Les «services» français derrière les assassinats d’amis du FLN

Guerre d’Algérie

La guerre menée par le colonialisme français contre les Algériens en lutte pour l’indépendance de leur pays, livre ses secrets un à un grâce au travail d’investigation de journalistes et d’écrivains qui, sans être particulièrement historiens, contribuent à lever le voile sur les crimes commis par l’armée française.

Jacques Forollou, journaliste d’investigation, vient de révéler, dans une contribution au journal français Le Monde de vendredi, que la France a ordonné à ses services secrets d’assassiner des citoyens français «pro-FLN» (Front de Libération nationale). Il s’appuie sur des documents tirés du livre «Les Tueurs de la République» (Plon), de Vincent Nouzille, et des extraits du fonds d’archives personnelles de Jacques Foccart, «homme de confiance du général de Gaulle, chargé de suivre les services secrets et les affaires africaines». Le journaliste rapporte qu’«au cœur de l’été 1958, dans le plus grand secret d’un pouvoir gaulliste tout juste revenu aux affaires grâce au putsch d’Alger du 13 mai, Jacques Foccart a coordonné, sous les ordres du Général, un programme d’opérations clandestines sur fond de conflit algérien. Le service action du Sdece (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, devenu Dgse) était chargé de mener ces missions.
Constantin Melnik, conseiller du Premier ministre chargé des affaires de renseignement de 1959 à 1962, chiffrait le nombre d’assassinats à 140 pour la seule année 1960, sans pour autant fournir de détails». Il y avait neuf personnes à éliminer classées en trois catégories : les «Français pro-FLN» avec un nom, Jacques Favrel, un journaliste basé à Alger ; les «trafiquants» (des vendeurs d’armes mais aussi des proches du FLN, dont un Autrichien, un Allemand et un «Français musulman algérien» appartenant à un réseau d’exfiltration de légionnaires déserteurs, et les «Politiques». «Cette liste a reçu l’accord de l’amiral Cabanier qui était le chef d’Etat-major de la Défense nationale attaché au général de Gaulle à la présidence du Conseil». Selon le journaliste, «à ce jour, la seule preuve documentaire existant sur ces assassinats concernait seulement Wilhelm Schulz-Lesum, un sujet allemand dont l’action est très néfaste aux intérêts français en Algérie. Un autre document récapitule, sous forme de tableau, l’ensemble des opérations réalisées depuis le 1er janvier 1956, assassinats, sabotages ou attentats, en indiquant le but à atteindre, le lieu, les moyens utilisés et le résultat.
On sait qu’un grand nombre de militants politiques et intellectuels français, ont refusé d’être les continuateurs de Cavaignac et Saint Arnaud qui sont entrés dans l’histoire comme précurseurs des «enfumades», ni les concitoyens de racistes spécialistes des «ratonnades», une chasse à l’Algérien, qui se terminait toujours par la mise à mort de la malheureuse victime sans défense. Des Français, femmes et hommes, de professions et d’origines sociales différentes – des avocats, des instituteurs et des professeurs de lycée, des universitaires, des jeunes étudiants, et même des cinéastes -, ont choisi de participer à la lutte du peuple algérien pour son indépendance contre la France coloniale, leur pays.
Chez nous, on les appelle «Les Amis de l’Algérie» et ils le restent «envers et contre tous», un peu comme nous, Algériens, sommes avec les Palestiniens. Républicains, voire révolutionnaires pour certains d’entre eux, ces Français sont venus à la lutte anticolonialiste et à la solidarité active avec les Algériens par des voies différentes et mus par des motivations diverses. Humanistes, libertaires, socialistes ou communistes, ils étaient guidés par les idéaux de la grande Révolution française de 1789, de la Commune de Paris et son internationalisme, des idéaux résumés dans le triptyque républicain inscrit sur les frontons des institutions françaises, «Liberté, Egalité, Fraternité».
Ils ont aidé le FLN et se sont sentis «pleinement FLN», et pas seulement à son service. Ils sont connus comme «les porteurs de valises» du fameux réseau Henri Jeanson, et comme déserteurs dont Boris Vian avait traduit les motivations à l’époque même. Leurs noms: Anne Preiss, Alban Lietchi, Hélène Cuenat, Simon Blumenthal, Didar Rossano, Henri Curiel, René Vauthier, Pierre Clément, Adolfo Kaminski, Noël Fravelière, Niels Anderson, Jean Galland, Nicole Dreyfus, Nicole Rein, Jean-Claude Paupert, Louis Orhan… pour les plus connus. Etaient-ils eux aussi sur la liste des cibles?
Lakhdar A.