La saison offre, chaque année, un spectacle d’une rare beauté

Un festival des couleurs en automne

Un sujet qui paraît sans importance, mais détrompons-nous, les couleurs de l’automne, c’est autant de signes en couleurs qui sont autant de symboles désignant l’état de la végétation suivant les saisons.

L’automne est une saison de tous les paradoxes, tout d’abord, elle est belle et triste, bonne pour certaines choses, par exemple pour la méditation, mais qui offre à voir des spectacles de fin de vie comme les feuilles mortes alors qu’à côté, il y a des feuilles vertes persistantes. Chaque saison apporte son lot de couleurs symbolisant chacune un état qui incite à questionner la nature selon que les tableaux qu’elle offre sont tristes à voir ou peu attrayants, les arbres aux couleurs vives et nuancées, durant tout le printemps et l’été, perdent leurs feuilles qui ont commencé à jaunir avant leur chute ; les belles fleurs multicolores qui ont servi à l’embellissement ont presque atteint un état de dépérissement irréversible, elles vont mourir définitivement en vertu de la loi de la nature qui veut que certains végétaux renaissent à la vie, atteignent leur plein épanouissement et meurent et dans la même année, on les appelle plantes annuelles. C’est la même chose pour les arbres, parmi eux, il y en a qui font pousser leurs feuilles puis leurs fleurs et qui atteignent le stade suprême de la floraison, produisent des fruits dont on se nourrit, mais les feuilles finissent par jaunir, une fois les derniers fruits sont cueillis ou tombés à terre, tout ça dans la même année ; mais à côté, il y a des arbres fruitiers ou forestiers qui ne perdent jamais leurs feuilles, c’est le cas de tous les agrumes, l’olivier, chêne et d’autres à feuilles persistantes. Les feuilles qui tombent ou appelés à tomber, prennent des couleurs variables allant du jaune au roux en passant par le rouge. Un spectacle d’une rare beauté s’offre aux promeneurs en mal de fantastique.

Des couleurs très nuancées et peu communes
L’automne est bien triste par son processus de déperdition des plus belles variétés de vert allant du plus clair au plus foncé en passant par un nombre inimaginable de nuances. Dès les premiers jours, on s’aperçoit du manque de vivacité des feuilles qui au lieu de se dresser vers le haut se laissent fléchir comme pour se préparer à une chute prochaine. Cela dépend des années, habituellement, même des souffles légers de vent peuvent faire tomber quelques unes, c’est l’amorce du mouvement des chutes comme cela est prévu dans la loi de la nature qui a décidé du destin des feuilles en les faisant tomber l’une après l’autre pour former un épais tapis crissant sous nos pas et ce, durant la saison des premières pluies. Et dés le début d’un déclin prédestiné, le festival des couleurs commence à se profiler sur les arbres un changement de décor fait par les feuillages qui voit le vert éclatant du printemps et de l’automne, virer vers le jaune ou le rouge, sinon au roux. A l’inverse du printemps qui tire son charme des couleurs éclatantes faites d’un mélange de variétés de blanc, des fleurs touchant légèrement au violet ou à l’orange, selon les arbres fruitiers soumis aux caprices de la nature, on assiste à un tableau flamboyant des feuilles qui jaunissent, rougissent ou roussissent. C’est d’une beauté inouïe, ces arbres devenus naturellement polychromes comme sous l’effet d’une baguette magique. Ainsi, chaque année, comme pour marquer la fin d’un processus allant de la renaissance à la vie jusqu’à la pleine maturité des fruits, la chute des feuilles pareilles à des roses ou des gentianes, sinon des liserons qui commencent à se faner avant de mourir. Ces feuilles formant des tapis multicolores qu’on piétine parce que tel est leur destin. Mais à côté, il y a les arbres et arbustes aux feuilles persistantes qui semblent narguer le passage du temps qui ne peut rien contre le vert vif éternel de leurs feuilles. Pamplemoussiers, mandariniers, orangers, citronniers, comme par fierté, exhibent leurs feuilles qui ne tombent jamais ; pour eux, l’automne signifient floraison puis fructification qui annoncent une bonne récolte de pamplemousses, mandarines, oranges et citrons dont les fruits et les jus sont plus vivifiants que les fruits du printemps et l’été ; mais à leurs branches épineuses qui peuvent vous écorcher si vous les approchez. Les oliviers omniprésents par leur capacité de résistance pendant des millénaires, se dressent majestueusement par leur taille imposante, ils sont le symbole de la résistance, mais ils n’ont nullement le monopole de ces qualités parce qu’il y a aussi les forêts de chênes qui résistent à tous les aléas du temps ; à eux deux, ils représentent la force de la nature et leurs principaux ennemis, c’est l’homme à l’esprit destructeur et le feu, qu’ils maudissent sans cesse dans le silence. En réalité, c’est grâce à Dieu que la nature, dans toute sa splendeur existe, c’est lui qui l’a créée, la nourrit, l’arrose, a créé les abeilles pour féconder les arbres et fabriquer leur miel aux mille vertus curatives à partir du suc de leurs fleurs.

