Une école, une culture

Le théâtre :

Il s’agit d’un théâtre formateur mais virtuel, qui rappelle le théâtre antique, classique, moderne, de boulevard. Cependant, il a cette particularité d’avoir des acteurs fictifs issus du monde des travailleurs de la terre de tous les temps, particulièrement de l’ancien temps.

Les travaux des champs sont à peu près les mêmes depuis la nuit des temps avec cette particularité qu’aujourd’hui les outils utilisés ont, en certains endroits ont changé, les personnages chargés des travaux de la terre et le décor sont identiques, seulement il faut des scénarios pour mieux voir comment s’organise la vie des champs pour l’apparenter à un théâtre. L’essentiel est qu’il prenne en charge tout le quotidien de ceux qui vivent dans les champs, alors que jadis le théâtre n’était pas fait pour rencontrer la classe ouvrière, particulièrement celle qui vit des produits de la terre. Ce théâtre permet de vivre l’ensemble des conjonctures que connait le vécu champêtre dans ce qu’elle a de plus authentique. Le travail de chaque travailleur de la terre demande un savoir-faire et des efforts.
Le laboureur exerce un métier exigeant beaucoup de patience et d’endurance, il est aussi moissonneur infatigable. Le berger a aussi un travail spécifique, garder les vaches, chèvres, mouton, une bête de somme pour le transport du bois et du fourrage et il d’autres tâche non moins importantes à faire. L’arboriculteur s’occupe de planter, tailler, greffer, il peut être aussi à ses heures de loisir, apiculteur ou rebouteux. Les femmes des agriculteurs jouent des rôles importants pour tous : faire à manger, élever des petits enfants, faire le feu pour cuisiner, s’occuper de bien d’autres tâches ardues et toutes ces activités que le destin a voulu qu’elle soient les seules à pouvoir les accomplir dans la dignité, toute sa vie de responsable d’un secteur sensible, elles s’en sont occupées méticuleusement.
Et chacun de faire du mieux qu’il pouvait pour rendre à chacun la vie agréable, en essayant de réduire les difficultés de la vie. La famille est une école où tous les jeunes apprennent toutes les pratiques agricoles en lien avec les aléas des conditions atmosphériques et la qualité du travail. C’est une culture qui s’acquiert au fil du temps par le contact direct et permanent avec les plus chevronnés, on y apprend à prendre conscience de son rôle à exercer avec sérieux pour le bien de la collectivité. Cela consiste à rendre chacun responsable de son travail, facteur de prospérité et du temps qu’il faut savoir gérer à bon escient ainsi que du savoir faire de chacun nécessaireCela consiste à rendre chacun responsable de son travail, facteur de prospérité et du temps qu’il faut savoir gérer à bon escient ainsi que du savoir faire de chacun nécessaire pour un meilleur rendement. Donc, la vie dans les champs était subordonnée à des règles de conduite strictes et à un code édicté par les anciens.

La vie dans les champs, une suite d’odyssées
La vie dans les a toujours été une lutte perpétuelle, un combat quotidien qui est mené pour assurer l’avenir, préserver les récoltes qui assurent l’alimentation pour une longue période. C’est lorsqu’on interroge les travailleurs qu’on découvre ce qu’ils ont subi pour arriver à faire fructifier leur dur labeur. Une fois, c’était au moment des moissons, un propriétaire de champ qui avait fort à faire avec sa récolte, il utilisait sa faux pour couper les tiges et rassembler celles-ci en gerbes. C’était de l’orge et cette année là, il y eut une très bonne récolte si bien que notre fellah avait du mal à terminer sa moisson. Chaque jour, il commençait le plus tôt possible pour ne terminer que très tard et il rentrait chez lui bien après le coucher du soleil. Sa femme, au lieu de le comprendre lorsqu’il racontait des difficultés qu’il avait à terminer et d’après son état d’homme fatigué, sentant la sueur, elle le soupçonnait d’aller ailleurs après le travail. Un jour, elle lui proposa de venir travailler avec lui, l’homme fut enchanté d’avoir de la compagnie et dès le lendemain, la femme se mit à l’œuvre avec sa faucille, elle moissonnait tant qu’elle put, le matin, mais l’après-midi, la fatigue commença à se faire sentir tandis que son mari travaillait sans se retourner et il avançait infatigablement.
Cependant pour la dame, le moissonnage se faisait de plus en plus pénible. Elle demanda à son mari si elle pouvait continuer mais en s’asseyant, d’accord lui dit son homme. Elle supporta le travail tant qu’elle put et on sentait qu’elle fut au bout de ses forces si bien qu’elle demanda à son mari de travailler en se couchant. «Lève-toi !», lui dit-il et rentrons vite à la maison. Jamais on n’a vu quelqu’un moissonner couché. Voilà un modèle de couple qui peut inspirer pour un théâtre comique, on peut faire jouer cette histoire en une comédie en trois actes mettant en relief deux caractères qui n’arrivent à se comprendre. Une femme soupçonneuse qui fait des siennes à son mari à chaque fois qu’il rentre tard, lessivé de son travail. Au lieu de comprendre, sa méchante épouse lui fait la tête, quelquefois c’est des scènes de ménage à n’en plus finir.
Le mari, est bon de caractère, il veut sauver le couple fragilisé. Il ne dit rien, ayant la conscience tranquille, il espère que l’orage passager va passer, il ne dit rien par esprit de sagesse et c’est très discret alors que sa dame lave son sale en public, elle raconte à toutes ses amies ce qui lui arrive, bien qu’il n’y ait rien d’anormal, elle dramatise. Et puis, un jour, elle a voulu être plus près de la réalité et décide d’aller voir le bal champêtre où son mari s’attarde chaque soir, elle découvre la réalité. Si elle avait un gramme de logique, elle aurait pensé qu’avec l’état dans lequel rentrait son mari, il n’y avait pas lieu de penser à la tromperie. Les choses se sont passés ainsi, mais pour une pièce de théâtre tragicomique, pour un grand dramaturge qui sait transformer la réalité en une donnant quelques notes de fiction, la pièce serait enrichie. Tel es le travail de maître de la mise en scène.

