Pour obtenir ce que chacun de tenace obtient au mérite

Plaisir de l’effort

Vous avez sans doute entendu parler de quelqu’un qui par son travail, ou sa participation à une compétition sportive, obtient une récompense au prix de gros efforts. On parle d’effort comme fondement pour réussir à un examen, remporter un titre parmi d’autres compétiteurs, faire un travail difficile exigeant beaucoup de tact et de courage. «L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt», ce proverbe vaut son pesant d’or tant il a une lourde charge sémantique dont l’idée d’effort pour celui qui se lève et qui accomplit son travail dans les meilleures conditions physiques possibles, profite de la fraîcheur matinale revivifiante.

Se lever tôt après s’être couché tôt, n’est pas donné à tout le monde, mais à une catégorie de gens de nature matinale. Il y a bien d’autres domaine où le plaisir de l’effort trouve sa place pleine et entière, c’est d’abord celui de la réflexion. N’avez-vous pas entendu de «l’idjtihad» ou effort de réflexion d’Ibn Rochd, qui est le fondement essentiel de la pensée de ce grand philosophe. Le plaisir de l’effort entre dans tous les domaines ; un exemple frappant est celui de la lecture car pour lire des livres, il faut faire des efforts de réflexion et mémorisation et pour celui qui n’a jamais lu, c’est parler dans le désert. Il est impossible pour celui qui n’a jamais lu d’acheter un roman, et Dieu sait s’il y en a, de prendre le temps qu’il faut pour le lire page après page, en faisant l’effort de le comprendre. On achète un roman. «Le Polygone étoilé» de K. Yacine, ou un roman de M. Dib, par exemple «Qui se souvient de la mer», sinon un de ses premières productions romanesques, plus facile à comprendre «La Grande Maison». On peut à la rigueur proposer un roman d’E. Zola dont la plupart sont longs mais beaux à lire. Cependant le même principe doit être de rigueur «le plaisir de l’effort» en lisant la page patiemment et en faisant l’effort de comprendre le thème et le rôle de chaque personnage.

«Le plaisir de l’effort» doit être partout comme principe fondamental
Il y a un proverbe célèbre qui dit : «Sans un peu de peine, il n’y a point de plaisir» faisant allusion à la pénibilité qu’un travail peut causer à celui qui l’accomplit après des efforts fructueux. L’expression : «Plaisir de l’effort» s’emploie surtout en milieu scolaire. On pourrait relever à l’infini des appréciations significatives portées sur les bulletins scolaires : des efforts mais résultats nettement insuffisants, Fournit de gros efforts, mais hélas !, A fourni beaucoup d’effort et les résultats sont nettement améliorés, Travail correct, mais doit faire des efforts pour de meilleurs résultats, etc. Mais le plaisir de l’effort parle de tout élève qui éprouve du plaisir à faire des efforts pour être au dessus de tout son groupe. Il en existe qui au prix de gros efforts accomplis ont réussi de brillantes études et ont obtenu au mérite des diplômes difficiles. Finalement, tout doit être mérité pour que le bout de papier qu’est le diplôme atteste bien que le lauréat possède le niveau que requiert le titre obtenu.
Un autre proverbe incite à la patience tous ceux qui s’impatientent de voir arriver quelque chose qu’ils désirent ardemment : de l’argent pour réaliser un projet, une embauche pour avoir un gagne pain, une femme pour se marier, une maison pour s’abriter. Attendre que cela vienne, c’est faire des efforts de patienter. Le Coran recommande la patience et il est dit dans quelques versets : «Celui qui patiente finit par obtenir ce qu’il désire», et un proverbe universel qui a des équivalents en langue populaire algérienne dit ceci : «Tout vient à point à qui sait attendre». Ainsi, le plaisir de l’effort finit par s’émousser par les bons résultats escomptés qui tardent à venir. On est plein d’enthousiasme au début, mais au fil du temps on finit par céder au découragement.
Mais, il y a des gens et il y en a eu dans l’histoire des personnes qui restent tenaces dans leurs efforts et qui finissent par triompher. Ce fut le cas d’Edison, l’inventeur de l’ampoule électrique et qui a révolutionné le monde. La plupart des savants qui ont découvert ou inventé quelque chose d’important, ne se sont jamais sentis vaincus face aux échecs et à l’adversité. L’invention de la lampe électrique n’a pas été facile, elle a nécessité des années de recherche laborieusement acharnée et des sommes ruineuses. Que de fois, il a échoué pour recommencer tout de suite après, mais il a fini par mettre au point l’ampoule que des industriels se sont dépêchés de produire en quantité suffisante pour l’éclairage d’une ville comme New York. Une page importante venait d’être tournée dans le monde.