L’automne, source d’inspiration pour de nombreux artistes peintres
Les peintres, surtout, se sont intéressés à cette saison pour ses couleurs particulièrement claires sur fond sombre. C’est un exercice particulièrement ardu, mais ardemment utile que d’essayer de rendre dans toutes ses nuances les couleurs de l’automne. Les peintres comme les poètes savent exprimer la mélancolie mieux que quiconque ; ces artistes très sensibles aux moindres changements des tableaux de la nature vivante, savent exprimer tout ce qui caractérise l’automne dans ses couleurs, les éléments de la nature sous l’effet du changement saisonnier, l’action des phénomènes naturels et tous les changements constatés depuis le passage à la nouvelle saison. La plupart des artistes s’intéressent particulièrement aux eaux d’une rivière coulant impétueusement avec des reflets changeants sous de grands arbres aux feuilles dorées. Un peintre célèbre parle de couleurs automnales comme des couleurs hivernales et froides, voulant mettre l’accent sur les variations de température, frisant celles de l’hiver après la pluie. Van Gogh écrit à son frère une lettre dans laquelle il lui décrit un tableau qu’il vient de finir : «La dernière chose que j’ai réalisée est une grande allée de peupliers avec des feuilles d’automne, la lumière déclinant et ça et là des points étincelants des feuilles tombées sur le sol qui contrastent avec les ombres des arbres élancés. Au bout de l’allée se trouve un petit chalet, par delà lequel on aperçoit le ciel bleu à travers les feuilles d’automne». Un peintre de chez nous, Azouaou Mammeri, est devenu célèbre ailleurs, sans avoir fréquenté l’école des Beaux-Arts et pour ses expositions en Europe et en Amérique ; c’est un artiste atypique pour ses portraits qu’il a admirablement réussis. Lui aussi s’est intéressé à l’eau dans tous ses états, particulièrement l’eau des rivières en crue. Pour lui, le paysage qui environne la rivière est excellent décor pour la méditation et l’inspiration. On voit qu’il a beaucoup fréquenté ces lieux et qu’il y a peint des personnages se baignant dans la rivière, ou traversant le cours d’eau courante monté sur le dos d’un mulet, et d’autres plus romantiques admirant le paysage merveilleux au printemps comme le peintre qui a l’embarras du choix avant de se fixer sur un cadre fantastique, une échancrure au bout du lit de la rivière qui rassemble un grand nombre de couleurs naturelles qui reconstituées fera un chef-d’œuvre de toile pour faire rêver les passionnés de paysage de beaux paysages. Pour cet automne qui fait perdre au paysage sa beauté, nous avons choisi ce peintre naturaliste allemand : Konrad Alexandre Muller qui a su mettre en valeur cet «automne dans toute sa monotonie», et à ce sujet l’une de ses toiles s’intitulant «Ruisseau dans la forêt» donne à voir les feuilles dorées se détachant des arbres en virevoltant pour finir leur course dans le ruisseau, ainsi c’est toute la magie de l’automne qui est saisie.

Les grands poètes ont les mêmes penchants pour la nature en automne
Très inspirés, ils produisent des chefs- d’œuvre en langage esthétique, on voit bien les sentiments forts qu’ils ressentent face à ce beau mariage des couleurs où prédominent le doré, le roux, le jaune accompagnés de maigres vestiges du vert, les derniers fruits bien mûrs menaçant de tomber mais qui pendent encore aux branches. L’auteur des vers disposés pour former des calligrammes, Apollinaire nous en donne ici le plus bel exemple : «Et que j’aime ô saison que j’aime les rumeurs/ Les fruits tombant sans qu’on les cueille/ Le vent et la forêt qui pleurent/ Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille». Pour un autre poète, l’automne est une demeure d’or et de pluie. Les rêves que les feuilles symbolisent meurent en automne et renaissent au printemps et la vie continue ; telle est la loi de la nature.
Boumediene Abed