«Le milieu de notre football n’est pas sain, nos clubs ne sont pas contrôlés»

Ali Fergani :

Incontestablement le sport est, et restera un formidable outil de développement économique et social. Trois composantes sont soudées à ce sport. Il y a le talent du sportif, la technologie, qui devrait être présente pour permettre d’améliorer ses performances et enfin la finance.

Les anciens joueurs professionnels restent connectés à l’actualité sportive, réagissent et chacun à sa manière «on est soumis constamment à la concurrence internationale et l’on doit en permanence se comparer à ce que font les autres et faire mieux parce que nous pouvons faire mieux». Nous avons cet immense plaisir d’avoir en ce début de semaine l’ex-joueur international, très respecté par tous, en l’occurrence Ali Fergani, qui reste à la présidence de l’Amicale des anciens internationaux de football. Quatre questions lui ont été posées et au cours desquelles il évoque ce qui caractérise l’actualité sportive notamment le football national.

La Nouvelle Republique : C’est toujours un plaisir de vous rencontrer et profiter pour vous «arracher» quelques instants afin d’aborder avec vous cette question de reprise ou pas du championnat. Qu’en pensez-vous?
Ali Fergani :
Le plaisir est partagé et je profite pour présenter mes meilleurs vœux à toute l’équipe du journal et à vos lecteurs. Pour répondre à votre question, je suis pour une reprise du championnat. Surtout, il ne faut pas se précipiter, comme l’ont fait les responsables du football français. Chez nous, comme vous le savez, il reste encore huit journées du championnat de Ligue 1 et des équipes ont des matches en retard. Sachez que je n’ai rien, bien sûr contre le CR Belouizdad qui voudrait être déclaré champion et qui souhaite donc que la saison soit clôturée, mais nous avons encore le temps pour éventuellement arrêter le championnat. Les Allemands ont repris, à huit clos évidemment. Les Anglais, les Italiens et les Espagnols vont reprendre, alors attendons de voir comment cela va se passer chez les premiers et faisons comme eux. Bien sûr, en coordination avec les autorités sanitaires de notre pays, surtout ne pas se précipiter. Une fois la date de la reprise fixée, les clubs reprendront les entraînements, pendant 4 à 6 semaines et le championnat se terminera InchaAllah. Tous les clubs seront sur le même pied d’égalité. Bien sûr, si la situation sanitaire se complique et après avis de nos responsables sanitaires, le championnat doit s’arrêter et une réflexion doit être faite, arrêter les classements et la formule des championnats de la saison prochaine. Une fois le championnat de cette saison terminé, et après une dizaine de jours de repos actif (actif très important) et une préparation d’environ 4 semaines, la saison 2020/2021 pourra reprendre.

Comment voyez-vous le football d’aujourd’hui, notamment ce dossier de l’enregistrement sonore ? Vous dites que c’est la confiance entre présidents qui est atteinte, ou encore qu’il est temps de faire le ménage, ou alors ce n’est que passager, il ne faut pas en faire un drame ?
Ce n’est pas nouveau, et ce n’est pas la 1re fois qu’il y a des suspicions de matches arrangés. Simplement, les affaires précédentes ont été étouffées et les précédentes Fédérations, et par le biais de la justice, n’ont jamais été au bout, dans le but d’assainir le milieu du football. Le milieu de notre football n’est pas saint, les clubs ne sont pas contrôlés, ils sont à 99% déficitaires. La direction de contrôle des clubs vient juste d’être créée et encore, à voir si elle aura le courage d’aller au bout, c’est-à-dire prendre des sanctions qui peuvent être la rétrogradation des clubs qui sont dans le rouge. Attendons pour voir, mais cela m’étonnerait. A ma connaissance, le seul club qui s’en sort bien, c’est le Paradou AC qui forme, vend, prête et se maintient logiquement. Dans ce club particulier qui a sa base d’entraînement à lui, à l’avantage d’appartenir à une famille, avec très peu de supporters qui n’a donc aucune pression négative, c’est l’exemple à suivre et à améliorer dans le domaine de la formation, car pour peu que nos clubs construisent leurs bases d’entraînement et s’occupent sérieusement des jeunes, notre football redeviendra l’un des meilleurs du continent.

On dit souvent s’il y a un secteur sur lequel il y a des efforts à faire, c’est bien celui de l’économie du sport, qu’en pensez-vous ?
Forcèment. On n’a qu’à copier ce qui se fait en Europe. Soit on est de véritables clubs pro, ou alors on redevient amateurs. Le professionnalisme est soit disant appliqué depuis 2010. Mais quel professionnalisme, uniquement dans les salaires des joueurs, souvent indécents pour certain qui ne sont même pas internationaux. Les clubs ne payent pas les charges. Les clubs ne vivent que grâce aux sponsors et les subventions et encore, et encore ils ont des difficultés à payer leurs joueurs. Ce n’est un secret pour personne, tout le monde sait que les joueurs manquent de formation Dites-moi quel est le club qui vend autant de maillots que le Real de Madrid ? Pourtant, il y a des clubs qui pourraient en vendre plus, le double même.
Les clubs doivent devenir autonomes financièrement, et les subventions doivent aller vers les jeunes et la formation. Le sport doit être considéré comme un domaine économique et industriel à part entière, avec des produits et des services. Nous devons maintenir cet esprit d’entreprendre qui fait partie de l’ADN des clubs. On récompense à la fois des innovations, pour cela les clubs doivent être gérés par des compétences et surtout devenir de véritables entités commerciales. J’ajouterai que l’Etat doit aussi arrêter de considérer qu’il doit avoir la main mise sur la majorité des clubs (d’une manière ou d’une autre) car qu’on le veuille ou non, notre football est «politisé» car c’est le seul sport qui peut mobiliser sur un seul match des milliers, et quelques fois des millions de spectateurs et de téléspectateurs. Quand vous êtes suivis par des centaines de milliers de spectateurs et des millions de téléspectateurs, vous devez être un service économique et industriel porteur et à part entière.

Que devient votre association et quelles sont ses prochaines actions ?
Pour l’instant, nous sommes à l’arrêt, comme tout le monde, car nos activités qui étaient prévues n’ont pas pu être réalisées à cause du confinement. Pour l’instant, les visites de solidarité prévues pendant le Ramadhan n’ont pu être réalisées, car elles se font en présence de nombreux présents, et surtout parce qu’il était interdit d’organiser ce genres de cérémonies. Dommage, mais l’essentiel c’est que la situation s’améliore, et surtout que cette pandémie soit maîtrisée et que tout le monde respecte les consignes pour éviter qu’il y ait encore plus de dégâts. Pour terminer, je dirais à tous, prenez soin de vous et de vos proches.
Propos recueillis par H. Hichem