Les grandes marques françaises risquent une faillite inévitable

Grande crise du chômage en perspective en France

Le dispositif de chômage partiel aura retardé, mais pas évité, l’explosion des chiffres du chômage. Selon la dernière note de conjoncture de la Banque de France, le taux de chômage devrait grimper à 11,5% en 2021. «Le taux de chômage en France pourrait connaître un pic supérieur à 11,5 % mi-2021. Il diminuerait progressivement en dessous de 10 % fin 2022», ont averti les auteurs de la dernière note mensuelle de conjoncture que publie la Banque de France.

Expliquant que les entreprises doivent faire face à une dégradation brutale de leur activité et de leurs comptes, ils précisent que leur taux de marge et leur taux d’épargne pourraient subir en 2020 le plus fort recul enregistré depuis plus de quarante ans. Cette situation serait la principale cause de la réduction importante de l’emploi que va connaître la France cette année ainsi que dans les années à venir, et qui marquera également un record. En effet, au plus fort de l’impact rétroactif de la crise financière de 2008/2009, la France n’avait atteint en 2015 qu’un taux de chômage de 10,4%. Or, malgré le très coûteux dispositif de chômage partiel mis en place en mars par le gouvernement, la saignée du marché du travail a déjà commencé. Selon les premières estimations publiées par l’Insee, l’emploi salarié dans le secteur marchand a reculé de 2,3% fin mars par rapport à fin décembre 2019, soit une réduction de 453.800 postes, dont plus de 290.000 dans l’intérim. Au quatrième trimestre 2020, le niveau de l’emploi serait inférieur de presque 1 million au niveau atteint fin 2019.
En mai, le nombre de personnes indemnisées au titre du chômage devrait atteindre 7 millions, soit environ 23% de la population active, précise-t-on. Emmanuel Macron avait assuré, mi-mars, qu’aucune entreprise ne serait livrée au risque de faillite, mais la réalité est toute autre. La marque de chaussures André, 600 salariés, enseigne plus que centenaire, rachetée un an et demi plus tôt par Spartoo, a été placée en redressement judiciaire le 1er avril. Le P-dg du site de vente en ligne, Boris Saragaglia, a pointé une multiplication des crises : «Gilets jaunes», grèves «en pleine période de soldes en janvier» et épidémie de Covid-19. Depuis 2008, le marché a perdu 15% de sa valeur, selon l’Institut français de la mode (IFM), et c’est le moyen de gamme qui est le plus touché. Fin mai, le groupe Camaïeu fondé à Roubaix en 1984, employant près de 3.900 salariés en France sur près de 4.300 et à la tête d’un réseau de 634 magasins en France, a été placé en redressement judiciaire.
Quelques jours plus tôt, c’était le cas de Naf Naf qui emploie 1.170 salariés. Et La Halle, qui pèse 847 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel et emploie près de 5.400 personnes, vient de rejoindre la procédure. Céline Choain, spécialiste du secteur mode et distribution au sein du cabinet Kea & Partners citée par la presse explique que le confinement et les fermetures administratives ont avant tout frappé les enseignes où l’activité repose essentiellement sur le réseau physique (80 à 95% du CA). Pour les enseignes de distribution du secteur de l’habillement (prêt-à-porter et chaussures) les plus durement touchées par la perte d’activité liée à la période de confinement, le risque de faillite est important. Mais le redressement judiciaire ne signifie pas nécessairement la mort de l’entreprise.
La justice peut certes prononcer, au terme d’une période d’observation de 6 à 18 mois, une liquidation si le rétablissement de l’activité apparaît impossible, mais elle peut aussi décider un plan de redressement d’une durée maximale de 10 ans, ou une cession totale ou partielle de l’activité. Certaines des enseignes aujourd’hui en difficulté ont ainsi fait l’objet de marques d’intérêt. Naf Naf dispose de deux repreneurs intéressés, le groupe français Beaumanoir et le fabricant turc Sy International. Vivarte, maison-mère de La Halle, déclare aussi avoir reçu sept offres de reprise partielle pour La Halle. Mises bout à bout, elles ne porteraient toutefois à ce stade que sur 60% des salariés, faisant craindre une catastrophe sociale aux syndicats.
Oki Faouzi