Décentralisation et restructuration des partis politiques et de la société civile comme facteur de développement

Face à la crise économique et sociale, les défis de l’Algérie de 2020/2025

Pour éviter des conflits bloquant le redressement national durant cette phase de transition en attendant la reconfiguration politique, la révision constitutionnelle doit tenir compte des nouvelles mutations sociologique, culturelle, politique, économique et géostratégique en institutionnalisant le fonctionnement de la société au sein d’une économie ouverte se fondant sur une réelle décentralisation.

L’effet attractif des grandes villes, a engendré une éclosion de l’habitat spontané, autour des principaux centres urbains, donnant ainsi une naissance, à des quartiers insalubres ne disposant pas toujours, des commodités et d’un cadre de vie adéquat, en raison du caractère anarchique qui a prévalu, lors de leur création. Ces quartiers illicites, très longtemps négligés, n’ont pu être maîtrisés et sont devenus par la force des choses des centres d’exclusion et de marginalisation de pans entiers de la société qui se trouve menacée dans sa cohésion. A défaut d’une politique volontariste de développement intégré, pour une revitalisation des espaces ruraux, seule à même de fixer les populations rurales et de rétablir l’équilibre ville-campagne, le laisser-faire a induit une invasion de nos villes, où le citadin est devenu minoritaire et s’est vu agressé par l’apparition de nouveaux comportements qui influent sur son environnement. L’expérience dans la conduite du développement local a montré que l’effort consenti par l’Etat, pour l’amélioration du cadre de vie de la population et la satisfaction de ses besoins essentiels, n’a été que très faiblement perçu par le citoyen. Ceci s’explique par le fait que la détermination des besoins, par les centres décisionnels (wilaya – daïra – commune) s’élabore souvent, sans l’implication des représentants de la société civile et tout particulièrement des associations de quartiers. Cette attitude à la fois empirique dans l’évaluation des besoins, et dirigiste dans l’initiation des programmes, a privé l’Etat des réseaux de communication qui lui auraient permis de porter son message et a induit une forme d’opacité pour ses actions.
Il s’en est suivi des formes de divorces que symbolise le peu d’intérêt pour la chose publique et des attitudes laxistes chez bon nombre d’élus, quant au respect des règles et principes de l’Etat républicain. Dans sa recherche d’une meilleure cohésion sociale, l’Etat se doit de renforcer dans les plus brefs délais possibles, sa crédibilité, son autorité morale et son efficacité administrative. Il doit donc développer des approches imaginatives pour s’adapter à la structure sociale établie et reconnue par la commune, plutôt que de s’y opposer, par des schémas d’une administration mal inspirée, dont l’attitude routinière nuit considérablement à ses actions. La reforme que l’Etat devra initier pour asseoir définitivement son autorité, sa crédibilité et son ancrage dans la société, pourrait se concevoir, à partir : d’une évaluation objective de la demande sociale, sur la base des études et enquêtes économiques, d’une définition des rations pour les besoins essentiels et d’une communication permanente avec la société civile et les centres de production intellectuelle, scientifique et culturelle ; d’un système transparent dans l’affectation des ressources financières et des moyens d’études et d’engineering ; d’un redéploiement de la source humaine pour l’encadrement des communes, dans le sens d’une amélioration de leurs capacités managériales. Bien qu’ayant nécessité de gros efforts d’investissement, les actions de nature multiformes initiées par les structures technico-administratives de l’Etat, sont souvent ignorées par la population, ou tout au moins, peu adaptées à la hiérarchisation de ses besoins.
Le déficit de communication s’est traduit dans tous les cas par une forme de désinvestissement et une indifférence de la population, à l’égard des actions qui lui étaient destinées. L’absence d’une politique contenue et cohérente pour la ville a induit des formes d’inventions anarchiques, au point où les actions à caractères social et de réhabilitation du cadre bâti jusque là entreprises, n’ont eu qu’un impact limité, eu égard à l’ampleur dans la concentration des problèmes au niveau des établissements humains de nos villes. Les zones d’habitat sans aménagements, à l’intérieur et autour des villes, offrent aujourd’hui l’image de centres d’exclusion en rupture sociale, où la mal vie a pour corollaire, l’habitat insalubre, la dégradation de l’environnement, le chômage, la délinquance et l’insécurité qui menacent à terme, la cohésion sociale.
Dans sa recherche d’une meilleure cohésion sociale, l’Etat doit développer des approches imaginatives pour mettre en adéquation son intervention avec la demande sociale. A ce titre, l’initiative que devront développer les collectivités locales, pour asseoir définitivement leur autorité morale, leur crédibilité et leur ancrage dans la société, autrement dit, la «stratégie de pénétration sociale» qu’elles devront adopter pour la reconquête des territoires d’exclusion et de mal vie, devra s’articuler autour de la concertation avec le mouvement associatif, pour la définition de la demande sociale des quartiers et la hiérarchisation es préoccupations de la population ; de l’amélioration dans l’encadrement des programmes de réhabilitation des quartiers, par des équipes pluridisciplinaires de conception et de suivi des programmes ; de la communication permanente avec les représentants des associations de quartiers et d’un encadrement adéquat des populations à risques par des équipes pluridisciplinaires ; de la prévention de l’échec scolaire par l’initiative en cours du soir, de programme de rattrapage pour les jeunes qui ne disposent pas de toutes les commodités pour l’évolution normale de leur scolarité et d’un encadrement spécifique des catégories de jeunes, disposant d’aptitudes artistiques, culturelles et scientifiques à encourager au sein d’une politique promotionnelle de jeunes talents.

4- Pour une gestion efficiente des espaces territoriaux
Dans le système algérien, les APC ont pour l’essentiel, constitué des entités assistées par un Etat, qui outre ses prérogatives propres, se voulaient être, l’unique gestionnaire de l’économie. Les responsables locaux n’étaient donc de ce fait, que des exécutants des politiques et décisions arrêtées au niveau central, et qui se traduisaient au niveau communal, par la réalisation des actions et programmes arrêtés en séance d’arbitrage par l’organe central de la planification, au titre des plans annuels et des enveloppes budgétaires. C’est ainsi, qu’outre les orientations très directives qu’impliquaient déjà les programmes alloués, les communes furent également sous tutelle étroite des walis, y compris pour les tâches de proximité, où les charges spécifiques que la loi attribuerait théoriquement, à leurs préoccupations directes. L’Etat prenait pratiquement en charge, toute la politique sociale, et intervenait très largement par ailleurs, dans la gestion en principe communale, du foncier et de l’urbanisme. Des directives furent ainsi données à une certaine époque aux communes, pour la cession de terrains à bâtir, et toute la politique du logement, fût quasi totalement confiée aux wilayas. Cette situation a eu pour effet, une déresponsabilisation des autorités communales et une atteinte à leur crédit d’administration de proximité au service du citoyen.
De même, l’Etat fût directement confronté à la grogne du citoyen, motivée par les besoins de logement, de qualité de vie, d’emploi et autres, ou des mesures de redressement pour l’émergence d’une administration communale responsable. Avec la nouvelle conjoncture économique et politique, il est indispensable et urgent de restituer les rôles et responsabilités des différents niveaux d’administration de notre territoire. Parallèlement au nouveau rôle d’animation et de régulation de la vie économique et sociale du pays que se fixe l’Etat, il s’agit conformément aux principes de la démocratie et de la décentralisation, de redonner à l’administration communale, toutes les prérogatives et les moyens d’actions d’une autorité locale, pleinement responsable. Cela interpelle les obligations de l’Etat dans la perspective d’une décentralisation responsable. Dans le processus de décentralisation, l’Etat moderne doit veiller à accorder aux collectivités locales, toutes les prérogatives et tous les moyens qui leur permettront d’assurer la totale responsabilité de gestion de leurs territoires respectifs, tout en sauvegardant l’unicité des politiques et stratégies nationales qui doivent, dans l’intérêt général, transcender les conjonctures locales.
Outre la refonte du statut de l’administration locale, il va sans dire, que les prérogatives nouvelles qui en découleront pour l’autorité communale, ne pourront s’exercer, que si elles sont accompagnées par une réforme des finances locales. Chaque collectivité locale doit ainsi disposer d’un budget propre et de l’autonomie de son utilisation, afin que le citoyen puisse juger de la capacité de son administration communale, à gérer son territoire de résidence, et à améliorer ses conditions de vie. Dans le même temps, l’Etat doit sauvegarder ses missions fondamentales de garant de tout ce qui constitue les intérêts de la communauté nationale (cohésion et justice sociale, sauvegarde du patrimoine public, égalité des chances pour l’épanouissement de tous les citoyens…) L’autonomie de la gestion communale ne peut s’exercer, que dans le respect des politiques et stratégies que met en œuvre l’Etat, tant pour régler et orienter le développement économique et social du pays, que pour aider et organiser le développement équitable et la bonne gestion de toutes les composantes de l’espace national. L’anarchie dont témoigne actuellement la croissance et les extensions désordonnées de nos villes, et notamment les plus grandes d’entre elles, ne pourra que s’accentuer, si l’on continue à accepter que les autorités communales demeurent livrées à elles-même pour répondre sous la contrainte, à la demande sociale en espace à bâtir.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul