Posant un problème de sécurité nationale pour éviter les tensions déstabilisatrices, repenser le système protection sociale pour les activités informelles

Face à la crise économique

Toues els études internationales notamment celles de la Banque mondiale, du FMI, du PNUD et de l’OCDE montrent clairement que la sphère informelle notamment dans les pays en voie de développement sert de soupape de sécurité, permettant une relative cohésion sociale, face à une pression démographique galopante et le faible taux de croissance qui ne permet pas de créer au niveau de la sphère réelle le maximum d’emplois durables, certains pays se réfugiant dans des emplois improductifs dans l’administration pléthorique.

Comment dès lors, avec la crise actuelle avec le confinement assurer la protection sociale de ces millions de personnes travaillant dans la sphère informelle au moment où le pays traverse une très grave crise économique, les réserves de change pouvant assurer 18 mois de tampon social. Aucun gouvernement depuis l’indépendance politique malgré des discours n’a pu intégrer cette sphère au sein de la sphère réelle, comme démontré dans deux études «le poids de la sphère informelle au Maghreb face aux enjeux géostratégiques» pour l’Institut Français des Relations Internationales IFRI (Paris France décembre 2013) et dans une contribution parue en décembre 2019 au niveau de la revue stratégie de l’IMPED-Ministère de la Défense nationale, existant plusieurs méthodes de calculs, chaque méthode donnant un montant différent, avec un écart de 10/20%. Nos enquêtes ont pu démontrer notamment au Maghreb et en Afrique où cette sphère est dominante, un lien dialectique entre la corruption et l’extension de cette sphère, avec de surcroît l’effritement du système d’information qui rend difficile sa mesure et toute régulation économique, politique et sociale.

1.- La loi de finances 2020 élaborée en décembre 2019 avant la crise économique qui a vu le cours des hydrocarbures (pétrole et gaz) divisé par deux doit être repensée tant pour limiter la baisse des réserves de change que limiter le déficit budgétaire et l’Algérie devra en tirer les leçons pour ne pas dépendre éternellement d’une rente éphémère. Le cadrage macro-économique de la loi de finances 2020 a été établi sur la base d’un baril de pétrole à 50 dollars et un prix de marché à 60 dollars, un taux de change de 123 DA/dollar, un taux d’inflation de 4,08% et un taux de croissance de 1,8% (contre 2,6% dans les prévisions de 2019). Ce taux de croissance risque d’être négatif pour 2020. Sous réserve d’une production hydrocarbures en volume physique identique à celle de 2019, ce qui n’est pas évident puisque le principal marché est l’Europe en crise, pour le chiffre d’affaire (recettes de Sonatrach) à 40 dollars le chiffre d’affaire, serait de 20,6 milliards de dollars et le profit net de Sonatrach se situerait autour de 15,5 milliards de dollars, 30/40/% des gisements marginaux n’étant plus rentables et à 30 dollars le chiffre d’affaire, serait de 15,5 milliards de dollars et le profit net de Sonatrach se situerait autour de 11,5 milliards de dollars, 70% des gisements ne seront plus rentables et à 25 dollars le chiffre d’affaire, de Sonatrach serait de près de 12,9 milliards de dollars et le profit net 9,6 milliards de dollars devant fermer 80% des puits. C’est que les prévisions de la loi de finances 2020 qui fonctionnent en réalité selon le FMI sur la base d’un cours de 95/100 dollars (50/60 dollars étant des artifices comptables) ainsi que des prévisions de recettes de Sonatrach de 35 milliards de dollars pour 2020 ainsi que d’un montant des réserves de change de 51,6 milliards de dollars fin 2020 seront difficiles à atteindre avec la crise actuelle qui a vu le cours de pétrole et du gaz s’effondrer de plus de 50%. Dans la présentation de la loi de finances 2019, l’ex-ministre chargé du secteur avait annoncé fin 2020, un niveau de réserves de change de 51,6 milliards de dollars. Les recettes se sont basées sur une augmentation des revenus des exportations des hydrocarbures en 2020 de 2% par rapport à 2019 pour loi atteindre 35,2 milliards de dollars, contre 34,5 milliards de dollars en 2019, en raison d’une augmentation de 2,06 % des quantités des hydrocarbures devant être exportées. Le niveau des réserves de change a été calculé avec l’hypothèse d’un accroissement des recettes de Sonatrach et d’un niveau des importations de biens, de 38,6 milliards de dollars en 2020, devant tenir compte des services, souvent oubliés entre 9/11 milliards de dollars par an entre 2010/2019.

2.- Comment dès lors créer entre 350 000/400 000 empois par an entre 2020/2025, qui s’ajoutent au taux de chômage actuel nécessitant un taux de croissance de 8/9% par an pour éviter de vives tensions sociales ? La sphère informelle contrôle selon la Banque d’Algérie plus de 33% de la masse monétaire en circulation, et plus de 50% dd la valeur ajoutée hors hydrocarbures. Et sur environ 12,5 millions de la population active sur plus de 44 millions d’habitant en mars 2020 environ 40% de la population active 5 millions sont sans protection sociale rendant difficile leurs prises en charge. Ils sont sans revenus pour bon nombre qui ont cessé leurs activités, sans compter que bon nombre de ménages vivent dans deux trois pièces plus de 5/8 personnes avec des impacts psychologiques. A cela s’ajoute, selon certaines organisations patronales qui évoquent plus de 1,5 millions de pertes d’emplois dans la sphère réelle. Cela a un impact négatif sur le taux de chômage avec une population de 44 millions d’habitants au 1er janvier 2020, une population active d’environ 12,5 millions où selon le FMI, en raison du ralentissement du taux de croissance, dominée par l’impact de la dépense publique via la rente Sonatrach, avant la crise, prévoyait 12% de taux de chômage en 2020 et 13,5% en 2021, ce taux ne tenant pas compte des emplois rente, faire et refaire les trottoirs. Et l’on devra prendre en compte, en attendant la réforme du système des retraites qui sera le grand défi des années à venir ; le vieillissement de la population, où la moyenne d’âge des deux sexes selon le rapport de l’ONU, 2018, est à environ 78 ans de durée de vie. Car pour la situation sanitaire, l’on doit rendre un grand hommage au corps médical qui malgré la faiblesse des moyens, fait de son mieux. Cela pose d’ailleurs la problématique des subventions qui ne profitent pas toujours aux plus défavorisés (parce généralisables à toutes les couches) rendant opaques la gestion de certaines entreprises publiques et nécessitant à l’avenir que ces subventions soient prises en charge non plus par les entreprises mais budgétisées au niveau du Parlement pour plus de transparence.