L’homme se forme par la peine ; ses vrais plaisirs, il doit les mériter
Autrement dit, il n’y a rien, sans peine. Pendant que certains trouvent la lecture d’un livre trop difficile, d’autres lisent avec plaisir, tout ce qui leur tombe d’intéressant sous la main. En effet, certains éprouvent du plaisir à faire l’effort de lire en essayant de comprendre, et chemin faisant, ils essaient de garder le schéma sémantique de l’œuvre romanesque et lorsqu’ils ont fini, ils ont en mémoire l’essentiel du contenu, et ce n’est pas rien surtout quand il s’agit de gros livres de 500 pages ou plus. Lire est une corvée difficile à accomplir, et sitôt qu’on a entamé les premières pages ou lignes, on abandonne pour ne jamais le reprendre. L’apprentissage de la lecture commence très tôt et se poursuit sans relâche. Que de bienfaits on perd en se privant de la lecture : niveau de culture et de mémorisation en régression, appauvrissement langagier, amenuisement des capacités de réflexion. Et tous ces préjudices sont dus aux efforts insuffisants. Il n’y a point d’expérience qui élève mieux un homme que la découverte d’un plaisir qu’il aurait toujours ignoré s’il n’avait point pris un peu de peine. Avec des efforts persistants fournis avec plaisir, on découvre des tranches de vie de divers personnages intéressants pour la formation psychologique, des univers sociaux culturels enrichissants, des itinéraires qui donnent à réfléchir en nous aidant à mieux comprendre la vie dans les succès et les échecs qu’elle nous réserve.
Enfin ! Que chacun choisisse la voie qui lui convient. Enfin la géométrie par cartons peut plaire, mais dès qu’on arrive aux problèmes rigoureux de géométrie qui exigent beaucoup d’efforts de réflexion et de raisonnement, la plupart abandonnent par paresse, alors le plaisir dans l’effort constant de réflexion est immense, parce que la géométrie c’est l’art de raisonner juste sur des figures fausses. On ne se rend pas compte des profits que nous rapporte le fait de raisonner longtemps sur un problème difficile dont on finit par découvrir la solution. Aller à la recherche de solutions de problèmes, est un apprentissage difficile qui met à rude épreuve nos capacités de raisonnement mais combien exaltant, il devient presqu’un jeu dont on n’arrive plus à se départir tant le plaisir qu’il procure est immensément revigorant. Et lorsqu’on découvre les ficelles, on les manipule avec aisance et on est sur la voie du progrès.
Le langage des mathématiques et des mathématiciens est clair, simple d’accès facile pour tout le monde. On le découvre aisément à la lecture d’un roman écrit par un mathématicien. Beaucoup de mathématiciens sont devenus de très bons romanciers comme Tahar Djaout, Anouar Benmalek, Descartes et beaucoup d’autres qu’il est difficile de citer tant la liste est longue. On ne fait pas l’éloge des mathématiques, mais on essaie de faire comprendre le plaisir de l’effort de réflexion qu’elles exigent face à des problèmes et qui finit bénéfique à la longue. Bien des situations peuvent servir à illustrer le profit qu’on peut tirer de l’effort de réflexion. L’une d’elle est celle de la frivolité d’un enfant, dans son besoin de faire du bruit, mais qui a besoin de se sentir grandir par le travail, il passe du jeu au travail qui nécessite du sérieux face aux exercices qu’on lui demande de réaliser : besoin d’écoute attentive, discipline, efforts de réflexion qui débouche sur la compréhension.
En pédagogie, on dit qu’on ne doit jamais donner la noix épluchée à un enfant, parce que sa pensée s’engraisse comme une volaille et qu’il vaut mieux une pensée maigre qui chasse son gibier. Lorsqu’on l’oblige à éplucher lui-même la noix, c’est mieux pour lui car dans ce cas, il cherchera plus la voie de la facilité qui est la voie des plus grands paresseux qui trouve rebutant et difficile le décryptage d’un livre qui nécessite des efforts qui, prolongés finissent par procurer du plaisir.
Abed Boumediene