La résurgence de la parole libérée d’extrême droite raciste

Enjeux contemporains

Face a la montée de l’extrême droite raciste en France, l’état apathique de la communauté franco-maghrébine expressément prise pour cible est incompréhensible.
A l’approche de la prochaine élection présidentielle qui constitue le pivot de la politique française, tout un chacun a pu voir ressurgir dans les médias français une OPA des thèmes de l’extrême droite dans le champ médiatique. Ce venin qui ne dit pas son nom prend pour cible ouverte l’Islam et plus particulièrement le musulman. La parole la plus abjecte s’est libérée. La France s’inscrit parfaitement
dans cette nouvelle ère mondiale des tendances populistes qui prospèrent durant les périodes de crises économiques, sanitaires. Mais la France se singularise aussi par sa relation spéciale avec ces populations jetées en pâture à la vindicte médiatique en raison de son Histoire d’ancien Empire colonial et sa zone de d’influence-domination exercée encore en Afrique. Il est dorénavant très aisé aux tenants des thèses racialistes et essentialistes de tenir des meetings, des propos dans les grands médias français pour fustiger le musulman, coupable de tous les maux de la société française, de sa décadence, de « dé-civilisation ». La théorie du Grand Remplacement est dans la lignée de mouvance raciste. L’Histoire nous enseigne que la désignation d’un boucémissaire relève d’une pathologie malsaine qui n’en est pas moins très dangereuse.

La génération contemporaine franco-maghrébine doublement redevable
La communauté franco-maghrébine en France est bien éparse. Elle représente pourtant près de 9 millions de personnes ! Elle se distingue par son invisibilité et son incapacité à faire corps lorsqu’elle est ainsi vouée aux gémonies les plus abjectes.
Pourtant, elle doit impérativement prendre conscience qu’elle est doublement débitrice à l’égard de ses aïeux et à l’égard de ses enfants. Elle se situe dans un point de bascule de son Histoire. Elle est redevable à l’égard de ses parents et grands-parents. Ces derniers, enfermés dans l’illettrisme et la pauvreté ont été appelés en France pour reconstruire le pays quand il en avait grand besoin. Cet appel insistant à cette main d’œuvre docile et corvéable permettait de pourvoir les emplois les plus pénibles là où les besoins de bras étaient les plus criants. Sans maîtriser la langue, souvent dans le silence du passé colonial et des vexations du quotidien, nos parents et grands-parents, dépourvus de toute éducation, se sont sacrifiés pour offrir à leurs enfants une vie meilleure. Leurs enfants ont une dette à leur égard, une dette liée à leur sacrifice dont ils doivent se montrer à leur hauteur surtout lorsque leurs mémoires sont ainsi souillées par ce discours raciste.
Ces enfants sont aussi redevables à l’égard des générations futures. Nous sommes dans un moment pivot. Bien sûr des réussites professionnelles et économiques existent à foison dans le silence. Des maires d’origine franco-maghrébines ont été élus de la République. Toutefois ces réussites individuelles ne suffiront pas à résister à la montée essentialiste de la société française. Il y a lieu de s’interroger de notre responsabilité à l’égard de nos enfants et des générations futures. Ils pourraient valablement nous demander des comptes. Mais qu’avez-vous fait en tant que citoyens organisés pour faire faire à cette montée fasciste ? Qu’avez-vous fait ?
Il est inutile de penser que vous échapperez à cette interrogation à titre personnelle, quelle que soit votre réussite professionnelle. Il s’agit d’un enjeu qui nous dépasse, de notre trace laissée dans l’Histoire de nos familles. Cette inertie est l’une des causes de la crise identitaire de la jeunesse franco-maghrébine. Cette jeunesse fantasme le pays de leurs parents dont ils ne maîtrisent même pas la langue et sont désignés comme étrangers en France, non assimilable. Quel est donc leur avenir dans ce désarroi identitaire ?

Face a cette menace historique, l’état inerte de la communauté franco-maghrébine interroge
Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour constater l’absence totale de réaction de la part de la communauté franco-maghrébine. Cette même communauté ne semble pas à la hauteur des enjeux contemporains. Les visas ont été purement et simplement supprimés dans les faits. Le silence de la communauté franco-maghrébine est éloquent. Comment est-il possible qu’une frange si importante
de la population française ne pèse quasiment rien dans la détermination des décisions politiques qui les concernent principalement ? Il y a certes des stratégies individuelles de réponse. Mais aucun mouvement structuré n’a vu le jour pour transcender les différences éventuelles entre franco-maghrébins pour peser sur le débat national. Et pourtant il existe de formidables élans de solidarité lorsque des causes humanitaires s’imposent. Cela signifie que cette capacité à faire société existe.
La division et l’absence de front commun de la communauté franco-maghrébine constituent la voie rêvée pour tous les extrêmes-droites. Ce vide organisationnel contraste avec la capacité d’autres mouvements à se fédérer et faire entendre leur voie. Malgré leur profond antisémitisme, les mouvements d’extrême-droite ne pourront jamais tenir les propos qu’ils tiennent à l’égard des musulmans contre d’autres communautés. Ces dernières, conscientes de leur vulnérabilité et de leçons de l’Histoire, se sont organisées pour faire front républicain.
Nous vivons à un moment tragique de notre Histoire, un point de bascule. Chacun doit s’interroger quelle que soit sa trajectoire personnelle. Quelles traces laisserais-je de l’Histoire de ma famille, de ma famille franco-maghrébine ? Se poser la question c’est commencer à y répondre. Alors interrogeons-nous, interrogez-vous. Nos aïeux nous regardent sévèrement, nos enfants nous contemplent attentivement.
Brahim Mabrouki
Président de l’Association
Le Grand Maghreb