Pour une appréciation objective de la rentabilité réelle

A propos de la découverte du pétrole-gaz par Sonatrach et ENI dans le bassin de Berkine

Sonatrach a annoncé la découverte du périmètre Zemlet El Arbi qui est situé dans la région prolifique du Bassin de Berkine à près de 300 km au sud-est de Hassi Messaoud où le test de production, pour un puits a donné lieu à – 46.4 m3/heure (7.000 barils/jour) d’huile et 140.000 m3/jour de gaz associé, selon Sonatrach, la structure HDLE renfermant environ 140 millions de barils de pétrole brut en place. Suite à cette annonce, nous avons assisté à l’implosion de joie de bon nombre de commentateurs et de soi-disant experts, toujours cette mentalité rentière qui a fait tellement mal au pays, car comme pour le reste des départements ministériels, s’impose un discours objectif, afin de ne pas induire en erreur l’opinion nationale, ni sinistrose, ni autosatisfaction, condition d’une nouvelle gouvernance afin de redresser l’économie nationale, car pour les hydrocarbures, principal ressource en devises du pays, l’Algérie est confrontée à une forte concurrence.Les données de Sonatrach concernent que des valeurs de test d’un seul puits «DST», certes intéressantes, ayant donné de bonnes valeurs de test, mais étant prématuré de se prononcer sur la rentabilité pour une production relativement moyenne. L’on devra éviter les utopies, ne pas induire en erreur l’opinion intérieure non informé étant un sujet très technique, mais pas les experts algériens en énergie et les étrangers qui connaissent parfaitement la situation car de grands gisements pour le pétrole et gaz traditionnel, comme Hassi Messaoud et Hassi R’mel, c’est fini. Les annonces sur un sujet si stratégique peuvent être parfois décevantes car des quantités faibles peuvent, éventuellement être utilisées uniquement pour la réinjection de récupération secondaire de pétrole.
Les valeurs données par Sonatrach étant en 2P (prouvé et probable) mais un seul forage est loin de permettre de connaître les réserves prouvées devant perforer d’autres puits pour avoir une appréciation définitive. Donc des travaux supplémentaires sont nécessaires pour affiner les résultats et les transformer de 2P à 1P(prouvé), de continuer par des travaux de délinéation en forant d’autres puits minimum entre 03/05, pour délimiter la surface de la structure et son volume. En termes de valeur d’actifs, pour le moment, cette information ne donne aucune valeur acceptable par les banques, où c’est la délinéation obtenue par plusieurs forages sur le gisement en cours d’exploration qui permet d’aboutir à ce qu’on appelle les réserves prouvées.
La rentabilité sera donc fonction du coût, lui-même fonction de l’investissement engagé, et de l’ évolution du prix au niveau international très fluctuant comme en témoigne les impacts des tensions en Ukraine. Sur le plan de la démarche opérationnelle, ce n’est qu’après une étude approfondie que sera lancée la modélisation de la structure et l’élaboration du plan de développement, dont le nombre de puits à forer, le niveau de production journalier, le plateau de production, la réinjection nécessaire d’eau ou de gaz, les installations à construire ou les installations existantes les plus proches si elles ont de la surcapacité et ce afin d’entamer les réalisations pour commencer la production d’une manière optimale. Dans la précipitation, et pour des impératifs de besoin de production, un raccordement direct des puits peut-être effectuer sur les installations les plus proches, sans les études nécessaires et sans un plan de développement, mais, ça sera, une exploitation sacrificielle de la structure de façon non optimale, certes des gains à court terme mais au risque d’épuiser les puits rapidement et donc le potentiel futur.
Sous réserves des conditions techniques énumérées précédemment, une information objective condition de décisions stratégiques fiables, implique de répondre à cinq questions afin de ne pas induire en erreur les plus hautes autorités du pays : premièrement quel est la durée de vie de ces gisements ; deuxièmement, combien par an en volume (production physique) cette découverte permet d’augmenter la production actuelle, pétrole et gaz, en baisse depuis 20078/2008 et quel pourcentage par rapport aux réserves actuelles d’environ 10/12 milliards de barils de pétrole et de 2.500 milliards de mètres cubes gazeux, un pourcentage relativement faible selon nos calculs pour l’ensemble du gisement et rentable seulement pour un cours supérieur à 60 dollars le baril ; troisièmement, que reste-t-il en volume tenant compte du pourcentage de la réinjection dans les puits afin d’éviter leur épuisement ; quatrièmement, quel a été l’investissement global, le coût d’exploitation ; cinquièmement, quelle recette globale attendue sur les trois prochaines années après la mise en exploitation de ces nouveaux puits, selon plusieurs scénarios, par exemple hypothèse 80 dollars le baril de pétrole, pour le gaz l’ hypothèse 20 dollars le MBTU et les recettes nettes restant à Sonatrach puisque l’ENI, selon la règle des 49/51% a une part de 49% ( notre interview à la radio publique arabophone Chaîne I 21/03/2022).
