Le taux de croissance, le taux de chômage, les réserves de change et la cotation du dinar

La crise économique mondiale et son impact sur l’Algérie

Le président de la République Abdelmadjid Tebboune lors des deux derniers Conseils des ministres, a demandé au gouvernement un bilan serein de la situation actuelle et des solutions adéquates pour faire face à la crise qui secoue pas seulement l’Algérie mais le monde.

Cela n’est pas propre à l’Algérie, où selon les rapports du FMI et de l’OIT, les taux d’informalité varient considérablement d’un pays à l’autre, allant de 30% dans divers pays d’Amérique latine à plus de 80% dans certains pays d’Afrique subsaharienne ou d’Asie du Sud-Est. Pour l’Algérie, du fait qu’en dehors des hydrocarbures sur une population active dépassant 12 millions, nous avons près de 45/50% de l’activité qui est concentrée dans la sphère informelle, plus de 6 millions de personnes sont sans protection sociale, principalement dans les services, les petits boulots, plombiers, électriciens, maçons… et l’agriculture pour les saisonniers. Le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, courant mai 2020, a révélé que le décompte qui a eu lieu au niveau des wilayas a permis le recensement d’environ 8,5 millions d’Algériens vivant dans 15 000 zones d’ombre.

5- Comme impact sur le niveau des réserves de change, avant l’épidémie du coronavirus, les prévisions de la loi de Finances complémentaire sont de 44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévu dans la loi initiale. Le FMI avant la crise prévoyait 33,8 milliards de dollars fin 2020, le trésor français 36 milliards et fin 2021/début 2022, entre 12/13 milliards de dollars. Mais tout dépendra à la fois des importations ne pouvant pas tout restreindre, quitte à étouffer tout l’appareil productif, produire plus au niveau interne fonction de la balance devises pour éviter l’expérience malheureuse des usines de montage de voitures et bon nombre d’autres projets «fictifs», lutter contre les surfacturations et une meilleure gestion interne. Sour réserve de ces conditions, les réserves de change pourraient être courant 2022 entre 21/22 milliards de dollars. Si le cours moyen 2020 est d’environ 40 dollars en termes réel et le cours du gaz naturel supérieur à 5 dollars le MBTU qui a chuté de plus de 75% entre 2008/2020 (moins de 2 dollars le MBTU en juillet 2020), procurant selon le bilan de Sonatrach de 2019, environ 33% de ses recettes brutes, devant soustraire les coûts et la part des associés, et le manque à gagner de la réduction de la production décidée par l’OPEP pour l’Algérie d’environ 3 milliards de dollars en moyenne annuelle, les recettes de Sonatrach fin 2020 devraient clôturer entre 21/22 milliards de dollars. Mais attention aux faux calculs car le cours réel du pétrole doit être rattaché au pouvoir d’achat du dollar qui s’est déprécié depuis le début de l’année 2020 étant cotée à 1,08- 1,07 dollar un euro et est coté le 31 juillet 2020 à 1,19 dollar un euro en raison des incertitudes de l’économie américaine et surtout du gonflement du déficit budgétaire, soit une baisse d’environ 11%. Ainsi, le cours réel du Brent coté le 2 août 2020 à 43,34 dollars, ce gain étant contrebalancé par une hausse de la facture d’importation libellée en euros, devant donc dresser la balance devises, il est en réalité à prix constant en référence à janvier/février 2020, le 2 août 2020 à 38,40 dollars le baril en termes de parité du pouvoir d’achat.

6- Cela influe sur la cotation du dinar corrélée à la création de valeur ajoutée et aux réserves de change cotée le – 4 août 2020 : 127,95 dinars un dollar et 150,93 dinars un euro. Tout dérapage du dinar par rapport au dollar et à l’euro permet d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportation hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation (équipements, matières premières, biens finaux, montant accentué par la taxe à la douane s’appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité. Pour suppléer au déficit budgétaire, le recours à la planche à billets après l’épuisement du Fonds de stabilisation du pétrole (FRR) pour financer le déficit budgétaire, la Banque centrale ayant recouru à ce mécanisme de mi-novembre 2017 à avril 2019, ayant mobilisé 55 milliards de dollars, soit l’équivalent de 32% du PIB de 2018. Il aura un impact négatif à terme. Ce financement, outre l’effet inflationniste, comme au Venezuela, favorise contrairement à certains discours, la baisse des réserves de change puisque en mettant à la disposition de certaines entreprises des dinars (70% des matières premières et des équipements des entreprises publiques et privées étant importées, le taux d’intégration ne dépassant pas 15/20%) ces dernières se porteront importatrices en devises en biens et services