3.- J’ai beaucoup appris, étant simplement un modeste économiste, le plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir, avec des experts internationaux médecins de différentes spécialités, biologistes, psychiatres, venant d’une rencontre internationale à Paris sur la question «des relations médecin-malade» et l’impact de la crise sur le système sanitaire et économique le mardi 10 mars 2020. Cette rencontre a été animé en sans être exhaustif, par le professeur Pierre Corvol, président de l’Académie des sciences, le professeur Jean-François Allilaire, secrétaire perpétuel de l’Académie nationale de médecine, Emile H. Malet, directeur de la revue Passages, et les professeurs Monique Adolphe, Francis Michot et Jacques Milliez, membres de l’Académie nationale de médecine. La conclusion est qu’il faille revoir le sytème de santé au niveau mondial, n’étant pas antinomique avec l’économique, une personne saine créant plus de valeur et que personne ne peut prédire ni la durée de l’épidémie et qu’il n’existe pas de médicaments miracles pour une guérison totale, certaines molécules donnant seulement plus d’effets positifs que d’autres. Pour les différents remèdes, en attendant un vaccin qui demandera pour son efficacité plus d’une année, si les tests sont concluants. L’on agit actuellement par tâtonnement devant différencier le sexe, la structure d’âges et les spécificités humaines saines ou atteintes de différentes maladies antérieures, nécessitant un remède spécifique. La plus grande inquiétude de ces éminents experts que j’ai rencontrés, étant l’Afrique (des scientifiques britanniques prévoient l’explosion des cas de contaminations par le coronavirus (covid-19) en Afrique à 450 000 seulement pour le mois de mai 2020 qui seront affectés par le virus), avec des incidences dramatiques, ayant un système sanitaire déficient malgré les nombreuses compétences individuelles avec un exode de cerveaux massifs et pas de protection sociale, pour certains pays la sphère informelle représentant plus de 70/80% de la population occupée. Les incidences seront donc sanitaires, sociales et économiques.

4.- Pour l’Algérie, la crise actuelle de 2020 a donc montré toute sa vulnérabilité reposant sur une ressource éphémère dont le prix dépend de facteurs exogènes échappant, à toutes décisions internes, posant la problématique de sa sécurité nationale. Face à une crise sans précédent touchant toute la planète, le monde ne sera plus jamais comme avant, la crise de 2020 préfigurant, non pas la fin de la mondialisation, mais une nouvelle architecture des relations entre l’Etat régulateur et le marché encadré pour certains services collectifs (santé, éducation) et d’importants impacts sur les relations politiques et économiques internationales. Pour l’Algérie, en cette période de crise, s’impose la solidarité nationale, passant par une moralité sans faille des dirigeants, la compétence et l’expérience de la gestion nouvelle du management politique et économique. Ce n’est qu’une première épreuve, l’Algérie étant indissociable de l’évolution du monde. Le XXIe siècle sera confronté à de profonds bouleversements et à relever de nombreux défis imposant une nouvelle gouvernance locale et mondiale, liées à la pression démographique, (l’Afrique le quart de la population mondiale horizon 2040/2050 avec 2,4 milliards sur 9,7) : la guerre de l’eau liée à la guerre alimentaire, la guerre biologique, la guerre numérique et la guerre écologique, avec d’importants flux migratoires dus au réchauffement climatique (sécheresse, inondation, vents violents, cyclones) avec des recompositions territoriales, ces quatre guerres, ayant des incidences sanitaires, économiques et sécuritaires. L’on devra repenser notre modèle de développement fondé impérativement sur une meilleure gouvernance centrale et locale, la valorisation des compétences loin des relations de clientèles et la nécessaire transition énergétique. Le ponde devra changer de paradigme, évitant des calculs micro-économiques étroits de l’entreprise appliqués sans tenir compte du contexte social aux services collectifs et donc réhabiliter la fonction de bien-être collectif. L’Algérie doit donc se préparer à de nombreux défis en ces moments difficiles avec les tensions internes inévitables sur les réserves de change (moins de 60 milliards de dollars fin mars 2020) et budgétaires entre 2020/2022. Mais il faut être réaliste et modeste : que représente ce montant, résultat de la rente des hydrocarbure à plus de 98% d’un PIB moins de 200 milliards de dollars, irrigué par la rente, en comparaison de pays cent fois plus riches que nous, face aux montants faramineux débloqués entre mars et avril 2020, de plus de 2 000 milliards de dollars USA et 1 000 milliards de dollars par la BCE auxquels, il faut ajouter 500 milliards de dollars par les institutions annexes européennes, sans compter les pays riches d’Asie comme la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Pour assurer à la fois la protection sociale et les activités économiques.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul