L’histoire du hammam, «bain maure»

Tradition

Le hammam ou le bain maure, cet établissement de bain traditionnel où les salles chaudes succèdent aux salles froides, tire son nom du mot arabe hami, qui signifie chaud. Ce lieu de palabres intimes où règnent les brumes parfumées au rythme des murmures d’eau, des rires et parfois de pleurs d’enfants reste un moment de détente, mais également, un lieu de purification, puisque les gens pieux s’y rendent pour se débarrasser de leurs oripeaux visibles, en vue d’une initiation aux mystères cachés, après être passés par le dénuement progressif, (el khol3). ».

En remontant l’histoire de cette tradition du bain maure, nous atteindrons les époques grecque, romaine et ottomane. Avec l’expansion de l’Islam, le bain devient un rituel ancré dans la culture maghrébine. S’il n’y avait pas eu les Romains et les Grecs, nous prendrions probablement encore des bains glacés et des douches froides. C’est en effet grâce à l’invention du romain Thermea, que le bain chaud et beaucoup de nos traditions de bain modernes, comme le bain de vapeur turc ou hammam, ont trouvé leurs origines. Le hammam est probablement la tradition de bain la plus ancienne du monde. Avant d’être conquise par les Ottomans, en 1450, Constantinople, aujourd’hui Istanbul,anciennement capitale de Byzance, fut gouvernée par les romains des siècles durant. En mêlant leurs traditions de bain aux habitudes de bains romains, ils créèrent ainsi le nouveau rituel de purification, conforme aux exigences musulmanes et aux règles de la religion islamique. Les turcs l’appelèrent hammam, source de chaleur. Si les Romains centralisaient des bains immenses en un complexe (voir la photo ci-contre), où se retrouvaient des milliers de personnes qui se retrouvaient pour leur bain quotidiens, mais également pour échanger les potins et rester informés des dernières nouvelles, les Ottomans, eux, y ont apporté les règles de propreté conformément à la loi islamique, imposant de pratiquer ces rituels de purification avant la prière.
Contrairement aux Romains, les Ottomans ont opté pour des maisons de bain plus petites, mais plus nombreuses dans la ville. D’ailleurs, c’est pour cette raison que les hammams sont souvent situés près d’une mosquée. L’autre différence est architectural, et consiste en l’absence du bassin d’eau froide, dans les hammams ottomans, qui, dans les bains Romains est destiné à submerger le corps entièrement. Les Ottomans préfèrent utiliser l’eau courante présentée dans des bols pour ôter le fameux savon noir. Pour reprendre ses esprits après le bain chaud, dans la salle chaude où la vapeur peut parfois étourdir, les Ottomans ont mis en place une pièce froide où les usagers prennent place à la fin du bain, contrairement aux Romains qui l’utilisaient lors de la préparation de leur bain. A ses débuts, le hammam était strictement réservé aux hommes.
Mais au vu de ses diverses vertus, on permit aux femmes malades et celles venant de donner naissance de s’y rendre. Bien entendu, pas au mêmes horaires. Avec le temps, toutes les femmes avaient le droit de s’y rendre. Le Roi Mohamet, selon certains, les aurait autorisée en exprimant le fait que la chaleur des bains améliorait la fertilité. Le Hammam était devenu alors, le moyen; pour beaucoup de femmes, de s’extirper du quotidien et de l’isolement de la maison. Le rituel du Hammam était devenu si important pour la femme, que l’homme interdisant à son épouse de s’y rendre, pouvait être une légitime cause de divorce! N’étant plus un lieu destiné à nettoyer le corps, le bain maure était devenu un lieu de retraite corporelle et spirituelle, où les moments les plus importants de la vie y sont célébrés. Des moments où mets, boissons et musiques sont de mise pour célébrer la purification de l’homme comme de la femme avant le mariage, ou celui de la femme ayant donné naissance quarante jours au par-avant, ou encore la circoncision. En effet, le hammam est un lieu social, faisant partie des équipements collectifs au même titre que la madersa (l’école), la fontaine, et autres lieux.

Organisation de l’espace :
En entrant au Hammam, le client se retrouve immédiatement dans la salle de repos qui sera suivie de trois autres salles successives : La tempérée, la tiède et la chaude. La lumière y pénètre par de petites lucarnes percées dans les voûtes. En Andalousie, où on avait hérité des thermes de Rome et de l’Empire Byzantin, les hammams jouissaient d’une grande réputation, à l’époque des Omeyyades. Leur ornementation était inspirée des riches décors des mosaïques et des fresques de l’église Sainte Sophie de l’ancienne Byzance (Istanbul), ainsi que de Saint Vital de Ravenne, en Italie du Nord, où s’exhibe une richesse exubérante, témoin de l’âge d’Or du règne de Justinien et de Théodora. La séance du Hammam commence dans la pièce froide, le frigidarium, bit el berranyia el barda, se prolonge dans la pièce tiède, le tepidarium, (bit el wastanya), sorte de pièce médiatrice entre la pièce froide et la pièce chaude, le caldarium, bit eskhouna, ou el hamia. Une astuce ingénieuse pour ne pas laisser pénétrer le froid s’introduire dans le vestiblule de la vapeur, mais également pour que le corps s’adapte graduellement à la chaleur qui monte crescendo, à fur et à mesure que l’on avance. Et c’est entrant dans cette dernière pièce que le corps et l’âme sont baignés dans une atmosphère ornée de perles d’eau.
Bab Zman