Des marchands de blé ambulants  et  à  dos de chameau
Jadis, il y avait des caravanes de chameaux chargés de blé ou d’orge qui se rendaient, au mois de septembre, des Hauts- Plateaux vers le Nord, et chaque année, ces caravaniers n’avaient jamais failli à cette corvée difficile. S’agissait-il de fellahs qui, après les moissons et les battages, se chargeaient de la vente de l’excédent de production de blé et d’orge ? Nul ne se posait la question. Ce qu’on savait, c’est qu’ils séjournaient quelques jours sur les places publiques, le temps de finir leur vente et à la grande joie des enfants qui n’avaient pas l’habitude de voir débarquer chez eux un aussi grand nombre de chameaux transportant une aussi grosse quantité de céréales.
C’était à une époque où chaque famille faisait une réserve annuelle de blé ou d’orge, car il y avait des moulins qui faisaient face à la demande. Il parait d’après certains vieux, très informés en histoire, ces caravaniers ont existé depuis les temps anciens où il n’y avait pas encore de route carrossable. Et pour arriver, ils devaient traverser bien des terrains accidentés, des rivières, des endroits inconnus, mais ces hommes avaient le sens de l’orientation. Ils venaient par des chemins de traverse, parcouraient des kilomètres pour vendre à des populations qui avaient coutume d’acheter du blé et de l’orge qu’on aimait caresser, parce qu’ils étaient d’Algérie.
A l’époque, il y avait beaucoup de moulins qui marchaient tout le temps pour répondre aux besoins d’une population qui constituait des réserves pour l’année et qui se nourrissaient essentiellement de couscous et de galettes, plus d’autres plats que l’on réalisait dans les grandes occasions. Autres temps, autres situations, aujourd’hui il n’y a plus de blé ni d’orge à moudre car plus de moulins. De temps en temps, on découvre des ruines de moulins et de grosses meules renversées envahies par les mauvaises herbes, ça fait partie de l’histoire, une longue histoire de moulins à moudre le blé et l’orge bien de chez nous. Et une histoire pour un bon théâtre champêtre. Il faut auparavant réaliser de bons scénarios.

Une histoire insolite parmi d’autres
Il y en a et de très belles. Une fois, un berger qui gardait un troupeau de chèvres avait tardé à rentrer à cause de ses bêtes ruminantes qui profitaient des derniers instants pour se remplir la panse. Le soleil s’était couché quand tout à coup il s’était senti incapable d’avancer, il était atteint de troubles de la vision qu’on appelle boutellis en langage local. Ne voyant rien autour de lui, il appela ses chèvres, près d’une centaine, qui vinrent d’elles mêmes pour se regrouper en cercle, sentant le danger. Mais, sa famille s’inquiéta parce qu’il n’était pas rentré comme à ses habitudes, et on alerta tout le village. Tout le monde vint à son secours, on alla directement à l’endroit où il avait coutume d’emmener paître son bétail, et on le trouva assis au milieu de ses chèvres, attendant quelque secours. On craignait surtout les chacals qui avaient commencé à glapir. Heureusement que tout le monde s’était mobilisé pour l’aider à rentrer avec son cheptel.
Boumediene ABED