Dans ce cadre, il est intéressant, étant dans un marché concurrentiel de voir qui sont les 10 grands pays possédant les plus importantes réserves de pétrole et de gaz dans le monde et quels sont les 10 premiers pays d’Afrique ? Pour le pétrole traditionnel, les réserves prouvées, nous avons par ordre décroissant : le Venezuela 299 milliards de barils, l’Arabie Saoudite 266, l’Iran 157, l’Iran 143, le Koweït, 97, la Russie 80, la Libye 48, le Nigeria 37, et les UZDA 36. Pour le gaz par ordre décroissant nous avons la Russie 37.400 milliards de mètres cubes gazeux traditionnels, l’Iran 32.100, le Qatar 24.100, le Turkménistan 13.600, les USA 12300, la Chine 8.400, le Venezuela 6.300, l’Arabie Saoudite 6.000, les Empirâtes 5.900 et le Nigeria 5.500, l’Algérie 2.500. Pour les 10 premiers pays en Afrique pour le pétrole traditionnel nous avons par ordre décroissant : la Libye 48,4 milliards de barils, le Nigeria 37,0, l’Algérie 12,2, l’Angola 7,8, l’Egypte 3,3, la République du Congo Brazzaville 2,9, l’Ouganda 2,5 et le Gabon 1,5. Si le marché pétrolier est un marché mondial répondant aux mécanismes boursiers, le marché gazier est segmenté par régions, avec la domination des canalisations, depuis quelques années, nous assistons à la percée du GNÔLE mais qui coûte plus cher pouvant varier entre 20 à 30% en fonction de la distance. Selon le site planète énergie, en 2020, environ 380 méthaniers sillonnent les océans du monde entier, mais à des prix exorbitants au départ avec l’impact de l’épidémie du cortinaires et récemment avec l’envoyée du prix des hydrocarbures. Ces navires gigantesques, longs de 200 à 350 m, et équipés d’une double coque, transportent jusqu’à 260.000 m3 de GNÔLE. Ils sont capables de le maintenir à -160  ° C tout au long des milliers de kilomètres qu’ils parcourent sur les océans. Principalement deux types de méthaniers sont actuellement en service : des méthaniers équipés de cuves sphériques en aluminium, ancrées à la coque du navire par une jupe en acier et recouvertes d’une isolation et des méthaniers à membrane, dont les cuves sont intégrées à la double coque du navire et en épousent les contours.
Selon les dernières données pour 2020, vingt pays exportent du gaz naturel liquéfié– GNÔLE dans le monde, dont 9 en Afrique et au Moyen-Orient, six pays exportant à eux seuls près des trois quarts des volumes de GNÔLE transitant annuellement dans le monde. Plus de 70% de la demande mondiale de GNÔLE provient d’Asie, les principaux pays importateurs étant le Japon, la Chine et la Corée du Sud, le transport du GNÔLE par navire méthanier permettant de s’affranchir partiellement des contraintes géographiques et géopolitiques. L’Australie étant devenue en 2020 le principal exportateur mondial de GNÔLE, devant le Qatar, avec la montée en puissance de nouveaux projets (comme Prélude FLNG ). Six pays exportent à eux seuls près des trois quarts des volumes de GNÔLE transitant annuellement dans le monde : l’Australie : 21,8% des exportations mondiales de GNÔLE en 2020 (avec 77,8 millions de tonnes exportées) ; le Qatar : 21,7% (77,1 Mt) ; les États-Unis : 12,6% (44,8 Mt) ; la Russie : 8,3% (29,6 Mt) ; la Malaisie : 6,7% (23,85 Mt) , le Nigéria : 5,8% (20,55 Mt) et les USA ayant mis en service de nombreuses installations de liquéfaction depuis 2018 pour augmenter les exportations d’une partie de leur production de gaz de schiste. Mais n’oublions pas, omis souvent dans les statistiques internationales, le Mozambique abritant les plus grandes réserves des pays d’Afrique de l’Est, avec près de 5.000 milliards de mètres cubes. Soit presque autant que le Nigeria sur deux blocs offshore dans la province de Cabo Delgado à l’extrême nord du pays. Avec l’impact du réchauffement climatique, de la crise du cortinaires et récemment avec la crise ukrainienne, plus jamais le monde ne sera comme avant préfigurant d’importantes mutations dans les relations internationales, militaires, sécuritaires, politiques, culturelles et économiques, où la crise ukrainienne a des impacts sur le cours du pétrole/gaz, mais également sur la sécurité alimentaire dont la Russie et Ukraine représentent en 2021 30% des exportations mondiales où devant dresser la balance devises, la hausse du cours des recettes d’hydrocarbures est fortement contrebalancée par la hausse des prix tant des produits alimentaires, des matières premières que des équipements pour des pays dépendants que des hydrocarbures, dont le prix est fonction des facteurs déterminants de la géopolitique, de l’évolution de la croissance de l’économie mondiale et du futur modèle de consommation énergétique axée sur l’efficacité et la transition énergétique.
En conclusion, en ces moments de grandes tensions géostratégiques, espérons une nouvelle gouvernance et une vision à moyen et long du développement, loin des tâtonnement quotidiens, la publication rapide des décrets d’application de la loi des hydrocarbures et le nouveau code d’investissement qui doivent coller à la nouvelle réalité mondiale, afin d’attirer tant l’investissement national qu’étranger créateur de valeur ajoutée.

Professeur des universités, expert
international Dr Abderrahmane