Comment Pixar a bouleversé le cinéma d’animation

«Toy Story» a 25 ans

Toy Story fête ses 25 ans ce dimanche 9 août. Premier film réalisé entièrement en images de synthèses, ce classique des studios Pixar a bouleversé le monde du cinéma d’animation.

Pour l’occasion, un festival virtuel est organisé à partir de ce jour et tout le long du mois d’août sur la plateforme Disney+. Après un quart de siècle de films pour les petits et les grands, le géant américain Pixar, désormais sous contrôle Disney, continue sur sa lancée. Ce sont les aventures de Buzz et Woody, les jouets vivants de Toy Story qui ont propulsé le studio au-devant de la scène en 1995. À l’époque, Pixar Animations Studios fait le pari de produire un long-métrage d’animation entièrement animé par des ordinateurs, et non plus par des dessinateurs : ce sera le premier de l’histoire du cinéma. L’accueil critique est mitigé, pourtant le film est un succès : 48 millions d’entrées et près de 362 millions de dollars de recette dans le monde. Après Toy-Story, Pixar enchaîne les productions qui rencontreront un succès planétaire : 1001 Pattes en 1998, Monstres et Cie en 2001, Le Monde de Némo en 2003, Les Indestructibles en 2004, WALL-E en 2008, Là-haut en 2009, et dernièrement Coco en 2017 et Toy Story 4 en 2019. Avec un total de vingt-deux longs-métrages, Pixar a atteint près de 850 millions d’entrées en salle partout dans le monde et s’est vu récompensé de dix-neuf Oscars.

Un studio novateur
À l’origine, le studio n’est d’abord qu’un simple service de la société de George Lucas, le créateur de Star Wars. En 1986, Steve Jobs rachète le service et fonde Pixar avec Edwin Catmull et John Lasseter. Après Toy Story, Pixar s’impose sur la scène internationale du cinéma d’animation. Pour Lucie Merijeau, enseignante-chercheuse en histoire du cinéma et spécialisée en cinéma d’animation, le succès vient du scénario des œuvres : Pixar a renouvelé la narration et les représentations des personnages. Bien plus que pour leurs innovations technologiques, les films de Pixar sont lus à travers le prisme de leurs mises en scène. «Tous les longs-métrages sortis par Pixar vont creuser un sillon de films qui sont à la fois des films qui empruntent plus au courant indépendant, et qui empruntent quand même à la mentalité «blockbuster» pour ce qui est du marketing, puisque celui-ci est dirigé par Disney», explique la spécialiste.
Les films de Pixar sont rapidement prisés des critiques, qui les analysent comme des films de cinéma, et non plus comme de simples dessins-animés. Pour Lucie Merijeau, Pixar a permis de donner une légitimité culturelle à tout un pan du cinéma d’animation. Mais Pixar ne révolutionne pas pour autant le modèle de production. Suivi de près par Disney depuis ses débuts, le studio est racheté par le géant en 2006 pour 7,4 milliards de dollars. «Après le rachat, les ventes de jouets partout dans le monde entier ont rapporté des millions de dollars. Par bien des moyens, Pixar a complètement infiltré le paysage global culturel», souligne encore Lucie Merijeau.

Des films pour tout le monde
«Ils sont arrivés à un moment donné où, dans le cinéma en général et dans l’animation en particulier, on était dans «l’esthétique postmoderne». Il y a donc beaucoup de références à la «pop-culture» qui peuvent être des points d’accroche pour les spectateurs. Ils ont créé une mythologie interne de films en films, ce qui crée une sorte de connivence avec le public. Et en même temps, le spectateur qui n’a pas connaissance de tout ça passera à côté mais pourra quand même aimer le film», explique Lucie Merijeau. Le succès de Pixar se joue aussi dans le mille-feuilles d’interprétations possibles. Les films réunissent les enfants et les adultes, comme dans le film Wall-E qui raconte l’histoire d’un petit robot, mais qui se lit aussi comme un grand film d’amour, voire de science-fiction à la limite du pamphlet écologique. Les personnages complexes développés par Pixar permettent des scénarios plus profonds, selon Lucie Merijeau, qui rappelle que Toy Story nous parle d’une famille mono-parentale, ou encore du deuil, un thème qui revient régulièrement dans les productions du studio.
«Ce sont des récits complexes et des objets qui permettent de comprendre le monde, ou d’aider à voir des situations que les spectateurs peuvent connaître. Ils peuvent s’identifier», explique l’enseignante-chercheuse. Le studio a tout de même connu une baisse de régime ces dernières années : l’échec commercial du film Le voyage d’Arlo en 2015, la démission de John Lasseter, patron de Pixar et réalisateur de Toy Story, accusé de harcèlement sexuel en 2018, ou encore la fermeture des salles de cinéma au printemps dernier, au moment de la sortie de En Avant, dernière production du studio. Avec Disney+, la plateforme de streaming de Disney, le studio propose de nouveaux contenus originaux, comme des courts-métrages qui portent sur des thématiques contemporaines et plus mûres. De quoi continuer l’expérimentation alors que le festival virtuel dédié à Pixar sur cette plateforme Disney+ débutera dimanche, et durera tout au long du mois d’août.
L. T.