogans ou des décrets. D’où l’importance du renouveau de la gouvernance, un langage de vérité, rien que la vérité, ni sinistrose, ni sur autosatisfaction destructrice à laquelle la population algérienne ne croit plus. Pour la prospérité de l’Algérie éternelle, pays à fortes potentialités et acteur stratégique de la stabilité du bassin méditerranéen et du continent Afrique, s’impose un renouveau culturel loin de la mentalité rentière. Cependant soyons réalistes, la rente des hydrocarbures sera pour longtemps, la principale société pourvoyeur de devises où avec la crise actuelle de l’impact de l’épidémie du coronavirus, selon le FMI, le retour à la normale de la croissance étant prévu pas avant juin 2022, il est utopique d’attirer massivement les IDE et de canaliser le capital-argent de la sphère informelle. D’où l’importance de l’installation du Conseil national de l’énergie, seul organe habilité à tracer la future politique énergétique devant s’orienter vers un Mix énergétique, fondement de la transition énergétique. L’Algérie a toutes les potentialités de surmonter la crise actuelle sous réserve d’un renouveau de sa gouvernance, une vision stratégique de développement hors hydrocarbures, une lutte contre la corruption passible du code pénal à ne pas confondre avec acte de gestion, passant par la numérisation avec des interconnexions intra-secteurs reliés aux réseaux internationaux. La transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, suppose un profond réaménagement du pouvoir, nécessitant une restructuration du système partisan, loin des aléas de la rente, et surtout la dynamisation de la société civile ; pas celles qui vivent de la rente et qui ont applaudi tous les gouvernements passés, qui, en symbiose avec les Etats et les institutions internationales, jouera un rôle de plus en plus déterminant en ce XXIe siècle. Le compromis des années 2021/2030 devront concilier l’impératif de productivité et la cohérence sociale, les principes d’une société ouverte et le devoir de solidarité, en un mot l’efficacité et une profonde justice sociale qui ne saurait signifier égalitarisme, vision populiste suicidaire. En bref, la réussite du processus de développement implique la refonte du système politique et socio-économique.
(Suite et fin)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul