Quels impacts, sa révision sur l’économie algérienne ?

L’Accord d’association Europe/Algérie applicable le 1er septembre 2020

Ayant des incidences politiques, sécuritaires, économiques, sociales et culturelles sur toute la société algérienne donc devant être impérativement pris en compte dans le plan de relance socio-économique, l’Accord d’association avec l’Europe, signé le 1er septembre 2005 devrait prendre effet à compter du 1er septembre 2020 avec des démantèlements tarifaires progressifs, ce qui a un impact sur toute création d’entreprises. Au Conseil des ministres présidé récemment, le Président de la République Abdelmadjid Tebboune a donné des orientations afin de réévaluer les volets économique et commercial de l’Accord qui n’a pas réalisé les objectifs attendus en matière d’investissements européens en Algérie.

La coopération économique devra tenir compte de la composante essentielle qu’est la préservation de l’environnement et des équilibres écologiques. En ce qui concerne les incidences sur les services énergétiques, l’Algérie se doit d’être attentive à la nouvelle stratégie énergétique qui se dessine entre 2020/2030 tant au niveau européen qu’au niveau mondial. Les accords dont il est question devraient faire passer les industries algériennes du statut d’industries protégées à des industries totalement ouvertes à la concurrence internationale. Ces accords prévoient la suppression progressive des obstacles tarifaires et non tarifaires, avec d’énormes défis aux entreprises industrielles de notre pays. Si ces accords ne peuvent avoir que peu d’impacts sur le marché des hydrocarbures en amont, déjà inséré dans une logique mondiale (pétrole), il en va autrement de tous les produits pétroliers à l’aval qui vont être soumis à la concurrence européenne et internationale. Ainsi, la dualité des prix mesure par laquelle un gouvernement maintient des prix internes à des niveaux plus bas que ceux qui auraient été déterminés par les forces du marché et les restrictions à l’exportation. Autre incidence, l’ouverture à la concurrence du marché des services énergétiques qui concernent toutes les activités et l’urgence d’intégrer la sphère informelle dominante qui contrôle 33% de la masse monétaire en circulation et environ 45% de l’emploi et de l’économie hors hydrocarbures en Algérie. Enfin, l’environnement considéré comme un bien collectif, l’Algérie doit s’engager à mettre en œuvre les différentes recommandations contenues dans les chartes sur l’énergie.

3- Qu’en est-il des impacts de la révision de l’Accord qui ne remet nullement en question la modification de l’Accord cadre, mais des assouplissements qui permettraient de relancer la coopération entre l’Algérie et l’UE dans le but de donner à cet accord toute son importance et d’utiliser tout son énorme potentiel dans ses trois composantes : politique, économique et humaine ? Du côté européen, on évoque des discussions «constructives, la relation bilatérale, prometteuse aussi bien dans le domaine de l’énergie que dans l’activité des entreprises et du commerce, avec un potentiel inexploré, même si grevé par des lourdeurs administratives. L’Europe souhaite la création d’un cadre juridique stable et transparent, propice à l’investissement, ainsi que la réduction des subventions, la modernisation du secteur financier, et le développement du potentiel des partenariats public-privé qui font partie des réformes structurelles nécessaires qui doivent encore être menées. Pour l’Algérie, qui a introduit une série de mesures protectionnistes, invoquant une détérioration de la balance de paiements, il n’est pas question de rompre l’Accord d’association qui la lie à l’Europe mais de favoriser un partenariat gagnant/gagnant. L’Europe ne devant pas considérer l’Algérie uniquement du point de vue d’un marché, étant consciente que la situation du pays reste toutefois tributaire de l’évolution des marchés d’hydrocarbures, des ventes dont le pays tire l’essentiel de ses revenus, en rappelant que la coopération énergétique, basée sur un protocole spécifique, est au centre de la coopération avec l’UE.
C’est que l’Europe reste un partenaire clef pour l’Algérie comme en témoigne la structure du commerce extérieur de l’Algérie pour 2019. Pour les principaux fournisseurs, les cinq premiers fournisseurs de l’Algérie représentent 50,33% des importations globales, la Chine étant le principal fournisseur ayant contribué à hauteur de 18,25% des importations de l’Algérie, suivie par la France, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne avec des parts respectives de 10,20%, 8,13%, 6,99% et de 6,76%. Pour les principaux clients, durant l’année 2019, les cinq premiers clients de l’Algérie représentent près de 50,85% des exportations algériennes, la France étant le principal client de l’Algérie avec une part de 14,11%, suivie par l’Italie, l’Espagne, la Grande Bretagne et la Turquie avec des parts respectives de 12,90%, 11,15%, 6,42% et de 6,27%. En termes de répartition des échanges commerciaux (import et export) de l’Algérie par zone géographique au cours de l’année 2019, l’exploitation montre clairement que l’essentiel de ces échanges reste toujours polarisé sur les partenaires traditionnels. En effet, les pays de l’Europe enregistrent une part de 58,14% de la valeur globale des échanges commerciaux au cours de l’année 2019, soit un montant de 45,21 milliards USD contre 51,96 milliards USD enregistré durant l’année 2018. Les pays de l’Asie viennent en seconde position des flux commerciaux avec une part de 23,92%, en passant de 19,07 milliards USD à plus de 18,60 milliards USD pour les périodes considérées. Sur le plan géostratégique, pour l’Europe, l’Algérie est un acteur déterminant de la stabilité régionale et de l’approvisionnement en énergie de l’Europe.
Selon l’exécutif européen dans son rapport sur l’état d’avancement des relations UE-Algérie en date du 3 mai 2018 et dans plusieurs rapports entre 2019/2020, l’Union européenne salue les efforts de l’Algérie en matière de sécurité et de défense au niveau de la région. Selon ces rapports, «l’effort continu, (…) de modernisation des équipements, ainsi que les nombreux effectifs de sécurité dont l’Algérie dispose, ont permis au pays de contrer de façon efficace les menaces terroristes. L’évolution de la crise libyenne et la situation complexe dans la région du Sahel ont amené l’Armée nationale populaire (ANP) à déployer des forces de sécurité supplémentaires aux frontières… L’effort continu, de l’ANP et des forces de sécurité ont permis au pays de contrer de façon efficace les menaces terroristes». Concernant l’énergie, où l’Algérie doit s’orienter vers un Mix énergétique afin d’honorer ses engagements internationaux du fait de la forte consommation intérieure liée à l’urgence de la révision de la politique des subventions qui doivent être ciblées et généralisées, faute de quoi, elle dépasserait le volume des exportations actuelles horion 2030 (voir étude réalisée sous ma direction 8 volumes avec les cadres de Sonatrach et le bureau d’études américain Ernest Young sur la politique des carburants ministère Energie 2008), l’Algérie par exemple à travers les canalisations Medgaz et Transmed est un acteur stratégique pour l’approvisionnement en énergie de l’Europe. (Voir nos interviews à l’American Herald Tribune du 28 décembre 2016 – au quotidien financier français la Tribune.fr en février 2017 et le 10/8/2020 à la télévision américaine Al Hurra).
Sur le volet économique, les négociations entre l’Algérie et l’Europe ont connu des divergences qui se sont accentuées suite aux décisions du gouvernement courant 2009 de postuler 51% aux Algériens dans tout projet d’investissement où pour l’Europe en dehors des hydrocarbures que peut exporter l’Algérie en direction de l’Europe et que si l’Algérie n’a pas tiré profit de l’Accord d’association, c’est parce que les réformes structurelles n’ont pas été menées. Pour l’Algérie c’est l’Europe qui n’a pas rempli ses engagements avec un déséquilibre croissant de sa balance commerciale hors hydrocarbures s’étant engagée à favoriser une économie diversifiée et que l’Algérie a toujours plaidé pour le renforcement du «dialogue et de la concertation» entre l’Algérie et l’Union européenne (UE) en vue de «densifier» les relations bilatérales dans «l’intérêt mutuel et l’équilibre des intérêts afin de faire face aux défis communs de sécurité et de développement dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant, ne voulant pas être considérée comme un simple marché. L’Algérie reste convaincue que les discussions engagées par les deux parties sur ce dossier permettront d’arriver à des solutions pragmatiques et acceptables qui prennent en ligne de compte les intérêts légitimes de chaque partie.