En cas de baisse drastique des réserves de change à 10/12 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70% (voir l’expérience vénézuélienne), la Banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctue en fonction du taux d’inflation, la cotation actuelle sur ce marché n’étant pas significative du fait de l’épidémie du coronavirus qui limite la demande. La baisse de l’offre de devises par les anciens réseaux (tarissement de l’envoi de l’émigration a été contrebalancée par les fortunes acquises régulièrement ou irrégulièrement par la communauté résidente (voir l’achat de biens à l’étranger de certains oligarchies aux surfacturations) et à la communauté à l’étranger qui font transiter les devises vers l’Algérie, montrant clairement que le marché parallèle de devises est bien plus important que l’épargne de l’émigration, accroissant l’offre, sinon cette dernière serait fortement réduite et le cours sur le marché parallèle de devises serait plus élevé.

7- Evitons la sinistrose. L’Algérie possédant d’importantes potentialités et a encore quelques leviers. Le stock de la dette extérieure au 1er janvier 2019 est relativement faible, ayant atteint 5,710 milliards de dollars, selon l’édition 2020 des statistiques sur la dette internationale de la Banque mondiale, contre 5,707 milliards de dollars à fin 2017 et à 5,463 milliards de dollars à fin 2016. Bien que la dette publique pourrait s’établir à 61% du PIB fin 2020 selon le trésor français, contre 36% en 2018 et 46,3% du PIB en 2019, d’autres estimations donnant 57% entre 2019/2021. Cela n’est pas propre à l’Algérie puisque la dette publique totale uniquement pour l’ensemble de la zone euro, qui a déjà atteint 1 865 milliards de dollars en 2019, pourrait donc dépasser les 2 000 milliards de dollars fin 2020. L’Algérie possède d’importantes potentialités tant dans l’agriculture, notamment saharienne et dans les Hauts-Plateaux, devant être conscient que le grands défi du XXIe siècle avec le réchauffement climatique dont l’impact risque d’être 100 ou 1 000 fois supérieur à l’épidémie du coronavirus, est l’eau (comme on le constate avec le conflit actuel entre l’Ethiopie et l’Egypte). L’Algérie possède également des avantages dans le tourisme 1 100 km de côtes, dans les nouvelles technologies que dans certaines filières industrielles, mais dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux. Pour cela, l’on devra éviter les erreurs du passé, des unités sans création de valeur ajoutée, du mythe que les exportations de matières premières brutes procureront une importante rente, dont le fer, les phosphates dont les prix ont chuté de plus de 30% ces dernières années, le prix du fer en juin 2020 étant de 75/78 dollars la tonne et

tonne. L’on devra investir en levant tous les obstacles dont notamment l’obstacle numéro un, la bureaucratie, entamer la réforme de Sonatrach, lieu de production de la rente et le système financier, lieu de distribution de la rente. L’objectif stratégique est de favoriser un partenariat gagnant-gagnant (l’assouplissement de la règle des 49/51% que je réclame depuis 2008 va dans la bonne direction), afin de développer les filières à l’aval. Mais cela nécessitera de lourds investissements, qui procurent un taux de profit trois à quatre fois supérieur mais pour atteindre le seuil de rentabilités, il faut être réaliste et éviter des discours démagogiques, il ne se fera pas avant cinq à huit années après le lancement de ces projets. En résumé, pour se projeter dans l’avenir, loin de tout populisme dévastateur, la nouvelle situation impose une nouvelle gouvernance, un langage de vérité et non de louanges en contrepartie d’une rente, de certaines personnes et organisations ne représentant qu’eux-mêmes, ayant conduit le pays à l’impasse, et surtout de la moralité des gouvernants. L’Algérie devra s’adapter au nouveau monde, rétablir la confiance pour sécuriser son avenir, s’éloigner des aléas de la mentalité rentière, réhabiliter le travail et l’intelligence, rassembler tous ses enfants et toutes les forces politiques, économiques et sociales, en tolérant les différentes sensibilités mais évitant la division sur des sujets secondaires. Il y va de la sécurité nationale.
A. M. (Suite et fin)