4- Alors quelles perspectives pour préparer l’Algérie aux nouveaux défis mondiaux ? Mener de profondes réformes structurelles politiques et économiques, le social et le culturel qui à travers les nouvelles technologies qui modèlera nos comportements et la gestion des institutions, déterminant en ce XXIe siècle, au profit exclusif de l’Algérie, réformes qui trouveront des résistances des tenants de la rente. Outre les réformes institutionnelles, dont la révision constitutionnelle, renvoyant à la refonte de l’Etat pour de nouvelles missions adaptées des relations dialectiques Etat-Marché, et donc lutter contre la bureaucratie centrale et locale, qui enfante la sphère informelle et la corruption, le grand défi pour le Président de la République Abdelmadjid Tebboune, enjeu énorme car déplaçant des intérêts de rente, sont la transparence de la gestion de Sonatrach, lieu de la production de la rente et le système financier, lieu de distribution de la rente, afin de l’autonomiser afin qu’il ne soit plus dans le sillage des sphères de clientèles. Les débats contradictoires en association avec toutes les composantes de la société, tolérant les différentes sensibilités et la nécessaire cohésion sociale me semblent être la seule voie pour dépasser la crise multidimensionnelle actuelle, car les ajustements sociaux seront douloureux.
L’Algérie ne peut continuer à fonctionner entre le budget d’équipement et de fonctionnement, selon le FMI, à un cours variant entre 95/100 dollars le baril, le cours de 30 dollars dans la loi de Finances 2020, étant un artifice comptable, ayant besoin d’une cohérence dans sa politique socio-économique (pour un bilan et les défis de l’Algérie face aux enjeux géostratégiques -interview 11 août 2018 American Herald Tribune USA «Dr Abderrahmane Mebtoul : «Algeria Still Faces Significant Challenges» et sur l’impact de l’épidémie du coronavirus sur les tensions sociales au niveau de l’économie mondiale American Herald Tribune février 2021 et AfricaPresse Paris mai 2020). L’égalité n’est pas celle du modèle de l963-2019 mais recouvre la nécessité d’une transformation de l’Etat gestionnaire à l’Etat régulateur, par la formulation d’un nouveau contrat social, renvoyant à la refondation de l’Etat. Pour se projeter sur l’avenir, l’Algérie nouvelle impose une nouvelle gouvernance, un langage de vérité, la moralité des gouvernants, de rétablir la confiance pour sécuriser son avenir, de s’éloigner des aléas de la mentalité rentière, de réhabiliter le travail et l’intelligence, de rassembler tous ses enfants et toutes les forces politiques, économiques et sociales, en tolérant les différentes sensibilités mais évitant la division sur des sujets secondaires.
Le fondement des réformes passe par deux axes fondamentaux enjeux énormes du pouvoir fondamentaux outre la réforme des institutions autour de grands pôles régionaux décentralisés. Premièrement, le lieu de distribution de la rente, la transparence de la gestion de Sonatrach dans la mesure où l’économie reposera encore pour longtemps sur les hydrocarbures, impliquant un nouveau management de Sonatrach, expliquant l’audit exigé par le Président de la République. Deuxièmement, la réforme profonde du système financier, dans toute sa composante, lieu de distribution de la rente, de simples guiches administratifs selon les propos du Président de la République. Où une oligarchie rentière a utilisé le système douanier pour des surfacturations faute d’absence d’un tableau de la valeur relié au réseaux internationaux, coûts/qualité) ; le système domanial non numérisé favorisant la dilapidation du foncier ; le système fiscal non numérisé favorisant la fraude fiscale, le système bancaire public avec des crédits faramineux octroyés sans de véritables garanties, en plus des bonification de taux d’intérêt, avec la complicité de certains segments de l’administration, et ce sans création de richesses. Pourtant, ne versons pas dans la sinistrose.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul